Un amour d’hiver

 

Par Pierre Malpouge

Jusqu’au bout du rêve ! New York, début du XXe siècle : tel Moïse sauvé des eaux, Peter Lake (Colin Farrell), abandonné au gré des courants de l’Hudson par ses parents irlandais refoulés des Etats-Unis, a été recueilli enfant par Pearly Soames (Russell Crowe), chef de gang boudiné comme une saucisse de Strasbourg dans un long manteau et aussi avenant qu’un calcul biliaire. Un chef de gang doublé d’un démon aux ordres de Lucifer (Will Smith), qui a fait de Peter un « monte-en-l’air » de première main, un as du fric-frac.

Alors qu’il cambriole une riche demeure, Peter tombe sous le charme de Beverly Penn (Jessica Brown Findlay), fille du richissime Isaac Penn (William Hurt).

En un clin d’œil et un « tea for two » plus loin, leurs cœurs battent à l’unisson. Entre eux, c’est l’amour, le vrai. Mais leur amour sera de courte durée. Atteinte d’une maladie incurable (la tuberculose), Beverly décède peu après leur rencontre et « rejoint » les étoiles, non sans que Peter, qui semble avoir le pouvoir de faire revenir les disparus à la vie, n’ait tout tenté pour sauver celle qu’il aime sous le regard de Willa (Mckayla Twiggs), une fillette qui croit en lui et en la légende du baiser qui sort du « sommeil » toutes les Belle au bois dormant et autres Blanche Neige.

Pour Peter, le cœur vitriolé et comme en carême, la vie semble s’arrêter là. D’autant plus abattu que, pourchassé par Pearly Soames qui voudrait ramener son ouaille du côté des Ténèbres, Peter est jeté par ce dernier d’un pont enjambant l’Hudson et s’enfonce dans les eaux froides du fleuve. Mort à tout jamais ? Les années passent…

New York, de nos jours : dans les rues de la « Grosse Pomme », un homme erre comme une âme en peine, à la recherche de son passé et d’une jeune fille rousse dont il dessine inlassablement le visage à la craie sur le trottoir. L’homme n’est autre que… Peter Lake. En fait, un immortel qui, tel le John McLeod d’Highlander, a traversé le temps. Un ange lumineux dont le destin est lié à son amour perdu et aux personnes qu’il rencontre, notamment à Virginia (Jennifer Connely), rédactrice d’un magazine de mode appartenant à une vieille dame prénommée… Willa (Eva Marie Saint, la « blonde hitchcockienne » de La mort aux trousses), dont la fillette, Abby (Ripley Sobo), est atteinte d’une maladie incurable. Une situation qui replonge Peter dans son passé et qui n’est pas du goût de ce furoncle de Pearly Soames qui croyait avoir vaincu à jamais le Bien…

Miracle à New York ! Du merveilleux, notamment avec les apparitions d’un cheval blanc ailé magique qui, comme l’ami Ricorée, arrive toujours au bon moment pour venir en aide aux cœurs purs, des bons sentiments à la louche, un peu de suspense : une chose est sûre, cet Amour d’hiver, adapté d’un roman de Mark Helprin, a tout pour attirer les sarcasmes des critiques du genre bobo-intellos toujours prêts à encenser La vie d’Adèle ou encore L’inconnu du lac. Et pourtant…

Et pourtant, il serait dommage de passer à côté de ce film tout public signé Akiva Goldsman, scénariste oscarisé en 2002 pour Un homme d’exception. Ici, pas de scènes scabreuses ni crasseuses plus proches du cinéma porno que de la comédie romantique. Juste une histoire romantico-fantastique « à l’ancienne » avec ce qu’il faut d’émotion que certains qualifieront de gnangan, de cucul-la-praline.

Au bout du conte : une parenthèse enchantée dans un monde de brutes pour un amour de film rafraîchissant comme une prairie de trèfles forcément à quatre feuilles.

Lu sur Présent

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