S’il est une réforme qui devrait résister à une alternance politique, c’est celle du Parlement… Cette réforme est le fruit de la révision constitutionnelle de 2008 qui avait été pourtant adoptée dans la douleur, à une voix près. Aujourd’hui, alors que la XIIIème législature touche à sa fin, le visage du nouveau Parlement commence à dévoiler l’ensemble de ses facettes et le consensus semble acquis sur les modifications constitutionnelles adoptées en 2008 : « L’opposition a fait savoir qu’elle ne reviendrait pas sur ce texte » fait valoir Bernard Accoyer, Président de l’Assemblée nationale. Passage en revue des avantages et inconvénients des changements (1/3 et 2/3) :
QPC
L’accusé estimant qu’une loi qu’on lui oppose est contraire à un droit inscrit dans la Constitution peut désormais demander au juge de poser directement la question au Conseil constitutionnel. C’est la fameuse Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) qui a fait prendre au Conseil constitutionnel une nouvelle dimension et qui influe directement sur le débat législatif.
– Les plus ? En tant qu’outil politique, la saisine du Conseil constitutionnel, depuis l’instauration de la QPC, est utilisée différemment. Autrefois, l’opposition saisissait presque systématiquement le Conseil constitutionnel avant la promulgation de la loi puisque c’était le seul moment où elle pouvait le faire. Désormais, elle peut préférer attendre l’entrée en vigueur de la loi pour saisir par l’intermédiaire d’une QPC le Conseil constitutionnel. Le professeur de droit Guillaume Drago explique (4) : « La non saisine devient pour l’opposition une arme stratégique qui est de renvoyer au contentieux de la QPC des questions constitutionnelles qui seront traitées peut-être de façon plus efficace que dans une saisine “a priori” ».
– Les moins ? Les effets des censures a posteriori – in fine l’abrogation d’une loi – peuvent être très gênants pour le Gouvernement et la majorité qui sont alors obligés de revenir sur une loi qu’ils croyaient inscrite dans le marbre… D’où le risque pour la majorité « de perdre une certaine maîtrise de sa production normative » selon le professeur Drago. Les QPC concernant le régime français de la garde à vue illustrent à merveille les conséquences de ce nouveau mécanisme qui peut ouvrir de véritables boîtes de Pandore (http://www.slate.fr/story/45411/qpc-guerre-conseil-constitutionnel-cour-cassation). Au final, le pouvoir que l’on donne au Conseil constitutionnel dépend de sa conception de la démocratie : jusqu’où faut-il faire confiance aux juges au détriment des représentants du peuple ? Le curseur est difficile à placer…
Contrôle du Gouvernement
La constitution version 2008 met au même niveau les missions de contrôle et d’évaluation que la mission de législation du Parlement. L’article 24 de la Constitution énonce désormais : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. »
– Les plus : dans cet esprit de contrôle de l’action du Gouvernement, le président de l’Assemblée nationale a instauré le comité d’évaluation et de contrôle. En quelques rapports, le « CEC » s’est imposé comme un organe très intéressant du contrôle de l’action du Gouvernement. Les sujets abordés par ce comité sont des sujets transversaux qu’une commission thématique ne suffirait pas à envisager. Le travail est mené de manière assez consensuelle puisque les rapports sont rédigés par un rapporteur de la majorité et un rapporteur de l’opposition. Le premier rapport issu du CEC est un rapport remarqué sur les fameuses Autorités administratives indépendantes qui fleurissent depuis quelques années dans tous les secteurs des politiques publiques (René Dosière et Christian Vanneste en sont les auteurs).
– Les moins : si le Sénat à une culture plus poussée du contrôle parlementaire, la réforme de 2008 n’a pas donné lieu à un changement particulier dans la pratique des sénateurs. Pourtant, il pourrait être intéressant d’avoir une telle commission au sein du Palais du Luxembourg. Autre progrès possible sur ce terrain : associer plus la Cour des comptes au Parlement dans son contrôle du Gouvernement. Si l’article 47-2 énonce depuis la réforme de 2008 que « la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement », dans les faits, cette collaboration n’est pas probante. La Fondation Ifrap qui affirme que « ni la Cour ni le Parlement n’ont véritablement choisi de travailler ensemble pour une meilleure évaluation de nos politiques publiques » propose de « mettre la partie évaluation de la Cour (200 personnes) directement au service du Parlement. »
Conclusion
Le bilan est globalement très intéressant et régale les juristes. Le professeur Jan souhaite aller plus loin en limitant le cumul des mandats, seul moyen de rendre possible l’investissement plein et entier d’un parlementaire dans son travail à l’Assemblée et de revaloriser la qualité du travail parlementaire. Une habitude française qu’il sera bien dur de déraciner… jusqu’à la prochaine réforme constitutionnelle ?
4. Colloque du 23 juin 2011 organisé par l’université Paris II au sein de l’Assemblée nationale : Le Parlement et le nouveau droit parlementaire après la révision constitutionnelle de 2008 http://www.juspoliticum.com/-No6-.html
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