La lutte contre la corruption et pour la transparence de la vie publique marque le pas en France. Anticor a décidé de retirer sa charte aux régionales, officiellement à cause de la quasi-absence de signataires et l’impossibilité de garantir que l’ensemble des candidats sur les énormes listes – jusqu’à 209 personnes – respectent tous les « valeurs républicaines » et soient tous honnêtes.
En apparence, c’est donc une mauvaise nouvelle. Mais si on creuse un peu plus profond, c’est la dédiabolisation du FN – ou plutôt la montée de sa popularité publique et médiatique – qui a causé cette décision. Alors que tous les médias font la cour au parti de droite nationale, qui est devenu un objet politique rentable pour eux, Anticor s’est cru forcée d’ouvrir la possibilité aux candidats frontistes de signer sa charte. Selon les prévisions, aux régionales, le FN pourrait gagner deux voire trois régions (Nord-Picardie, PACA et peut-être Champagne-Lorraine-Alsace, le territoire de de Nadine Morano) et pourrait faire 20 % au plus bas – en Bretagne administrative et Ile de France.
Cela a été suffisant pour semer le désordre dans l’association, dont l’objet officiel n’est pourtant que la lutte pour plus d’éthique dans la vie publique. Cependant elle a été créée en juin 2002, au lendemain de la présence du FN au second tour, et l’un de ses objets politiques était la lutte contre la montée en puissance de ce parti, qui pour Anticor n’est pas républicain. Mais voilà : le suffrage républicain donne des ailes au FN, qui s’improvise meilleur défenseur de la République et de ses valeurs : laïcité, égalitarisme, jacobinisme…
Suite à d’importantes dissensions au sein d’Anticor – et plusieurs démissions, Anticor a décidé de retirer sa charte, qui néanmoins comporte de bonnes idées trop souvent pas appliquées. Le niçois Jean-Christophe Picard, président d’Anticor en sait quelque chose : dans sa région d’origine, politique et corruption vont souvent de pair, tous partis confondus et bien des élus sont réelus malgré des scandales éthiques permanents. Cependant, après avoir buté contre la dédiabolisation, les jours de l’association semblent comptés. Jean-Christophe Picard déclarait en effet à Libération : « La mayonnaise ne prend pas, le système est à bout de souffle. »