On n’est pas forcément d’accord. “C’est reparti, mais pas comme en ’14, hein, plutôt comme en 90, vous savez, c’était alors la première Guerre du Golf. On se souvient de la soi-disant 4e armée du monde. Depuis, le modèle a beaucoup servi, été beaucoup imité, jamais dépassé. C’est toujours la même grande coalition internationale qui s’en va, bannière au vent. La bannière est étoilée, comme le drapeau des Etats-Unis, mais c’est un hasard. Ce n’est pas une guerre mais une opération de police. On ne défend pas des intérêts mais le droit. On n’affronte pas un adversaire mais on poursuit un méchant, un malfaisant, un diable, un monstre, un barbare à peine humain qu’auraient fait ensemble Hitler et Belzébuth. Il s’est successivement appelé Saddam Hussein, Milošević, talibans, Kadhafi… Demain, ce sera peut-être Boko Haram au Nigeria si l’émotion télévisée du moment le désigne comme méchant du jour.
Cette fois-ci, il n’a même pas de nom… Il en a trop : Etat islamique, califat… Autant de titres pompeux dont il se pare. Notre ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, tel Dieu lors de la Création du monde, lui a donné son nom, Daesh, acronyme en langue arabe d’Etat islamique. Notre brillant arabisant que Quai d’Orsay a aussi décrété qu’il ne fallait pas dire ‘islamistes’ car l’islam n’a rien à voir là-dedans. Laurent Fabius est comme Barack Obama, ce sont des grands docteurs de la loi coranique, ils savent distinguer le vrai islam du faux. Bah ! Celui qui est avec eux est le vrai, celui qu’ils bombardent le faux. Laurent Fabius va vers ‘l’Orient compliqué’ avec des idées simples. Avec lui, derrière lui plutôt, les représentants du vrai islam : Arabie Saoudite, Qatar, Turquie sont ceux qui, il y a quelques semaines seulement, finançaient et aidaient les défenseurs du faux islam, ceux du califat, pardon, ceux de l’Etat islamique, pardon, du Daesh. Qui n’est pas dans la dèche avec les réserves de pétrole sous ses pieds et sa banque pleine de dollars à Mossoul. Enfin, nos amis du Golf tremblent désormais et nous appellent au secours. Tel Frankenstein, leur créature leur a échappé, se retourne contre eux et les menace. C’est donc aux mécréants occidentaux de défendre le vrai islam. Tout cela est très logique : ce sont les guerres américaines en Irak qui, mettant les officiers de Saddam Hussein au chômage, les ont poussé dans les bras du calife, lui donnant une puissance militaire inédite. C’est parce que Sarkozy a battu Kadhafi qu’Hollande a envoyé notre armée au Mali. Le Syrien Assad, que la France s’apprêtait à bombarder il y a quelques mois, propose désormais son aide contre le califat, qui lui a volé une partie de son territoire. L’Iran, dont la bombe atomique empêchait de dormir nos diplomates, est désormais notre allié contre l’Etat islamique, alias le califat alias le Daesh. Mais l’Arabie saoudite et le Qatar, en bons sunnites, ne veulent pas entendre parler du diable chiite iranien. Vade retro chiito diabolicum ! La fin de l’Histoire, on la connaît, on a déjà vu le film : chaque fois qu’on a renversé un tyran, un monstre, un diable, on a eu pire. Mais cela ne nous empêche pas de poursuivre notre noble tâche…”
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