Enfin, Barack Obama a remporté une bataille décisive sur la scène internationale. N’écoutant que son courage, il a, entre deux parties de golf à Hawaï, demandé de résister héroïquement à la cyberattaque de la Corée du Nord contre Sony Pictures en vue de torpiller la sortie du film « l’Interview qui tue ». Remontée par la détermination présidentielle, la firme a annoncé la sortie de cette comédie dans 300 salles et sa mise en location sur internet. Ouf ! La liberté d’expression a été sauvegardée aux Etats-Unis face aux menaces d’un Etat totalitaire… On a les Pearl Harbor qu’on peut…
Mais cet épisode décisif de la geste du Prix Nobel de la Paix prématuré révèle assez bien la nature du héros. Créature des médias, artiste de la communication, il était logique que le grand Barack s’illustrât dans son domaine d’élection, le spectacle. Faute d’avoir mené à bien aucune des actions de l’Amérique dans le monde réel, et sûr aujourd’hui de laisser à son départ de la Maison Blanche un monde pire qu’à son arrivée, le Président américain a livré un duel avec un personnage qui peut lui-aussi facilement s’inscrire dans la fiction récréative, dans « l’entertainment », pour parler comme tout le monde : le dictateur Kim Jong-Un. Que le cinéma américain ait eu l’idée d’une satire burlesque sur le troisième despote issu de la dynastie communiste des Kim n’a rien d’étonnant. Kadhafi avait déjà eu droit à une parodie du même genre sous les traits d’Aladeen, « l’oppresseur bien-aimé » de Wadiya dans « The Dictator ». Dans un autre style, le jeune autocrate nord-coréen n’a rien à envier à son ex-collègue libyen, en matière d’extravagance. Simplement, l’originalité de ce dernier, comme on l’a vu lorsqu’il est venu monter sa tente à Paris à l’invitation de Sarkozy, se limitait à sa personne. En Corée, c’est le régime tout-entier qui est caricatural et grotesque au point de sembler appartenir à l’imagination d’un auteur de bandes dessinées. La vie de ce prince rouge replet, pour ne pas dire grassouillet, peut en effet susciter des sourires : enfance royale au Château, études en Suisse, puis éducation soignée par un précepteur comme le « Dernier Empereur », général quatre étoiles et dignitaire du Parti du Travail à 27 ans, « leader suprême » lorsqu’il succède à son père un an plus tard. Quand on voit les vieux généraux, couverts de décorations et coiffés de casquettes démesurées, entourer, les yeux pleins d’admiration, l’héritier joufflu, on a du mal à y croire. Mais il s’agit du « génie des génies en science militaire » devant qui les femmes laissent exploser leurs émotions, et le peuple éclater son enthousiasme. Pas rancunier, le peuple, mais ce n’est pas le même, sans doute, que celui condamné à la famine par les dépenses militaires du régime, dans une URSS non seulement congelée mais poussée à son paroxysme.
Car si les excès du système totalitaire nord-coréen peuvent susciter l’amusement, sa réalité n’a rien de drôle. Le grand-père, obscur chef de maquis, choisi par Staline pour diriger la partie de la Corée occupée par les Soviétiques, avait déclenché la terrible guerre de 1950-1953, arrêtée par un armistice mais non terminée. Comme Kadhafi, le père, Kim Jong-Il, avant même de succéder au fondateur de la dynastie, s’était adonné au terrorisme d’Etat : attentat de Rangoon, explosion en vol du Korean Airlines 858 etc… Le petit-fils a commencé son règne sur une puissance désormais nucléaire, en torpillant un vaisseau de guerre, et en bombardant une île des frères-ennemis sud-coréens. Cette lignée féroce a installé un système répressif particulièrement bien organisé qui est décrit dans « Le Livre Noir du communisme », où les les exécutions et les tortures les plus barbares sont courantes, et les camps de concentration toujours remplis. Son idéologie, le Djouché, une lecture hyper-totalitaire du marxisme-léninisme, fait de ce royaume ermite une machine de guerre collectiviste et très hiérarchisée, un véritable cauchemar politique, qui a, au bas mot, déjà sacrifié trois millions de victimes à son délire.
Aussi la pochade tournée par les américains, et sans doute sauvée d’un total naufrage commercial par la polémique, n’est-elle pas à la hauteur et dans le ton du sujet. Aussi l’ire présidentielle, pour défendre la liberté d’expression, n’est-elle pas le bon combat contre un régime inhumain que les Américains, contrairement à ce que voulait Mac Arthur, n’ont pas anéanti quand ils le pouvaient. Cet échec ou cette reculade nous ramènent au présent, celui où Obama n’engage pas un homme au sol pour écraser l’Etat islamique qui continue à massacrer, à torturer ou à réduire en esclavage les populations et notamment les Chrétiens d’une région où, militairement, puis politiquement, les Etats-Unis ont jeté un horrible désordre. Pas de Rambo sur le terrain, donc, mais il est vrai que là, ça n’est pas du cinéma !
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