La semaine du 26 janvier au 3 février 2014 aura été marquée par une triple offensive contre le gouvernement. Elle s’est terminée le 4 février par une débandade de sa part.
La première offensive fut lancée par le Jour de Colère. Rassemblant 160 000 personnes, selon ses organisateurs, autour de huit thèmes de colère, cette manifestation fut celle du réveil de la société civile dans toutes ses composantes, des supporteurs de Dieudonné aux catholiques de Civitas. Le gouvernement a bien tenté, par l’amalgame, l’insulte et la caricature, de réduire ce mouvement citoyen à un défilé d’extrémistes. Mais ce sont bien contre le matraquage fiscal, le chômage de masse, la faillite de l’éducation, le mépris des familles, les insultes aux croyants, les entraves aux entreprises, la perte de l’identité nationale et les atteintes à la liberté d’expression que ces français sont venus de toute la France à Paris.
Cette manifestation a produit un effet de sidération sur le gouvernement. Le jeûne entrepris ce jour-là par Béatrice Bourges pour enjoindre les députés à se saisir des responsabilités que la Constitution leur confie a sans doute joué un rôle déterminant. Quoi de moins violent qu’un jeûne public ? Cette intervention pacifique et déterminée a désarmée la machine de guerre de la propagande gouvernementale. Lorsque les belles consciences de gauche se sont réveillées, demandant, comme Manuel Valls ou Robert Badinter, un défilé républicain contre le Jour de Colère, c’était déjà trop tard. La dynamique parlementaire visant le Président de la République était enclenchée. À la base de cette mécanique, le constat que l’article 68 de la Constitution, qui prévoit une possible destitution, était inapplicable, faute d’une loi organique, prévue mais jamais votée depuis 56 ans. C’est pour convaincre les parlementaires de réparer cette omission que Béatrice Bourges a jeûné pendant huit jours aux pieds de l’Assemblée. Faute de pouvoir justifier son arrestation, qui fut tentée trois fois en une semaine, le pouvoir a choisi l’ignorance. Cependant, ses arguments ont fini par prévaloir auprès de Jacques Bompard, député du Vaucluse, qui a déposé le 3 février une proposition de loi organique précisant les modalités de mise en œuvre de l’article 68 sur la destitution du Président. Cette proposition de loi est une tenaille qui prend la droite en étau. Si elle ne soutient pas la proposition de loi, elle assumera de vouloir protéger l’actuel chef de l’État. Si elle l’appuie, elle adressera un message clair à ses électeurs et au gouvernement.
La deuxième offensive fut la “Journée de retrait”, lancée sur Internet et propagée par le bouche à oreille par Farida Belghoul, ancienne icône de la deuxième “marche des beurs”, devenue la première adversaire de Vincent Peillon. C’est une femme, comme Béatrice Bourges, qui a réussi le tour de force de vider certaines écoles cette semaine, installant avec le ministre de l’Éducation nationale un rapport de force dont elle est sortie vainqueur. Prenant le gouvernement en flagrant délit de mensonge, elle a révélé aux Français la vérité sur l’enseignement du gender à l’école. Cette idéologie, qui se pare du nom de théorie, vise à déconstruire les identités masculines et féminines dès le plus jeune âge, pour favoriser l’épanouissement d’une société où l’homosexualité et la transsexualité seraient érigées au rang de modèle pour tous les enfants. Et c’est au nom des valeurs historiques de la France, que Farida Belghoul n’hésite pas à appeler “fille aînée de l’Église”, qu’elle a livré et gagné son combat contre le vaisseau amiral socialiste : l’Éducation nationale. Un véritable vent de panique a soufflé dans les Académies. Plus le gouvernement tentait de faire croire que l’idéologie du genre n’est pas dans les programmes scolaires, plus les révélations pleuvaient, avec des documents, des circulaires, des photos et de vidéos sur tous ces mensonges.
“Un espace politique s’ouvre à droite : il fait se rejoindre les catholiques décomplexés de la Manif pour Tous et les dieudonnistes transgressifs de Jour de Colère. C’est peut-être pour toute la classe politique que résonnent les notes de ce Dies Irae…”
La réussite de la “Journée de retrait” sera lourde de conséquence pour la gauche. Elle sonne sa déroute auprès des populations des cités, sur lesquelles elle comptait comme masse de manœuvre électorale d’ici les prochains mois. Elle signifie aussi, et c’est à souligner, qu’un double mouvement s’est opéré. Les populations d’origines étrangères ont décidé de prendre la parole sur les questions sociétales, à la suite des millions de Français qui ont défilé dans la rue contre la loi Taubira en 2013. Ces mêmes populations choisissent de le faire en affichant sans crainte leur patriotisme. Ce n’est pas au nom d’un communautarisme ethnique ou religieux qu’elles ont voulu agir, mais au nom de leur citoyenneté française.
La troisième offensive contre le gouvernement culmina dimanche 2 février, à Paris et à Lyon, à l’appel de la Manif pour Tous. Dénonçant la politique familiale du gouvernement, 500 000 personnes à Paris et 40 000 à Lyon (selon les organisateurs) sont descendues braver pacifiquement les 3 000 policiers déployés inutilement par Manuel Valls. Cette tentative grotesque de criminaliser par avance une manifestation familiale et paisible s’est retournée contre son auteur. C’est Manuel Valls qui fut envoyé en corvée pour hisser le drapeau blanc de la reddition gouvernementale. Au lendemain du succès de la Manif pour Tous, menée là encore par une femme, Ludovine de La Rochère, le gouvernement annonçait sa capitulation sur la loi famille. Ce qu’il avait dénoncé tout le week-end comme une manifestation fondée sur des rumeurs devenait le lundi une réalité. La PMA et la GPA pour les homosexuels ne seront ni débattus ni votés cette année. Et comme lors de toute défaite, les alliés se déchirent, voilà que la gauche n’a pas de mots assez durs pour fustiger cette décision de Jean-Marc Ayrault, qu’elle a pourtant si peu soutenu, tant le réveil de la société civile lui donne la gueule de bois.
Le succès, dans la rue, de la Manif pour Tous n’est pas sans rappeler le combat contre le CPE de 2006. Il avait coûté sa posture de présidentiable à Dominique de Villepin. Et de nouveau, les rumeurs de remaniement se font entendre, au milieu de la cacophonie provoquée par la gauche et ses alliés devant cette reddition.
Les leçons à tirer de cette semaine de colère sont lourdes de conséquences pour la droite comme pour la gauche. Face à François Hollande, affaibli par les révélations sur son erratique vie privée, la contre-offensive politique n’est venue d’aucun parti, mais de la société civile. Cette riposte ne repose pas sur la mise en avant d’un leader, mais sur l’affirmation de valeurs. Et, comme un avertissement pour un FN en quête d’honorabilité, cette réaction assume sans complexe son patriotisme. Un espace politique s’ouvre à droite : il fait se rejoindre les catholiques décomplexés de la Manif pour Tous et les dieudonnistes transgressifs de Jour de Colère. C’est peut-être pour toute la classe politique que résonnent les notes de ce Dies Irae…
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