Par Alain Sanders
Maintenant que les torrents d’hommage pour saluer la disparition de Gabriel Garcia Màrquez, « géant de la littérature hispanique », « Victor Hugo des tropiques », « conscience politique de l’Amérique latine » et patin et couffin, se tarissent un peu, deux mots, certes moins consensuels et encore moins politiquement corrects, sur le personnage.
Dans un des hommages lacrymogènes évoqués ci-dessus, je lis qu’il fut « un défenseur des victimes des dictatures militaires d’Amérique du Sud ». Vraiment ? Il en est une pourtant, et la plus cruelle, et qui perdure, du continent sud-américain, pour laquelle il eut les yeux de Chimène : Cuba et son goulag tropical.
Pardon de faire de la peine aux groupies de Màrquez, mais cet écrivain nobellisé fut un vieux stalinien indécrottable. A Cuba, mais pas seulement : il se retrouva au rendez-vous de tous les sales coups du communisme. En 1972, quand il reçoit le prix Romulo Gallegos, il donne sa prime au mouvement lénino-marxiste vénézuélien Movimieno Al Socialismo (le fameux MAS, simple cache-sexe d’une guérilla sanglante). Il sera membre du second tribunal Russell, courroie de transmission des propagandes communistes, spécialisé dans la condamnation des « crimes impérialistes ». Il soutiendra la révolution dite « des œillets » au Portugal. Etc.
Mais surtout – et plus que tout – il s’acoquine (et bien plus car affinités) avec Fidel Castro (dont il dira que « c’est un homme cultivé »…). Sur la relation obscène entre le tyran communiste et le littérateur colombien, il faut lire le livre de l’écrivain cubain anti-castriste Reinaldo Arenas, Antes que anocheza. Rappelons au passage que, dès 1961, Màrquez fut interdit de séjour aux Etats-Unis. Jusqu’à ce que Clinton (l’homme qui en avait dans le cigare) lève l’interdiction au motif que Cent ans de solitudeétait son livre favori.
Cent ans de solitude (1967), justement. C’est son œuvre majeure. La saga, sur plusieurs générations du XIXe au XXe siècles, d’une famille sud-américaine qu’il voulait emblématique. Avec comme point d’ancrage Macondo, un village imaginaire supposé être une sorte de concentré des villages ruraux sud-américains. Le modèle de Macondo semble avoir été le village natal de Màrquez, Aracataca. Mais quand le maire voulut rebaptiser Aracataca « Macondo », les habitants s’y opposèrent farouchement. Les Colombiens ne sont pas des Cubains castrisés, son hombres !
Suivront notamment (1) L’Automne d’un patriarche (1971) et Chronique d’une mort annoncée (1982). Cela pesé, on réservera plutôt notre pratique littéraire à l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, prix Nobel lui aussi, mais jamais dupe des horreurs du régime castriste. Une anecdote à ce propos. En février 1976, Vargas Llosa est à Mexico pour assister à la première des Survivants des Andes (il a participé au scénario du film). Dans le hall du cinéma, il croise Màrquez qui vient vers lui, les bras ouverts. Sans un mot, Vargas Llosa lui retourne un uppercut et l’assomme pour le compte…
A la fin de Cent ans de solitude, Gabriel Màrquez (« Gabo » comme l’appelait Castro) écrit : « Il n’est pas donné de seconde chance sur la terre. » Tu vas pouvoir vérifier ce qu’il en est au Ciel, camarade…
(1) Je vous fais grâce de Mémoires de mes putains tristes (2004) qui raconte la passion charnelle d’un vieillard de 90 ans pour Delgadina, une gamine âgée de 14 ans…