Paul de Cassagnac, l’enfant terrible du bonapartisme (Vidéo)

Paul de Granier de Cassagnac est un homme important, que l’on ne saurait ignorer, de la fin du XIXe siècle. Pourtant celui qui a été le premier à désigner la République sous le sobriquet de « la Gueuse » semble être tombé dans les oubliettes de l’Histoire. Catholique convaincu, duelliste hors-pair, homme politique, journaliste, cet homme d’une fidélité sans failles est resté fidèle toute sa vie à sa devise « pour Dieu et pour la France ».

Thibault Gandouly, professeur d’Histoire-Géographie, s’est piqué d’intérêt pour ce personnage haut en couleur. Constatant qu’il n’avait pas encore de biographie, il l’a écrite. Celle-ci est publiée chez Via Romana. Nous avons rencontré l’auteur et lui avons posé quelques questions afin d’en savoir plus sur cet homme aux multiples facettes.

Vous êtes auteur du livre Paul de Cassagnac, qui est ce personnage ? Comment l’avez-vous rencontré ? 

Né en 1842 et mort en 1904, c’est un homme politique de la fin du XIXe, un bonapartiste à la base, qui s’est rapproché des royalistes au cours des années 1880. Il a été rédacteur en chef d’un journal bonapartiste qui s’appelait Le Pays, puis le fondateur de l’Autorité un des grands journaux de cette époque. C’est un personnage important pour l’époque, qui a exercé une grande influence sur le parti bonapartiste, c’est alors une des personnalités les plus connues. Il a été le premier à désigner la République du sobriquet « la Gueuse ».

Je suis arrivé un peu par hasard sur ce personnage. Je me suis intéressé d’abord à Napoléon III, vers l’année 2009, peu après le bicentenaire de sa naissance. J’ai été pris de passion pour ce personnage que je trouve injustement traîné dans la boue, méprisé, méconnu. Après avoir lu une biographie de Napoléon III, je me suis intéressé au bonapartisme dans la seconde moitié du XIXe siècle, puis je me suis penché sur le sort du parti bonapartiste après 1870. Inévitablement, je suis tombé sur Paul de Cassagnac. En lisant une biographie du prince Victor Napoléon, un des prétendants après la mort du prince impérial, le fils unique de Napoléon III, par Laetitia de Witt, j’ai trouvé de nombreuses références à Paul de Cassagnac, qui a joué un rôle important auprès du prince Victor Napoléon.

Un peu par hasard, j’ai vu qu’il y avait des brochures d’époque en vente sur internet, des brochures de propagande. J’ai acquis par ce biais une brochure de Paul de Cassagnac datant de 1876, c’était une compilation d’articles remaniés de Paul de Cassagnac. J’ai beaucoup apprécié le style de ces articles qui étaient incisifs, très virulents, extrêmement bien écrits, très imagés et à la fois extrêmement clairs.

Je me suis alors dit : il faut que je m’intéresse à ce personnage, il faut que je fasse sa biographie.

Je m’y suis mis. D’abord en consultant les journaux d’époque en ligne sur Gallica, puis j’ai rencontré plus tard un descendant de la famille.

En parlant de Paul de Cassagnac, vous abordez dans votre livre ce qu’il appelle « le solutionnisme », pouvez-vous nous éclairer sur ce concept ? 

Le solutionnisme c’est une idée très simple, c’est : tout sauf la République. Il dit qu’il est prêt à se rallier à une royauté si le comte de Paris parvient à prendre le pouvoir. Empire ou royauté, peu importe ! Puisqu’il considère que dans la France du XIXe siècle on ne peut pas revenir sur le suffrage universel, on ne peut donc gouverner que d’une manière autoritaire, pisque pour lui le libéralisme ouvre la voie au radicalisme. Le comte de Paris pourrait incarner une forme d’impérialisme, assez paradoxalement.

Vers la fin de sa vie, Paul de Cassagnac évolue un peu, il tend la main aux républicains libéraux et considère qu’il pourrait s’accommoder d’une République libérale compatible avec ses croyances religieuses. Donc une République non laïque qui maintiendrait le concordat qui serait appliqué loyalement.

Bonaparte, le comte de Paris, enfin une République à sa mesure. Dans ses évolutions politiques est-il resté fidèle à ses principes et ses valeurs ?

Dans tous ses articles depuis le début des années 1870, alors que le Prince impérial vivait et qu’une restauration impériale était tout à fait envisageable, il a dit qu’il ne varierait pas d’opinion. Ensuite, il y a un point important chez Paul de Cassagnac, c’est sa distinction entre le bonapartisme et l’impérialisme. Pour lui le bonapartisme c’est le culte d’une famille, les Bonaparte, le dévouement envers cette famille. L’impérialisme c’est une façon de gouverner, ce sont des idées qui peuvent être incarnées par les Bonaparte, mais qui peuvent être incarnées par n’importe quelle autre famille ou personnage.

C’est un serviteur dévoué du prince impérial, mais en 1879, le prince impérial meurt au Zoulouland par accident. Il y a alors deux prétendants chez les Bonaparte. Le prince Napoléon, cousin de Napoléon III, qui a des opinions républicaines et est anticlérical, donc a l’opposé de Paul de Cassagnac et il y a son fils, le prince Victor, qui a été désigné successeur dans le testament du prince impérial. Il croit un temps dans le prince Victor, qu’il soutient, et puis il finit par être déçu par cet homme plutôt médiocre politiquement, avec une intelligence moyenne, pas assez courageux à son goût.

Il a rencontré entre-temps le comte de Paris, il est tombé littéralement sous son charme. Il lui dit dans une lettre : je vous aime et je vous admire. Il va se rapprocher de cet homme, avoir des entretiens réguliers avec lui. Les rapports de Paul de Cassagnac et du Comte de Paris sont assez obscurs. Dans la correspondance du Comte de Paris, les lettres de Paul de Cassagnac adressées au comte de Paris ont été retirées. On a quelques indices qui montrent tout de même que les liens entre les deux hommes étaient très forts.

À l’époque certains bonapartistes ont dit que Paul de Cassagnac avait trahi. Qu’il s’était vendu aux Orléans, qu’il était passé du côté des royalistes. Dans une lettre le Comte de Paris lui-même reconnaît que Cassagnac n’est pas royaliste, mais est resté fidèle à ses idées. Paul de aCssagnac s’est rapproché du comte de Paris pour différentes raisons. D’une part, par déception envers le prince Victor. D’autre part, parce que le comte de Paris s’est rapproché des principes bonapartistes. En 1887, il accepte l’idée du plébiscite, l’appel au peuple. Il s’est également éloigné de son libéralisme de jeunesse, le libéralisme orléaniste, pour se rapprocher du légitimisme. Le Comte de Paris a beaucoup œuvré en faveur de l’union conservatrice. L’union des droites entre bonapartistes, orléanistes et légitimistes.

À la mort du comte de Paris, Paul de Cassagnac ne gardera pas de liens particuliers avec son fils. Il naviguera entre royalisme et impérialisme, tout en gardant des préférences impérialistes jusqu’à sa mort.

Thibault Gandouly, Paul de Cassagnac, l’enfant terrible du bonapartisme, Via Romana, 310 p., 24 €.

 

Lu sur L’Homme nouveau

 

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