Comme son nom l’indique, Sans pitié est un film policier, et plus précisément un film de gangsters. Il y est question de maffieux sud-coréens, implantés dans le grand port méridional de Busan (anciennement orthographié Pusan). Ils effectuent de fructueux trafics illégaux, sous couverture légale de commerce et conditionnement de poissons, s’adonnant en particulier au trafic de drogue, avec la voisine mafia russe de Vladivostok. Ces trafics s’appuient sur tout un réseau de complicité au sein de la police, la justice, la classe politique, le monde des affaires. La société sud-coréenne est réputée pour sa corruption, jusqu’au plus haut sommet de l’Etat. Ainsi, l’ancienne présidente de la République, Madame Park, a-t-elle été destituée l’an dernier et est depuis lors emprisonnée pour corruption.
Malgré tout, et c’est heureux, on distingue pourtant dans cette société quelques incorruptibles. Ici, une femme, commissaire de police, tient absolument à faire tomber ces maffieux de Busan. Elle entend mener, après plusieurs échecs retentissants, et pour certains médiatisés, une lutte de longue durée. Aussi cherche-t-elle à infiltrer de jeunes policiers, réputés inconnus des bandits, dans le réseau criminel visé. Ces infiltrés doivent se faire repérer comme criminels prometteurs en prison, en devenant amis et complices des criminels mafieux enfermés, et susceptible de sortir à plus ou moins bref délai. La vision des prisons sud-coréenne est intéressante : les trafics y règnent, dont celui des cigarettes. Peuplées de nationaux pour la très grande majorité, le prosélytisme insistant qui y proposé est celui de la propagande protestante.
Sans pitié est rigoureusement construit. Il s’agit évidemment d’une fiction, même si lointainement inspirée de faits réels. Comme les criminels ne sont pas des êtres délicats, dans leurs actes ou leur langage, Sans pitié s’adresse à un public d’adultes avertis. Les bandits possèdent une certaine capacité de séduction. Les chefs des bandits sont évidemment des criminels, mais intelligents, manipulateurs, et capables de séduire à leur manière. C’est un point intéressant sur la difficulté de la tâche pour les policiers infiltrés : non seulement ils ne doivent pas se faire identifier, mais ils doivent résister aux tentations. Elles sont d’autant plus terribles que les réseaux mafieux excellent à cultiver une convivialité virile superficielle mais réelle, alors que l’infiltré est totalement isolé des siens et de ses collègues policiers, pour des motifs sécuritaires évidents.
Dans le genre du film de gangsters, Sans pitié est une belle réussite.