par Philippe Simonnot*
Lisant l’excellente Guerre civile européenne d’Ernst Nolte, je suis tombé sur une phrase qui paraît tout à fait d’actualité : « la victoire du Front populaire avait été, selon toute apparence, une victoire de la paresse » [1]. Évidemment, on ne peut pas ne pas rapprocher cette appréciation de la récente lettre de Maurice Taylor au ministre français du « Redressement productif », Arnaud Montebourg. Le patron de Titan International se gaussait des « soi-disant ouvriers français » ne travaillant que 3 heures par jour. Soixante-dix-sept ans après le gouvernement Blum, c’est la même image outrancièrement caricaturale de farniente et de je-m’en-foutisme que la France, hier des quarante heures, aujourd’hui des 35 heures, offre à l’univers. Image encore aggravée par un Hollande nonchalant au sourire inoxydable, au cheveu indéfrisable, à l’œil bon-enfant, au discours approximatif, qui continue de croire mordicus à sa bonne étoile – manifestement, il est de plus en plus seul à y croire si l’on entend ce qui se dit dans les rangs de moins en moins nombreux du hollandisme.
Les mauvaises nouvelles qui s’accumulent sur le front économique en France n’auront pas surpris pour ceux qui ont bien voulu lire la tribune que j’ai publiée ici même le 8 novembre dernier [2]. Il y a au moins quatre mois, l’on savait que la crise s’aggravait en France. Hollande, niant la réalité avec l’énergie du désespoir, a encore perdu quatre mois à tergiverser.
Encore n’avoue-t-on officiellement qu’une partie de la vérité. Ce n’est pas à une croissance nulle qu’il faut s’attendre cette année, comme le gouvernement, contraint par la commission de Bruxelles, a fini par le reconnaître du bout des lèvres, mais à une véritable récession. Quant aux 3% de déficit du budget rapportés au PIB, ils ne seront atteints ni en 2013 ni en 2014. L’annulation de ce même déficit à l’horizon 2017 est hors d’atteinte. Le poids de la dette publique s’alourdira encore un peu plus et les marchés financiers finiront par en tenir compte en haussant les taux d’intérêt des prêts à l’État français. Le chômage continuera à croître inexorablement en dépit des milliers d’emplois bidons créés par nos gouvernants sur fonds publics. Mieux vaut être chômeurs assistés qu’esclaves du capital, dit-on dans le doux pays de France, qui a encore de beaux restes. La fainéantise française, plus légendaire que réelle, faudrait-il attendre une débâcle genre mai 1940 pour y mettre un terme à coups de pied au cul ?
Le gouvernement Ayrault a tout de même fait une concession : il accepte aujourd’hui, faisant de nécessité vertu, de commencer à envisager une réduction des dépenses publiques et à stabiliser le prélèvement fiscal. C’est par là qu’il aurait dû commencer dès juin 2012 s’il n’avait pas été aussi ouvertement clientéliste, frappant ou essayant de frapper au portefeuille ceux qui n’avaient pas voté pour Hollande et promettant des largesses, du reste illusoires, à ses partisans.
À ce point, je reviens à Nolte pour essayer de déchiffrer notre avenir. Il est effet nécessaire de comprendre ce qui s’est passé après 1929, tant la crise d’aujourd’hui lui ressemble.
Le mythe du New Deal de Roosevelt est toujours vivant un peu partout dans le monde, et particulièrement en France où, par exemple, Montebourg, pour le citer encore, y trouve ouvertement son inspiration.
Or, contrairement à la légende, le New Deal n’a pas mis fin à la méga-crise commencée en 1929. Certes, il a relancé, pour deux ou trois ans, l’économie américaine au prix d’une dévaluation de 41% du dollar – ce qui nous est interdit du fait de notre appartenance à l’eurozone. Mais, après ce dopage one shot, les États-Unis sont retombés en récession. Ensuite est venue la Deuxième guerre mondiale qui a permis de sortir de la crise économique pour de bon. Il serait évidemment simpliste d’en tirer une relation de cause à effet, entre crise et guerre mondiales.
“C’est bien dans une nouvelle guerre civile que l’on s’enfonce peu à peu dans les pays les plus atteints par la crise, et l’Italie, comme dans les années 1920, pourrait être pionnière en la matière – une guerre civile où l’islamisme jouerait le rôle tenu autrefois par le bolchévisme.”
Le phénomène le plus comparable des deux périodes est la montée du populisme, c’est-à-dire la crise de la démocratie.
De fait, cette méga-crise, comme celle de 1929, est une crise de régime, où des gouvernants régulièrement élus se montrent d’autant plus impuissants à trouver des solutions qu’ils sont fautifs par leur incapacité congénitale à équilibrer les finances publiques.
La montée du populisme entre les deux guerres mondiales a renforcé le fascisme – qui était déjà présent. Faut-il redouter aujourd’hui une séquence comparable ?
C’est ici que la leçon de l’historien allemand Ernst Nolte est précieuse. On connaît sa théorie qui a fait scandale dans les années 1980 en Allemagne : Il y aurait un « nœud causal » entre le bolchévisme et le fascisme ou le nazisme, qui lui sont postérieurs. Comme la menace bolchévique n’est plus à l’ordre du jour, il n’y aurait donc à craindre ni néo-fascisme ni un néo-nazisme en Europe.
Certes, l’Europe vit sous la menace de l’islamisme, mais ce dernier, pour criminel qu’il soit, n’a pas encore atteint le niveau d’horreur du bolchévisme et de son cortège de dizaines de millions de victimes.
Pourtant, c’est bien dans une nouvelle guerre civile que l’on s’enfonce peu à peu dans les pays les plus atteints par la crise, et l’Italie, comme dans les années 1920, pourrait être pionnière en la matière – une guerre civile où l’islamisme jouerait le rôle tenu autrefois par le bolchévisme. Un jeune sur deux sans aucun espoir d’emploi dans les banlieues, et l’on voudrait qu’elles se tiennent tranquilles !
On nous dit que François Hollande a montré qu’il était un vrai chef d’État pour avoir décidé de combattre le « terrorisme » au Mali. Cet indécis maladif aurait trouvé son chemin de Damas sur les sentiers de la guerre. J’aurais plutôt tendance à penser qu’on lui a forcé la main et qu’il est tombé dans le piège que lui tendait un état-major intéressé à sauver son budget de la déroute financière actuelle.
Sa vraie nature de chef, si elle existe, il faudra qu’il la montre face à la violence qui commence à sourdre dans ce pays – un chemin que lui montre déjà Manuel Valls en se haussant du col.
Valls prochain Premier ministre ? Évidemment !
*Philippe Simonnot est journaliste et économiste. Il est l’auteur de Chômeurs ou esclaves : Le dilemme français, aux éditions Pierre-Guillaume de Roux.
1. Ernst Nolte, La Guerre civile européenne, 1917-1945, Éditions Des Syrtes 2000, p. 308.
2. L’an prochain en France : la récession.
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