L’Histoire Buissonnière

18-juin

Mercredi dernier, l’émission que je dirige sur Radio Courtoisie était consacrée à l’Histoire. Le titre global était « l’Histoire buissonnière » avec une première partie consacrée au « roman national » dans l’enseignement, et la seconde à l’ »histoire interdite ». Il s’agissait bien sûr, une fois encore, de débusquer le totalitarisme rampant qui sévit dans notre pays. L’histoire contribue à l’évidence à la formation des esprits. Elle forge les mentalités à travers les modèles qu’elle sélectionne : exemples humains choisis pour leur valeur positive ou négative, événements cruciaux ou symboliquement forts, clefs explicatives mises en relief par rapport à d’autres. Les hommes seront admirés, imités ou maudits. Les événements du passé seront triés et utilisés pour éclairer le présent, lui donner un sens. Les enchaînements de causes et d’effet prétendront donner une lecture intelligible du déroulement des faits. Si la recherche historique peut avoir un aspect scientifique, l’enseignement de l’Histoire, notamment dans la formation initiale n’est pas l’initiation à une science, mais une imprégnation mentale souvent idéologique. C’est pourquoi il varie suivant les idées qui dominent une époque et se prolonge dans l’orientation donnée à tout ce qui touche à l’histoire, à la promotion de livres ou de films qui s’y rapportent. J’avais été frappé par les obstacles rencontrés en France par le film d’un cinéaste polonais prestigieux qui n’a pas bénéficié de la diffusion que le sujet et le réalisateur méritaient amplement : « Katyn » d’Andrzej Wajda.

L’Histoire buissonnière est un titre tiré de celui du livre de François Bousquet : « La Droite Buissonnière ». Son ambivalence s’inspire d’abord de Patrick Buisson, mais aussi du chemin de traverse que celui-ci a tenté d’indiquer à la droite politicienne, celle qui ne prend le plus souvent que les autoroutes de la pensée tracées dans notre pays par la gauche. Comme il y a une « droite hors les murs », il a une histoire buissonnière, celle que Patrick Buisson ranime précisément pour en faire la trame de l’identité nationale et de sa prise de conscience. Dans son ouvrage, François Bousquet s’interroge à juste titre sur la légitimité des historiens à déconstruire le récit national et à interdire aux politiques de rappeler que l’histoire n’est pas neutre. Le paradoxe actuel consiste en ce que l’histoire qui a perdu sa grammaire, la chronologie, qui privilégie les aspects quantitatifs des sciences humaines au détriment de la volonté des « grands hommes », ou qui donne plus d’importance à un obscur empire africain qu’au règne de Louis XIV, est devenue l’histoire qui s’enseigne. Désormais, le récit national est devenu l’ »histoire buissonnière ». Les deux historiens présents ont confirmé cette déconstruction ravageuse. Jean-François Chemain, ce cadre d’entreprise, qui a décidé de devenir professeur d’histoire en collège de banlieue difficile, ce chrétien auteur de « La Vocation chrétienne de la France » souligne le terrible contre-sens commis par l’enseignement de l’histoire tel qu’il est imposé par l’idéologie dominante. Dans « Kiffe la France » et plus récemment dans « Tarek, une chance pour la France », il a montré combien le récit national pouvait être un merveilleux moyen de faire aimer la France et un vecteur d’intégration prodigieux pour les jeunes d’origine étrangère, mais aussi, hélas, combien l’histoire officielle pouvait, au contraire, secréter du ressentiment et conduire à la « désintégration ». De même, Dimitri Casali s’est fait connaître pour avoir défendu le récit national. L’un de ses ouvrages s’appelait : « L’Altermanuel d’Histoire ». Le titre est révélateur; Aujourd’hui, « l’autre histoire », c’était la nôtre, celle qui nous a appris à devenir des citoyens français, fiers d’appartenir à l’une des plus vieilles nations du monde dont le passé est d’une richesse qui doit faire rêver tous les jeunes Français. Dimitri Casali vient de publier  » La longue montée de l’ignorance » qui étend son jugement accablant sur l’ensemble de l’enseignement. Cela n’a rien de rassurant et souligne à quel point l’éducation impose aujourd’hui l’urgence d’être réactionnaire.

Dans la seconde partie de l’émission nous avons abordé l’histoire interdite à travers trois exemples. Des événements historiques peuvent être déformés ou cachés. Du génocide vendéen au massacre des prêtres espagnols par les « républicains » durant la guerre civile, de l’ »holodomor » ukrainien  à Katyn, l’exécution massive d’officiers polonais par les soviétiques, des sévices commis par des « français » contre les Français prisonniers du viet-minh en Indochine aux tueries de Harkis ou de Pieds-Noirs par le FLN au lendemain du 19 Mars, l’histoire officielle marque ses préférences et oublie certaines victimes. De même, malgré un film récent,  peu connaissent aujourd’hui notre premier exemple, la répression féroce subie par les catholiques au Mexique entre 1926 et 1929. La rébellion des Cristeros, au nom du  » Christ-Roi », est l’une de ces séquences interdites parce qu’elle dérange ceux qui font l’apologie de la laïcité en la présentant comme tolérante : l’un des dogmes de la pensée unique. C’est Hugues Keraly, un grand spécialiste de l’Amérique latine, qui en a retracé l’épopée et le martyre dans « La véritable histoire des Cristeros ». Hugues Keraly a également enquêté sur 11 morts imputés au Général Pinochet par Amnesty International… Il a poussé l’enquête jusqu’à les interroger ! Cette étrange résurrection nous conduit au second exemple : le livre de Philippe Chesnay, « Pinochet, l’autre vérité » qui méticuleusement remet en cause la vision manichéiste diffusée en France. Allende n’avait été élu que par 36% des électeurs. Il voulait soviétiser son pays selon le modèle cubain. Le pronunciamiento militaire de 1973 a été accueilli avec soulagement par une grande partie de la population. Le référendum organisé 7 ans plus tard par le Président Pinochet a obtenu 67% de votes favorables. La nouvelle constitution et les réformes économiques sont à porter au crédit d’un régime qui a laissé un pays en meilleur état qu’il n’était à son arrivée. Enfin, le troisième exemple est plus douloureux pour notre pays à travers ses dirigeants. Il s’agit de « Rwanda Je demande justice pour la France et ses soldats » du général Didier Tauzin. L’auteur y souligne le courage et l’efficacité des militaires français face à une situation complexe et explosive que les politiques n’avaient pas évaluée. Cette erreur de jugement des années 1990 continue à peser sur l’ensemble de l’Afrique centrale. La connaissance approfondie du terrain et de son histoire très particulière permet au général de contester la vision simpliste du génocide des Tutsis par les Hutus, et d’écarter une quelconque culpabilité française. Il n’est pas toujours facile de concilier fierté et vérité. Au moins peut-on éviter l’oubli ou le mensonge, fût-ce par omission.

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