Les Français ne boivent plus de cognac. Et d’ailleurs, d’une façon générale, nos habitudes de consommation tendent à faire disparaître les digestifs, le petit verre d’après repas, alors que l’apéritif, le bon vieil « apéro », qu’il soit à la bière, au Ricard, au whisky ou à la vodka, avec cacahuètes, noix de cajou ou carrés de crèmes de gruyère, tend à devenir le meilleur moment du repas, en particulier pendant les périodes de vacances.
Mais si les Français ne boivent plus guère ce type d’alcool, on ne peut pas en dire autant du reste du monde. Et c’est ce qui explique l’extraordinaire succès de la filière, et le dynamisme de Cognac, par ailleurs petite ville enclavée de Charente.
La quasi-totalité de la production est exportée. Le chiffre d’affaires généré par le cognac représente trois milliards d’euros. Près de 200 millions de bouteilles partent de Cognac, dont 35 % vers les Etats-Unis, 25 % vers l’Extrême-Orient, dont 10 % pour la Chine. En ce qui concerne l’Europe, les amateurs se trouvent en Russie, en Angleterre, en Allemagne.
Le cognac est perçu, à travers toute la planète, comme un produit de luxe, et la croissance de la demande est comparable à celle des grandes marques de luxe : Vuitton, Hermès, Chanel, etc. Ici les marques s’appellent Martell ou Hennessy, Courvoisier ou Rémy Martin. Les passionnés d’histoire politique se souviendront que la famille Hennessy a joué un rôle non négligeable au sein des mouvements de la droite de conviction, par exemple en arrosant (c’est le cas de le dire) un sympathique « parti social-national », sous la IIIe République (comme le faisait aussi la famille Taittinger, célèbre pour son champagne). Par ailleurs, les Hennessy étaient apparentés, par mariage, à Albert de Mun, cette grande figure du catholicisme social d’avant 1914, ce qui augmente – un peu – le plaisir de boire leur cognac.
La demande de cognac connaît chaque année une croissance à deux chiffres, et une montée en gamme. Le marché américain demande par exemple essentiellement du « quatre ans d’âge ». Et les prix s’en ressentent.
L’époque est bénie aussi pour les traders et les concepteurs et fabricants de flacons. Les surfaces cultivées se révèlent actuellement insuffisantes et un plan de croissance du vignoble de mille hectares par an a été mis en œuvre.
Dans un monde agricole français malmené par la mondialisation et lâché par les pouvoirs publics, il existe donc des niches au succès avéré. Ces niches passent par l’exportation et par une montée en gamme. Mais contrairement aux idées trop souvent répandues, la réussite ne passe pas forcément par une hyper-concentration des exploitations : la filière fait vivre – et bien vivre – quatre grandes maisons, mais aussi 4 500 viticulteurs. Le tout est d’exercer ce métier avec passion. Allez donc voir l’excellent film Ce qui nous lie. Vous en sortirez, vous-aussi, avec la conviction renforcée que la filière viticole française est un fleuron de notre patrimoine industriel, mais aussi paysager et culturel.
Alors, santé !