Par Alain Sanders
Le 31 mars 1814, la capitulation de Paris est signée. L’Empire vient de s’écrouler. Et tout notre matériel de guerre doit être remis aux envahisseurs russes (décidément, c’est souvent Crimée châtiments avec eux…).
Dans la nuit du 30 mars, le général Daumesnil, dit « Jambe de bois », a sillonné Paris avec 250 gaillards résolus pour rafler canons, fusils, munitions. Et il a ramené le tout, hommes et matériel, au château de Vincennes dont il a la charge. Le 31, le commandant en chef de l’armée russe, le feld-maréchal Barclay de Tolly, se présente à la citadelle :
— Monsieur, vous devez vous rendre sans condition.
— Monsieur, je ne rendrai la place que sur ordre de Sa Majesté l’Empereur.
— Monsieur, permettez-moi d’insister.
— Eh bien, soit ! Rendez-moi ma jambe, je vous rendrai Vincennes.
L’officier russe se retire. Le siège de Vincennes vient de commencer. Le 6 avril 1814, Napoléon abdique. L’armée se trouve déliée de son serment envers lui. Pas Daumesnil… Alors on lui envoie le chef d’état-major de la Garde nationale, l’adjudant Tourton, qui est un de ses amis proches. Tourton se présente, accompagné de l’épouse et du fils, âgé de sept mois, de Daumesnil. Il refuse de céder :
— Je ne rendrai Vincennes qu’à des mains françaises. C’est ma dernière volonté. Jamais je ne remettrai une cartouche entre les mains de l’ennemi.
Talleyrand, qui connaît le bonhomme et l’estime, obtient du prince Schwarzenberg que les munitions contenues dans la citadelle (où il y a notamment cent quatre-vingt mille kilos de poudre) restent à la France. Le 12 avril, Daumesnil accepte de rendre la place. Le pont-levis est baissé. Les Alliés lèvent le siège.
Le 1er mars 1815, Napoléon débarque au Golfe Juan. Daumesnil, qui est alors commandant supérieur de l’arrondissement de Condé-sur-l’Escaut, met la ville en état de siège. Napoléon réinstallé, Daumesnil retrouve Vincennes. Mais, le 22 juin, Napoléon abdique. Le 3 juillet, la capitulation de Paris est signée. Et, le 9, remake à Vincennes. Avec un officier (prussien ce coup-là) :
— Rendez immédiatement la place.
— Je ne la rendrai pas.
La citadelle subit un nouveau siège. Daumesnil prévient : « Je ne rendrai la place aux troupes alliées que si j’en reçois l’ordre positif du gouvernement français. » Le 12 juillet, il accepte de recevoir un officier prussien : « Je vous attends. Mais rappelez-vous que vous avez affaire à des Français prêts à mourir pour la sauvegarde de leur honneur et non à se rendre lâchement à des étrangers. La patience de ma garnison est à bout, elle veut attaquer depuis plusieurs jours. »
Le 13 juillet, ayant obtenu de Louis XVIII l’assurance que le château ne sera pas livré aux Prussiens, il hisse le drapeau blanc de la monarchie. Le 6 août, il remet aux émissaires prussiens et anglais qui se présentent à Vincennes des canons et des fusils hors d’usage… Et il continue d’occuper la place.
Le 15 novembre, les Alliés lèvent le siège. Il aura duré 129 jours. Le marquis de Puivert est nommé gouverneur de Vincennes et Daumesnil rentre dans ses foyers. Il n’en ressortira qu’en 1830, nommé lieutenant général par Louis-Philippe. En 1832, il meurt. Victime du choléra.