La commune de Bouc-Bel-Air, près d’Aix-en-Provence, dans les Bouches-du-Rhône, abrite quelque 14 000 âmes. C’est également le siège de la société JMB qui tient le site www.divorce-discount.com et se présente comme le « numéro 1 du divorce en France ». Comme d’autres vendent du saucisson ou des meubles en PVC, JMB vend de la rupture et de l’éclatement familial pour pas cher : 299 € par personne. C’est le fast-food du divorce, avec livraison rapide, en trois mois maximum.
Ces « conseillers » qui permettent de divorcer par consentement mutuel à bas prix ont su concilier loi du marché et crise sociale et ne font que répondre à la loi de l’offre et de la demande. Tout se marchande, se vend, se brade pour pas cher. On s’attendrait presque à trouver aussi sur Internet des sites tel www.fidelité-discount.com, le numéro 1 du Conseil conjugal en France : « Votre couple consolidé en trois mois maximum. Satisfait ou remboursé ! »
Officiellement, la société déclarait une activité de « conseil pour les affaires et autres conseils de gestion ». Elle travaillait avec une équipe d’avocats partenaires à qui ils transmettait les dossiers et qu’elle rémunérait en conséquence. Il a fallu que le Conseil National des Barreaux (CNB) et les Ordres d’avocats d’Aixen Provence, de Marseille et de Montpellier s’emparent de la question pour que la société JMB soit sommée de cesser son activité. Que l’on fasse des promotions sur le divorce ne semble pas, sur le fond, déranger grand monde. C’est donc, sans grande surprise, que JMB a été accusé pour des raisons d’ordre exclusivement juridique. Ainsi, les plaignants avaient saisi le Tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence et dénoncé l’activité juridique illégale de la société, finalement condamnée par ordonnance de référé du 24 décembre 2013. Une décision « scandaleuse », selon les deux gérants de la société. Les accusés ont fait appel de la décision, qui vient d’être confirmée le 2 avril dernier par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, au motif que la société est coupable de démarchage public, en violation de l’article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 qui stipule que « sera puni des peines prévues à l’article 72 quiconque se sera livré au démarchage en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique ». La société est coupable également de rédiger des actes et de traiter intégralement les procédures de divorce jusqu’à l’audience alors qu’elle n’est pas habilitée à le faire.
Plus encore, il a été révélé que la société empêche ses clients de rencontrer leur avocat – dont ils ne connaissent même pas le nom – avant l’audience, sous peine d’annuler la procédure. L’avocat, quant à lui, est prié de plaider et d’apposer son tampon et sa signature sur les différents documents nécessaires au divorce, rédigés par les conseillers de divorce-discount.com.
« Au-delà du cas visé, le tribunal de grande instance réaffirme la place indispensable de l’avocat dans la procédure de divorce par consentement mutuel », a communiqué le CNB après le jugement. Faut-il défendre les prérogatives des avocats pour un acte devenu aussi banal que le divorce ? Sans doute, justement, en faire un acte qui se brade, se sous-traite, se fait en « trois mois maximum », participe de cette banalisation qui n’est pas tant problématique pour les avocats que pour la société dans son ensemble. Faciliter le divorce, c’est le favoriser, en faire une solution de confort pour certains couples qui auraient pu surmonter leurs difficultés.