Ce soir à Versailles, Patrick Buisson livrait aux Eveilleurs d’Espérance son analyse politique du dernier scrutin présidentiel. En voici un aperçu :
“Ils étaient 20 millions à marcher le 7 mai. Vers où ? Vers quoi ? Ça n’a aucune importance, ils sont en “mouvement”. C’est le règne du “bougisme”, de l’homme interchangeable, de la personne dissoute dans la matière. 2017 aura vu l’apogée des “médiagogue”. Pour la 1ère fois TOUS les médias se sont mis au service d’1 candidat”. 1984, le roman de Georges Orwell aura vu sa plus brillante adaptation durant cette présidentielle. Avec la télé gouvernance, nous sommes passés des démagogues aux médiagogues. La tyrannie ancienne “s’arrêtait” à l’asservissement des corps. Le travail des adeptes de l’émancipation s’attachent à asservir la pensée. Adrénaline et moraline sont les deux substances que secrète la médiacratie afin de produire du consensus.
L’opération Macron n’a été que la réplique de la construction du mythe Kennedy. JFK deviendra une star planétaire. Il faudra plus de 20 ans pour démonter sa légende alors qu’il avait été élu grâce à l’aide de la mafia. Ce père idéal, ce délicieux époux n’était en réalité qu’un homme gouverné par sa libido, frôlant à 2 reprises une guerre nucléaire. Passivité devant la construction du mur de Berlin, échec du débarquement de la baie des cochons. Une histoire construite par et pour les médias. Il s’agit pour les médias de construire une “love story”. Le pouvoir s’exerce de plus en plus dans le cercle de la communication. De quoi Macron est-il le nom ? Le moins de passé possible, pas d’enracinement, pas de corps habités par un lieu, une culture. Une adresse postale : Silicon Valley. Californie. USA. Macron n’est pas le remède à la crise de la société française, il en est le symptôme : celui de la déliaison libérale. Le parti de l’économie est Le parti révolutionnaire au sens où l’entendait Georges Bernanos. L’économisme est la nouvelle religion des temps modernes par la promesse d’une croissance durable et illimitée. Qui peut croire que l’identité d’un pays se résume à son PIB ? Dans cette campagne le règne des médialogues est allé de paire avec celui des hallucinés de l’économisme.
Face à ce trou noir, les populismes de Mélenchon et le Pen ont exprimés maladroitement la nostalgie d’une souveraineté perdue. Le Pen a payé au prix fort le fait d’en avoir appelé aux électeurs de la France Insoumise plutôt qu’à ceux de Fillon. Le vote FN ne procède ni de l’euro ni des institutions de l’UE mais de la remise en cause de notre mode de vie. Faute d’avoir construit une offre électorale crédible, le FN est resté ce qu’il était : le meilleur allié du système. L’homme moderne considère que tout ceux qui ont vécus avant sont dotés d’une intelligence moindre que lui. C’est ce monde issus uniquement de l’économie qui a fait son entrée à l’Élysée. L’économisme est la nouvelle religion moderne. Les mots de l’économie ont totalement investis le language usuel, investir, gérer, challenger… Cette belle mécanique a révélée ses limites avec la crise de 2008. L’homme qui fait de l’économisme prend son pays pour une grande surface. Nous étions poussés à penser que la fonction de l’identité allait prendre le pas sur l’économie. C’est tout le contraire qui s’est passé. Jamais on n’a parlé autant d’économie qu’en 2017. Fillon et Macron ont récités les sourates de l’économie. Le management n’est pas le gouvernement des hommes mais la gestion des choses. Macron n’a d’autre ambition que de manager notre pays.
François Fillon, plutôt qu’une réforme de la sécu, aurait été mieux inspiré de favoriser les 10 millions d’aidants afin de favoriser la solidarité. Mais cela ne traverse JAMAIS l’esprit de l’homme politique. Tout doit être rentable. L’élimination de Fillon s’inscrit dans un long et inexorable déclin de la droite de gouvernement. Marine Pen n’a fait que parler d’économie, d’euros. C’est la raison de sa perte d’ailleurs. Macron à Vegas en janvier dernier a déclaré vouloir faire de la France une “Smart nation dans un monde connecté”. Macron et ces jeunes qui aiment à se présenter comme la jeunesse du monde ne sont en fait que la vieillesse du monde. Promesse du bonheur, du progrès, qui fait de l’homme un dieu. Nos sociétés sont les premières de l’histoire à rendre les gens malheureux de ne pas être heureux.
La droite ne peut plus ne pas constater le caractère insécable du libéralisme.Nous assistons à la réunification des libéraux de droite et de gauche. La droite qui défilait en 2013 réaffirmait la prévalence du sacré sur le matérialisme et le marchandisme. C’est le mouvement inverse qui fut amorcé par la droite de gouvernement. La manif pour tous aura été l’acte de naissance de ce que je nomme “populisme chrétien” qui ne fait pas de l’argent un roi au dessus de tout. En résumé, s’il était possible au siècle dernier d’accoler libéralisme et conservatisme, c’est aujourd’hui un oxymore. La droite est-elle encore une force d’alternance ? L’élimination de Fillon au 1er tour n’était en rien une surprise. Quand bien même il y a eu instrumentalisation des affaires : Fillon avait commencé à baisser avant cela dans les sondages. À l’approche de l’échéance de 2012, Nicolas Sarkozy me demandait qu’elle stratégie il fallait adopter. “Si tu veux récupérer les voix du populisme, il faut faire échec au front républicain.” Je suis alors missionné pour annoncer la fin du front republicain à Copé. Levée de bouclier, je devient l’homme à abattre. Francois Fillon est le premier à attaquer le “Ni-Ni” le lendemain. Tandis que LR enterre définitivement le front républicain aux régionales suivantes, actant sa soumission de pensée. La droite aura droit au “et-et” aux prochaines législatives : et défaite, et déshonneur.
L’explosion de la droite par Emmanuel Macron amorce un changement dont ont peut tout attendre, y compris le meilleur ! Je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée pour ceux que nous allons perdre : NKM, Estrosi, Bruno Le Maire etc. Ces grands stratèges ! Navré de vous avoir connus ! Il est des divorces libérateurs ! La synthèse entre le conservatisme et populisme est la seule voie électorale de sortie possible. Macron y travaille de façon bénévole ! Le dégagisme ne concerne pas que les personnes mais aussi les idées fausses et concepts creux. Une grande politique conservative ne peut être qu’une politique de civilisation fondée sur la transmission.
La leçon la plus éclatante des dernières élections est qu’aucun des partis de droite (LR-FN) ne peut remporter seul la victoire électorale. Fillon n’était pas habité par le lyrisme, c’était un politicien limité, qui ne peut pas répondre à “la diversité de la demande”. Sur le papier, la droite conservatrice dispose d’une puissance de frappe incroyable aujourd’hui. Mais pour espérer la victoire politique il faut remporter la victoire culturelle. Le conservatisme a tout pour être la force alternative des années qui viennent (Gauchet). Il faut également avoir quelqu’un pour incarner ces idées conservatrices. C’est le grand problème de la droite. Nous voudrions remporter la victoire avant même d’avoir semé. Ce cycle du progrès, le sinistrisme, est en train de se refermer. Laissons celui en train de s’ouvrir porter du fruit. Tout ce qui s’est décomposé en 2 siècles devrait se recomposer en 2 ans ? Impossible.
Lu sur Salon beige