Le droit à la cryogénisation?

C’est du jamais-vu dans les annales de la justice britannique. Un juge a accordé à une adolescente de 14 ans, en phase terminale d’une forme rare de cancer, le droit de se faire cryogéniser après sa mort, dans l’espoir d’être ressuscitée et soignée un jour. L’opération s’est déroulée conformément à ses vœux, contrairement à l’avis initial de son père. La décision de justice n’a été révélée qu’après coup, vendredi, afin de ne pas troubler la fin de la vie de la jeune fille.

Se sachant condamnée, l’adolescente, uniquement désignée par les initiales JS, avait fait des recherches sur la cryogénisation. Un processus qui consiste à vider le corps de son sang pour le remplacer par une substance antigel. Le corps est ensuite congelé à une température de -196°C et conservé verticalement – la tête vers le bas – dans un conteneur cylindrique. Plus de 300 défunts seraient ainsi stockés dans des entreprises spécialisées aux Etats-Unis. Le corps de la jeune fille a été transporté outre-Atlantique à cet effet.

Elle avait écrit à un juge pour plaider sa cause, en désaccord avec son père, les mineurs n’ayant pas la possibilité de rédiger un testament au Royaume-Uni. «J’ai seulement 14 ans et je ne veux pas mourir mais je sais que je vais mourir, avait-elle écrit. Je ne veux pas être enterrée. Je veux vivre plus longtemps et je crois que le fait d’être cryo-conservée me donne une chance d’être soignée et de me réveiller, même si c’est dans plusieurs centaines d’années.»

Ses parents étaient divorcés. Sceptique, son père, avec qui elle n’était plus en contact depuis plusieurs années, avait exprimé des doutes sur l’opération et sur son coût. Sa mère, qui avait sa garde, était d’accord. Le juge a considéré que seule celle-ci pouvait décider du sort de sa fille. Le père a fini par changer d’avis et «respecte la décision». Les grands-parents ont réuni les plus de 40.000 euros nécessaires.

Le juge Peter Jackson a rendu visite à l’hôpital à JS, trop faible pour se rendre au tribunal. Il s’est dit «ému par sa façon courageuse de faire face à son malheur». Il souligne le caractère «exceptionnel» de son jugement, «un exemple des nouvelles questions que la science pose au droit». Il reconnaît toutefois l’aspect «spéculatif et controversé» de la «théorie scientifique derrière la cryogénisation», tout en notant les progrès «reconnus» de la technique de la cryopréservation dans certains domaines de la médecine, pour des embryons ou le sperme par exemple. Il a souligné la nécessité de légiférer sur ces sujets, si de telles situations se reproduisent.

L’hôpital britannique où était soignée l’adolescente s’est montré coopératif, même s’il refuse de cautionner la démarche. Il a également critiqué le fait que la mère ne se soit pas montrée «pleinement disponible» auprès de la patiente lors de ses derniers instants, entièrement accaparée par la tâche de faire appliquer sa complexe dernière volonté.

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