Comparaison n’est pas raison, et la nostalgie brouille, toujours un peu, la réalité historique ; c’est entendu ! Mais, heureusement, la période très justement nommée “les trente glorieuses” a été suffisamment et abondamment commentée pour que l’on puisse affirmer, sans passer pour un affabulateur, qu’elle a permis à la France un essor économique et un développement dans tous les domaines, comme elle n’en a jamais plus connu. Il serait bon, dans un pays en proie au doute et dans un monde dominé par l’économisme, que nos responsables politiques actuels, s’en souviennent ; s’ils pouvaient en prendre de la graine…
Pendant ces “trente glorieuses” (années 50, 60, 70), sans être idyllique, la vie paraissait plus simple et l’avenir, plein de promesses. Le niveau de vie était en constante évolution ; les salaires, aussi ! De 1960 à 1970, les revenus ouvriers progressent de 120 %, ceux des employés et cadres de 122 %, ceux des fonctionnaires de 106 %, ceux des techniciens et agents de maîtrise de 110 %. Le plein-emploi était quasiment assuré : le chômage, de courtes durées, concernait à peine plus de 1 % de la population active et n’avait aucune incidence économique, ni sur les intéressés, ni pour la société. L’économie, en pleine expansion, avait un taux d’accroissement annuel de 5 % (7,9 %, les meilleures années) et le PIB par habitant était presque équivalent à celui des États-Unis (alors considérer comme le pays le plus riche de la planète). Le niveau d’éducation et d’expérience des travailleurs était remarquable et l’ascenseur social de la méritocratie républicaine fonctionnait plutôt bien. En ce temps-là, la France était la troisième puissance du monde !
La société semblait plus débonnaire. Les droits et les devoirs citoyens étaient inculqués à tous et tous les respectaient ; l’incivilité de quelques jeunes réfractaires se réglait facilement par de simples remontrances. Même les malfrats avaient un code d’honneur : ils connaissaient les risques encourus ! Sauf dérapage incontrôlé, leurs crimes et délits se cantonnaient à quelques faits-divers sensationnels. Qui soulevaient, aussitôt, l’indignation et la réprobation du plus grand nombre. Loin de la banalisation, en cortèges compassionnels, des faits actuels. Quant à la liberté d’expression, elle n’était pas muselée par la crainte des tribunaux, saisis, aujourd’hui, pour la moindre virgule mal placée, par des minorités, très susceptibles, en mal de reconnaissance. Car, à cette époque, les intellectuels et la majorité populaire décidaient de l’usage des mots, auxquels ils ne donnaient aucune importance juridique. Seuls les actes étaient condamnés.
En ce temps-là, l’immigration était régulée par les besoins économiques du moment et la migration massive, en provenance des pays du Maghreb, n’en était qu’à son balbutiement. Surtout, le regroupement familial n’était pas autorisé (il a été concédé en 1974, à la fin des trente glorieuses). Personne ne pouvait imaginer que, des décennies plus tard, ces populations, bien installées et devenues françaises – le plus souvent binationales – produiraient des générations imprégnées d’un islam revendicatif, parfois odieusement meurtrier, qui gangrènerait tout le pays en transformant nos banlieues en zones réservées. L’idée qu’un terrorisme islamiste puisse se développer en France n’était même pas imaginable.
La politique n’était pas encore corrompue par l’économisme et l’Union européenne, à peine existante, n’avait aucun pouvoir de coercition sur les États associés. L’administration des pays était souveraine et totalement libre de prendre toute décision qu’elle jugeait utile. De véritables collaborations européennes, économiques, technologiques ou culturelles, ont été réalisées pour le bien de tous et les échanges ne se faisaient que sur la base du respect et de l’intérêt mutuel ; ils n’empêchaient pas les négociations un peu musclées, chacun défendant son pré carré national. À cette époque, la concurrence n’était pas fatalement déloyale.
Incontestablement, les “trente glorieuses” resteront une référence historique.
Claude Picard
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