Le tollé relatif au dégonflage forcé d’un sex-toy vert de 24 mètres place Vendôme, la façon dont la presse s’en fait l’écho en ce moment n’arrivent pas à dissimuler l’essentiel . Puisqu’il est encore permis de ne pas interpréter la chose exactement comme le fait le New York Times, profitons-en avant l’interdiction, imminente, des propos dissidents sur le Contemporain.
Dans cette histoire, pour une fois, ce n’est pas le peuple de Paris qui s’est dégonflé mais l’objet de son indignation. Cela mérite d’être souligné. Il y a deux ans les Moscovites ont intimidé pareillement un groupe de luxe français afin qu’il démonte la tente dressée sous le Kremlin à l’occasion des fêtes de Noël. Et si l’on interroge les gens qui ont vécu à Venise durant les vingt dernières années et assisté à l’évolution délirante de la Biennale, on observe le même phénomène de rejet contre une esthétique mondialiste obligatoire qui prend sourdement de l’ampleur. Cette réaction est atténuée par la nécessité de restaurer les bâtiments, mais apparemment les pauvres commencent à renouer avec la tentation de l’orgueil.
La seule quantité négligée dans ces opérations planétaires devient de moins en moins négligeable: c’est le peuple. C’est lui, l’imprévu.
Le début d’un raidissement populaire contre ce que les activistes et les polémistes appellent «les horreurs» (entendez cet art contemporain qui préfère offenser la mémoire de Versailles plutôt que de s’installer sur sur le parvis de la Défense ) est-il en train de se manifester? On peut le penser. On peut aussi, évidemment, le regretter comme le font, en un choeur unanime, les médias à la mode, les courtiers internationaux et les galeristes en vue, tous unis autour d’une espèce de tournante de la valeur ajoutée qui passe par des opérations de com’ dans les grandes capitales, un dossier de presse en béton, une biographie parsemée de happenings et de provocations diverses, le tout destiné à faire grimper la cote de l’artiste pour faire bénéficier ses intermédiaires, ses négociants, sa filière d’un véritable schéma de Ponzi. Le problème est qu’une arnaque à la Madoff rencontre toujours un plafond. Un imprévu ruine soudain la confiance générale et fait tomber le château de cartes.
La seule quantité négligée dans ces opérations planétaires devient de moins en moins négligeable: c’est le peuple. C’est lui, l’imprévu. Le peuple a de plus en plus de mal à jouer le jeu de l’abondance faute de moyens: il commence donc à s’énerver quand un dixième de la population trouve «intéressante et novatrice» la démarche qui consiste à tirer un canard jaune en plastique de trente mètres sous le pont de Londres ou devant l’opéra de Sydney. Il s’énerve encore plus quand les gens de goût essaient de lui faire honte de ne pas trouver ça drôle. Le schéma de Ponzi du Contemporain a t-il trouvé son plafond Place Vendôme? Il est trop tôt pour le dire mais le dégonflement de cette baudruche est à lui seul une métaphore.