Après Black M, voici Youl!

Ce n’est pas parce qu’il est noir que nous nous sommes indignés de la venue du rappeur Black M. Ce n’est pas parce qu’il est musulman. Ce n’est pas seulement parce qu’il s’agit d’un rappeur, quoi que nous ne soyons pas tout à fait dupes des affinités du monde rappant avec l’indigénat de la République et ce que nous pourrions appeler (pour rester polis) une certaine rancune militante à l’égard du « sous-chien ». Ce n’est pas seulement parce que le rappeur noir Black M. sacrifie, plus que d’autres, à la mode « racailleuse » et à sa somptueuse phraséologie : « youpins », « pédés », « kouffars »… Non, pas seulement.

13256142_1018180991570620_2619381799593800271_n

Aussi pourrions-nous parfaitement demander au maire de Verdun de déprogrammer également son rappeur local, face de craie on ne peut plus crayeuse dénommé Youl, dont le nom a remplacé celui de son homologue francilien sur la liste des invités du centenaire. Je dis que tout réactionnaire conséquent devrait exiger aussi cette seconde annulation (ainsi que celle des deux groupes de rock et d’« electro pop » par la même occasion). Pourquoi nous arrêter en si bon chemin ? Il serait d’autant plus nécessaire de revoir cette calamiteuse programmation que Daniel Barenboim, hélas, a été décommandé – pour d’obscurs motifs logistiques – et qu’on menace, sérieusement, de faire résonner les tambours du Bronx autour de l’Ossuaire.

Ce Youl verdunois, sauf l’attachement – relatif – qu’on peut lui supposer à sa ville, a-t-il davantage sa place que Black M., petit-fils du tirailleur inconnu (je taquine), est-il donc mieux armé pour la grande commémoration nationale de 1916 ? A-t-il le cœur mieux disposé et le verbe plus délicat ? À vrai dire, j’ignorais tout de ce chanteur jusqu’à aujourd’hui, comme la plupart d’entre nous, je suppose. Il faudrait demander son avis à mademoiselle Maréchal-Le Pen.

13256142_1018180991570620_2619381799593800271_n-1

Pour ce que j’ai pu entendre de lui, d’une oreille peu enthousiaste, je l’admets, les paroles ni la musique de ses chansons ne m’ont semblé totalement dénuées d’inspiration, et pas non plus de cette poésie de quartier très sensible si caractéristique : « musique de pédé », « fais pas ta tapette » (une distribution d’Homophobiol est-elle prévue à l’entrée du concert ?), « et que dire des forces de l’ordre, tous des abrutis congénitaux qu’on devrait sortir des commissariats pour enfermer dans des hôpitaux », etc. Mais ailleurs, il suggère des « lectures de Novalis à la télévision », au beau milieu d’une assommante logorrhée…

C’est un peu en raison de ces « dérapages » que nous désapprouvons le choix de ces mitrailleurs de variété ; mais c’est surtout, en dernière analyse, parce que nous ressentons la même chose que Renaud Camus, quelque part dans son immense Journal, face à une représentation « moderne » d’Agamemnon : « Si je n’aime pas cela, ce n’est pas parce que c’est arabe, juif, portugais, indien ou japonais ; mais parce que c’est culturellement, dramatiquement, tragiquement inapproprié. »

12489188_948045228584197_52080348293648765_o

Boulevard Voltaire

Related Articles