Texte intégral de l’intervention d’Eric Zemmour au tribunal mercredi 24 juin 2015

“Je vous avoue que j’ai longuement hésité à venir à l’audience. Mon avocat me déconseillait plutôt de me déplacer, pour conserver, disait il, aux débats leur caractère technique. J’ai décidé pourtant d’assister à cette audience. D’abord par respect des magistrats, de la cour, et au delà des institutions de la République. Mais aussi par curiosité. Je voulais comprendre ce qu’on me reprochait. Comprendre quelle loi ou quelle partie de la loi j’avais enfreint. Après tout, nul n’est censé ignorer la loi. Je voulais comprendre pourquoi le procureur, le représentant de l’Etat, m’attaquait pour des propos qui ne faisaient pourtant que décrire des faits, une réalité, amplement retranscrite: «des bandes étrangères venues d’Europe de l’Est écument notre pays», ça passe; mais quand on dit: «des bandes de tchétchènes, Kosovars, Roms dépècent, dévalisent, violentent, ou dépouillent», ça ne passe pas. Lui n’est pas déféré, moi, je le suis.

Je comprends bien le point de vue du procureur : il favorise la concision. L’ellipse est préférée à la description clinique. Madame le procureur préfère la pudeur des impressions à l’impudeur du réalisme. Mais cette querelle littéraire est-elle de la compétence de ce tribunal ? Il faut alors qu’elle aille au bout de cette logique littéraire. Qu’elle m’indique les bons mots et les mauvais mots, les mots autorisés et les mots interdits. Qu’elle redéfinisse les canons de la profession de journaliste. Que celui-ci ne soit plus tenu d’informer de ce qu’il voit, mais d’abord d’informer ce qu’il ne voit pas, mais qu’il est bon de voir.
J’avoue ma perplexité. Je n’ose penser que ce ne sont pas les mots qui comptent, mais ma personne. Il y a quatre ans, le procureur m’avait expliqué que ma notoriété fort grande avait pour corollaire une responsabilité aussi grande. Je constate qu’en quatre ans, j’ai encore pris du galon, puisque je suis davantage responsable, et donc davantage condamnable, qu’un ministre de l’intérieur lui-même.

Mais j’ai compris en écoutant avec soin ces débats, que ce ne sont ni mes mots ni ma personne qui importaient, mais mes pensées. Même pas mes pensées, mais mes arrière-pensées. Dans le passé, nous avions ainsi le tribunal de l’Inquisition qui dénichait la persistance des pensées hérétiques chez des marranes convertis au catholicisme. Nous avons eu plus récemment les grands procès staliniens qui traquaient les intentions contre-révolutionnaires.

A la suite de la parution de mon livre, le Suicide français, le premier secrétaire du parti au pouvoir avait dénoncé la zemmourisation de la société. Le premier ministre avait expliqué que mon livre n’était pas digne d’être lu, le ministre de l’Intérieur avait appelé à manifester contre moi, et le président du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale avait sollicité de mes employeurs qu’ils mettent fin à mes collaborations à leurs medias. Marie-Anne Chapdelaine, Une députée d’Ille-et-Vilaine, me chassait carrément de France : «Monsieur Zemmour, la République, on l’aime ou on la quitte ». Aujourd’hui, je vis la version judiciaire de cette offensive médiatico-politique. On prétend faire du droit, mais derrière les arguties, ce n’est qu’une bataille politique pour me faire taire.

Il y a six mois, des millions de Français défilaient dans la rue pour défendre la liberté d’expression. Les malheureuses victimes de Charlie Hebdo avaient subi aussi une condamnation judiciaire venue d’un tribunal islamique qui les avait condamnés à mort pour blasphème. Si je comprends bien ce qui m’est reproché, la liberté d’expression, c’est bon pour les dessinateurs de Charlie, mais ce n’est pas bon pour moi. Parce qu’eux sont gentils, et moi, je suis méchant. Eux ont des bonnes arrière-pensées, et moi j’en ai de mauvaises. Si je comprends bien, nous vivons toujours sous le règne de la phrase de Saint-Just : «pas de liberté pour les ennemis de la liberté». Cela s’appelait la Terreur.”

Eric Zemmour

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27 Comments

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  • centaurée , 30 juin 2015 @ 20 h 16 min

    Cher Gérard, vous avez bien écrit 3 lignes. Que n’en ajoutez-vous 3 de plus au lieu de chercher un sous-traitant?

    Mais ce débat ne se trompe t-il pas de tribune? Les juges ne font pas les lois mais s’efforcent simplement de les appliquer conformément à leur contenu.
    C’est aux Assemblées qu’il appartient de les modifier si les applications obtenues conviennent mal aux effets recherchés. Il faut passer par une association ou son député, à moins d’avoir un nom!

  • panny , 1 juillet 2015 @ 6 h 51 min

    C’est nickel

  • jpb06 , 1 juillet 2015 @ 14 h 07 min

    dans ses propos E.Zemmour dit une vérité qui, chaque jour qui passe, tend à se vérifier.
    C’est ainsi que M.Valls a employé la locution ” guerre de civilisation” dans son discours du 30.06 sans que cela effarouche la clique bien pensante du politiquement correct et de tous les faux cul de gauche et d’ailleurs
    Alors qu’ E.Zemmour avait employé ce s termes en 2014.
    Dès lors, si l’on admet que toute vérité n’est pas bonne à dire, mais que surtout, toute vérité qui met nos dirigeants face à leur responsabilité, celle qu’ils ne prennent pas alors que les français, pour leur part, sont agressés par le terrorisme religieux de gens qui mettent le Coran comme bible de paix en avant
    Il est logique que dans ce monde, E.Zemmour soit attaqué parce trop en avance sur la réalité.

  • regis33 , 1 juillet 2015 @ 19 h 35 min

    pauvre Z, obligé d’aller s’expliquer devant des magistrats vendus à la cause du politiquement correct. Surtout ne pas regarder les réalités de notre quotidien et que le Peuple ferme sa gueule.Si par un mauvais hasard, Z est condamné, il faut qu’il fasse appel pour qu’enfin le DROIT soit appliqué et non pas un jugement rendu par des petits magistrats à la solde de l’intelligentsia. le combat commence.

  • Eva de France , 2 juillet 2015 @ 12 h 40 min

    Bonjour, ne lachons pas EZ car il va avoir besoin de nous et rapidement , mettons une pétition en marche pour l’aider , à moins que cette pétition soit mise à la poubelle comme certaines …..BRAVO ZEMMOUR , on vous remercie –

  • yentoci , 7 juillet 2015 @ 11 h 57 min

    C’est très vrai ce que vous dites sur le papier, mais je crains que cela ne s’applique pas aux vues de nos institutions mafieuses aux ordres des pouvoirs en place dont les juges travaillent souvent à charge voire se parjurent en toute impunité; c’est cela la démocratie et la liberté d’expression en France.L’iceberg de
    la dictature auréolé d’un voile de bienpensance oligarchique pointe son nez…..

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