C’est le 23 juin que rouvrira le Musée des Beaux-Arts de Nantes, pardon, le Musée des Arts , tout simplement ! On fait court, on élague, on …raccourcit, c’est la Terreur ! Intellectuellement, çà y ressemble en tous cas : avez-vous été consultés, sur l’édification de cet intrus tout de verre et de marbre enrobé qui s’invite entre la Chapelle de l’Oratoire et l’ancien Musée reblanchi ? Un cube. Sur quatre niveaux. Pour abriter non pas l’Art d’aujourd’hui mais l’art dit « contemporain ».
Vous a-t-on demandé votre avis ?
– Sur l’adjudicataire des travaux d’abord : une agence anglaise, Stanton-Williams, qui, mondialisation oblige, connaîtrait Nantes et son passé mieux que les architectes locaux ? Pour les 2000m2 de la façade du Cube, c’est du marbre qu’elle a choisi : plus lumineux, plus chic que le tuffeau de la Loire, cette pierre ringarde. L’édifice semble avoir été conçu avec soin. On peut, avec un budget de 88,5 M€ !
– Sur le fait, annoncé par Sophie Lévy, la nouvelle directrice qui nous vient de Lille, que ce musée sera désormais le seul à acheter de l’ « art contemporain » ?
– Sur l’opportunité de tels achats ? …Parce que si les autres musées les ont arrêtés, on peut à bon droit se demander si les réserves françaises dont celles de Nantes ne seraient pas archi-pleines ?
– Sur la nature desdits achats ? Français ? Ou plus vraisemblablement américains, comme le laisse présager le partenariat déclaré avec le réseau FRENCH AMERICAN MUSEUM EXCHANGE ?
– Sur les critères : pourquoi tel artiste plutôt que tel autre ? Qui décide ? De qui le Musée va t-il faire la promotion (car il s’agit bien de cela) et pour le compte de qui ?
– Sur le financement des dits achats ? Qui va payer ? Nous, bien sûr !
Pourquoi vous demanderait-on votre avis, à vous, les sans-dents qui n’y comprenez rien à ces concepts dont on va dorénavant vous abreuver dans ces lieux cubiques ? Il vous faudra des « médiateurs » pour vous expliquer les subtilités du choix de ces décisionnaires de ce que le Cube exposera ! Sont-ils français, américains ?
Un petit rappel historique s’impose :
Tout commence dans les Années 60 : première vague de l’Art contemporain.
Des experts auto-proclamés décrètent que l’art de la Tradition depuis le paléolithique est mort. Le nouvel « art » sera habilement nommé « contemporain » (AC) et n’aura plus l’esthétique pour critère, jugée populiste, mais la subversion et la déconstruction : on ne créera plus sur les traces du patrimoine acquis, mais à partir de concepts. De quoi « philosopher », « faire sens », « détourner »… . En tous cas, sûrement pas faire du beau : le sens doit primer la forme. Mais quand le sens prime la forme, il s’agit plutôt d’une campagne publicitaire réussie. On est loin du Grand Art.
Greuze, Sisley, Oudry ? Des artisans, démodés et besogneux ! Des ringards tout juste bons à annoblir aux yeux du public les laideurs revendiquées de l’AC au cours d’ « installations », « happenings », ou autres «performances ». Pour conforter cela, est créé en 1983 en France un corps d’une rare arrogance : les inspecteurs de la Création. De concert avec les galeristes ( le réseau Castelli) et les maisons de vente anglo-saxonnes, ils décrètent urbi et orbi ce qui est de l’Art et ce qui n’en est pas. Quant au public, il est sommé de la fermer. Tout débat est prohibé sous peine d’ostracisation. En France, nous avons un art d’État, n’est-ce-pas Jack Lang ?
Deuxième vague : Depuis 1990, le Musée « traditionnel » outrepassant ses fonctions éternelles de « conservation » va désormais être contraint par les idéologues de l’AC de lui servir de lieu promotionnel privilégié pour la promotion de son marché.
Qui se cache derrière cette camarilla qui décrète à notre place ce que nous devons apprécier en imposant ses choix personnels ? Dans quel but ?
Quelques semaines avant de mourir, François Mitterrand livra son testament politique aux Français : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort! ». Cette guerre qui menace d’anéantissement toutes les civilisations du monde porte un nom : la guerre culturelle.
Dans ce contexte, quelle sera la politique suivie par la nouvelle Directrice du Musée des arts de Nantes ? Son passé professionnel nous renseignera peut-être. En 2008, elle est directrice adjointe de la Terra Foundation for American Art, basée à Chicago et a participé à la création de son bureau à Paris, « pour favoriser l’émergence de projets autour de l’art américain», déclare-t-elle sur le site de la ville de Nantes. Elle prend ensuite la direction du musée d’art moderne de Villeneuve d’Asq, devenu le LaM , musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut de Lille, structure dispendieuse et très contestée. « J’arrive à Nantes sans présupposés, avec un œil neuf et frais…je suis très sensible aux changements sociétaux » ajoute-t-elle.
Elle confiait à un journaliste qu’un Musée « devait être un lieu d’enrichissants échanges pouvant aller jusqu’à la rencontre de l’homme ou de la femme de sa vie ! ». Cette vision « glamour » du Musée est jolie et motivante…et nous y souscrivons. Cependant, Sophie Lévy nous montrera-t-elle l’art qui met l’esthétique au premier plan, celui que le public réclame ? Combinera-t-il cette « exigence artistique sans faille avec la valorisation de la création locale » dont parle Johanna Rolland maire de Nantes ? Réponse le 23 juin prochain à l’inauguration.
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