L’émission C dans l’air de la 5, donc de l’infiniment respectable service public pour lequel nous acquittons la dîme audiovisuelle, a consacré son émission du 25 Novembre au Souverain Pontife, au Pape François. Comme d’habitude, les invités étaient triés. On voit d’ailleurs de plus en plus souvent les mêmes. Il n’y a pas de raison que la pensée unique s’embarrasse de la diversité. J’ai eu l’occasion de participer deux fois à cette émission, il y a bien longtemps. La seconde était un traquenard dont je me suis plaint. On ne m’y a plus invité. Hier, l’intention manifeste de M. Calvi était de souligner la rupture incarnée par le Pape actuel, et celle-ci s’est révélée au travers d’une question sur le Pape « de gauche ». Il est bien, il change les choses, donc il est de gauche… Message à peine subliminal.
Comme j’avais écouté le discours du Saint Père devant le Parlement Européen, en entendant les commentaires, je me suis demandé si je l’avais bien compris. Je l’ai donc entendu une seconde fois, ainsi que l’allocution devant le Conseil de l’Europe. Manifestement, pour ceux qui font l’effort d’honnêteté intellectuelle, de ne pas plaquer les épithètes de « conservateur » sur Benoît XVI et de « progressiste » sur François, ce qui sous-entend que le second est préférable au premier, c’est la continuité de la pensée qui est évidente, non la rupture. Certes, le style est différent. Le Pape François est plus simple. Benoît XVI était plus précis et accompagnait toujours sa réflexion d’analyses subtiles et de références qui passaient au-dessus de la tête de beaucoup, comme l’avait montré le procès qui lui avait été fait, avec une totale mauvaise foi, après son discours de Ratisbonne. Mais la pensée, c’est-à-dire la position de l’Eglise n’a pas changé.
Le Pape sud-américain a souligné la mondialisation en marche. Il en a tiré la conséquence d’une Europe vieillissante, repliée sur elle-même et méfiante à l’égard d’un monde qui n’est plus eurorocentique. Si cette idée d’une vieille Europe rappelle étrangement les propos de Donald Rumsfeld face aux réticences allemandes et françaises lors de l’intervention américaine en Irak de 2003, elle se situe dans une logique opposée, comme le sud l’est au nord. Comme Jean-Paul II, François appelle l’Europe à bannir ses peurs, à retrouver confiance en elle. Le chemin de cette renaissance n’a rien de révolutionnaire puisque le Pape a clairement indiqué le rôle essentiel des racines, du passé qui porte l’avenir. Lorsqu’il a défini cet héritage, il a parlé de la Grèce, de Rome, des Celtes, des Germains et des Slaves, bien sûr du Christianisme. La notion qui condense le legs de ces cultures est la Personne humaine, revêtue d’une dignité transcendante, un être relationnel qui est tout le contraire de l’individu des sociétés matérialistes et marchandes. L’homme n’est pas un engrenage, un objet jetable, un bien de consommation qu’une « culture du déchet » puisse détruire avant qu’il ne naisse ou parce qu’il est trop vieux. Cette personne a des droits inaliénables, mais ils s’accompagnent de devoirs et ne doivent pas sombrer dans les abus individualistes. L’homme entre le ciel de l’idéal et la terre du réel vit avec les autres, dans une famille qui l’éduque et qui est « indissoluble ». Il doit participer au Bien Commun par son travail. Il est membre d’un peuple qui doit garder son identité, car si l’Europe est une famille de peuples, son unité ne doit pas être uniformité, mais au contraire tirer partie de la diversité que chaque nation apporte. La démocratie exige le respect de ces différences que la technocratie menace de même qu’elle écrase l’espérance européenne fondée sur la multipolarité, la transversalité, et la subsidiarité.
L’accueil des migrants évoqué à travers l’image de la Méditerranée transformée en cimetière a paru à certains comme le point fort de l’intervention. Si on relit « L’Amour dans la Vérité » de Benoît XVI, les idées sont les mêmes. Cette question exige la solidarité des pays, le respect des droits des migrants, mais aussi de ceux des Européens. Sa solution passe par le traitement des causes, c’est-à-dire de la pauvreté et du sous-développement des pays d’origine. Le respect de la personne humaine implique de ne pas la réduire à n’être qu’un producteur, un consommateur ou un citoyen, mais de lui reconnaître au contraire une liberté spirituelle, d’avoir autant d’attention pour la nature de l’homme, pour l’anthropologie, pour l’écologie humaine que pour l’environnement naturel. Cette exigence doit se manifester à l’encontre des persécutions qui frappent les minorités religieuses, en particulier les Chrétiens. Si l’Europe est un arbre, dont le tronc meurt s’il perd ses racines, la sève qui coule en lui est la vérité dont il faut avoir le courage. Le risque qu’il faut éviter est le nominalisme, l’invasion des mots vides de sens. C’est pourquoi l’Europe doit revenir à sa vérité première, celle des Pères fondateurs, inspirés par la pensée chrétienne. Celle-ci n’était ni une technocratie, ni une simple puissance économique, c’était le projet d’une civilisation qu’il faut retrouver.
L’écologie humaine, la personne, la famille, la diversité et l’identité des nations, le refus de l’avortement comme de l’euthanasie, l’absence de toute référence à l’Islam, la dénonciation de l’esclavage sous toutes ses formes, des plus primitives à celles que génèrent les trafics mondialisés, la résistance au risque de la foule solitaire soumise au marché et à la technocratie… Ces discours exprimaient une ligne de pensée cohérente et continue, contrairement à ce que l’opinion dominante dans les médias essaie de faire accroire.
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