Délation, mode d’emploi!

Une photographie prise sur les lieux de l’attentat de vendredi dernier, est diffusée sur les réseaux sociaux. Le Figaro détaille les différentes procédures mises à disposition des internautes pour contrôler ces contenus.

L’attentat perpétré vendredi dernier à l’usine de gaz industriels de Saint-Quentin-Fallavier, en Isère, a suscité de nombreuses réactions en ligne. Parmi elles, la diffusion d’une photographie macabre, prise par des témoins, de la tête du chef d’entreprise décapité, exhibée sur un grillage. Cette photo pouvait toujours être trouvée après quelques recherches sur Twitter, lundi matin.
La publication de cette photographie sur les réseaux sociaux peut tomber sous le coup de la loi et du droit de la presse, qui protège la dignité humaine de la personne. «La diffusion de la reproduction des circonstances d’un crime ou d’un délit, lorsqu’elle porte gravement atteinte à la dignité d’une victime et qu’elle est réalisée sans l’accord de cette dernière» est répréssible depuis la loi Guigou, adoptée en l’an 2000. Mais la victime étant décédée, ses héritiers ne peuvent pas faire valoir ce droit.
En revanche, les proches d’une victime décédée «peuvent s’opposer à la reproduction de son image après son décès, dès lors qu’ils en éprouvent un préjudice personnel en raison d’une atteinte à la mémoire ou au respect dû au mort», rappelle Daphné Juster, avocate au barreau de Paris, spécialisée dans le droit de la presse. Un arrêt de la cour de Cassation qui concernait les photos d’Ilan Halimi publiées dans le magazine Choc, établit que lorsque cette photo n’apporte aucune information, sa diffusion peut être empêchée par les proches de la victime.
Cette disposition s’appliquait déjà pour la vidéo qui montrait l’exécution du policier Ahmed Merabet lors de l’attentat contre Charlie Hebdo en janvier.
La notion d’atteinte à la dignité d’une victime présente en droit français n’est pas explicitée dans les conditions d’utilisation de la plupart des réseaux sociaux. Ces images contreviennent pourtant également aux règles qu’ils ont édictées, et pourront être retirées sans délai une fois signalées. Si les réseaux sociaux n’effectuent généralement pas de contrôle des messages avant publication, ils s’aident des indications des internautes pour repérer les contenus choquants et les modérer. Tour d’horizon des procédures de signalement.

• Sur Facebook

Les règles de modération ont été récemment clarifiées et résumées dans une page consacrée. «Nous supprimons les images explicites lorsqu’elles sont partagées par sadisme, ou pour célébrer ou glorifier la violence», indique notamment cette page officielle.
Les règles d’utilisation de Facebook interdisent l’incitation à la haine, les menaces et la violence gratuite. Il existe néanmoins une exception pour les contenus choquants contextualisés: par exemple, on peut poster une vidéo montrant une violence s’il s’agit de la dénoncer.
Si un internaute souhaite signaler un contenu allant à l’encontre de ces règles, différentes options s’offrent à lui. Pour une photo ou une vidéo, il faut cliquer sur «option» puis «signaler la photo». Pour les commentaires, il faut cliquer sur la croix puis sur «signaler». Pour les statuts, il faut cliquer sur l’icône en haut à droite puis sur «je n’aime pas cette publication». Un formulaire permet ensuite de préciser pourquoi le contenu signalé est inapproprié. Facebook dispose par ailleurs de technologie pour détecter des images choquantes déjà signalées, voire d’en identifier avant tout signalement. Ces filtres sont par exemple appliqués pour prévenir la diffusion des vidéos de décapitation.

• Sur Twitter

Sur Twitter, la violence ciblée et les menaces sont interdites. Les contenus choquants sont donc en théorie autorisés tant qu’ils ne sont pas dirigés vers une personne ou une entité spécifique. Dans le cas contraire, le réseau social met à disposition un formulaire permettant de dénoncer le harcèlement ou les comportements injurieux. Il est aussi possible de signaler un contenu problématique en cliquant sur l’icône en forme de trois petits points en bas à droite du tweet, puis de cliquer sur «bloquer ou signaler».
Un tweet ne sera supprimé que s’il contient du contenu illégal. Les comptes enfreignant à plusieurs reprises les règles de Twitter risquent la suspension temporaire ou définitive. Les proches d’un défunt dont la mort a été documentée et diffusée en ligne peuvent également contacter le réseau social afin de demander le retrait systématique des vidéos ou photos, comme ce fut le cas lors de l’assassinat du journaliste James Foley en août 2014.

• Sur YouTube

La plateforme de vidéo de Google interdit «les vidéos choquantes d’accidents, de cadavres ou autres, censées choquer ou dégoûter». Les documents d’actualités violents peuvent être publiés à condition d’être assez contextualisés. «Vous n’avez pas le droit de publier du contenu violent ou offensant dans le but de choquer, de faire du sensationnel ou d’être irrespectueux», peut-on lire sur les règles d’utilisation. Toute menace et incitation à la haine est par ailleurs prohibée. Les vidéos allant à l’encontre de ces règles peuvent être signalées en cliquant sur l’icône «plus» (en bas à droite) puis le bouton «signaler».

• Sur Dailymotion

Dailymotion précise qu’il ne «vérifie pas les contenus mis en ligne sur le service» mais invite les internautes à signaler les contenus ou comportements inappropriés. Les «contenus odieux» comprennent l’incitation à la haine raciale, l’incitation à la violence ou l’atteinte à la dignité humaine. Le formulaire de signalement se trouve en bas à droite des vidéos, sous l’icône en forme de drapeau.

• Sur les sites d’informations

Les sites d’information sont soumis au droit de la presse et peuvent publier des images qui participent à la couverture d’une actualité, sous réserve là aussi que ces photos ne portent pas atteinte à la dignité des personnes. Ces sites, qui modèrent généralement les réactions avant leur publication, disposent eux aussi de fonctions de signalement sur chaque message. Les médias français connaissent des hausses de commentaires lors de certains drames.
Sur lefigaro.fr, le nombre de commentaires a augmenté depuis les évènements de vendredi, mais c’est surtout la proportion de commentaires rejetés qui est plus importante. Sur les pages Facebook des différents médias, la modération se fait a posteriori. Là aussi, le taux de rejet a été plus important.

• Sur n’importe quel site Internet

Le gouvernement met à disposition des citoyens un site permettant de dénoncer les contenus illégaux, comme l’incitation à la haine raciale ou les menaces, quel que soit le lieu où ils sont postés. Il s’agit du point névralgique de la modération des propos en ligne en France. On peut y transmettre les liens incriminés, contrôlés ensuite par la police et la gendarmerie. Si les contenus sont jugés illégaux, ils sont ensuite transmis aux sites où ils ont été publiés, qui doivent les effacer.

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