Minute de mercredi raconte :
Le 7, puis le 8, puis le 9 avril, du mardi au jeudi donc, Philippot a joué à Marine Le Pen la grande scène du deux. Comme elle hésitait à se débarrasser de Le Pen, à le purger pour dire les choses par leur nom, à aller au-delà de son éviction de la tête de liste en Paca – actée dans l’esprit de Marine dès le vendredi 3 –, il a menacé de démissionner ! Une fois de plus…
La démission est l’arme favorite de Philippot. Plusieurs fois, il l’a utilisée et plusieurs fois, cela a fonctionné. Il usait déjà de ce chantage avant même d’être officiellement membre du FN, lorsqu’il n’était qu’un conseiller de l’ombre de Marine Le Pen ! Là, le vice-président du Front national a carrément menacé de partir avec son équipe. Plusieurs collaborateurs sont déjà sur le départ a-t-il même osé lui affirmer.
Face à Marine Le Pen, qui n’avait déjà pas besoin de cela pour faire grimper le thermomètre, il trépignait encore le jeudi matin. En substance : « Tu dois le virer! Si tu le gardes, le Front est plombé, il est planté! La présidentielle est perdue! Ta présidentielle est perdue ! » A ceux qui lui conseillaient de temporiser, qui lui disaient que ça allait se calmer, que les médias fonctionnent par séquences et que la pression médiatique allait retomber aussi vite qu’elle était tombée, Philippot répondait, soudain redevenu froid et calculateur : « Surtout pas. Il ne faut pas que ça retombe. Il faut en profiter. »
Le 8, Marine Le Pen avait déjà publié un communiqué très sévère: « Jean-Marie Le Pen semble être entré dans une véritable spirale entre stratégie de la terre brûlée et suicide politique. […] Je m’opposerai […] à sa candidature en Provence-Alpes-Côte d’Azur. […] Son statut de président d’honneur ne l’autorise pas à prendre le Front national en otage de provocations aussi grossières dont l’objectif semble être de me nuire […] C’est avec une profonde tristesse que je suis contrainte de réunir rapidement un bureau exécutif afin d’envisager avec lui les moyens de protéger au mieux les intérêts politiques du Front national. »
Pour être sûr que la pression ne retombe pas, Philippot a usé de son autre arme favorite: les médias. Une partie des dirigeants du FN s’était déjà aperçue de son double jeu, il y a plusieurs années, quand l’un d’eux l’avait surpris, dans un café parisien, attablé avec un journaliste alors que quelques jours plus tôt, en bureau politique, il avait justement désigné celui-ci comme
l’un des journalistes… avec lesquels il ne fallait entretenir aucune relation ! Philippot voulait en fait que ce journaliste ne puisse pas recouper les « informations » qu’il lui donnait…Le 8 au matin, Apolline de Malherbe, éditorialiste à BFM TV, twitte ce qu’elle croit être une information exclusive, à savoir qu’au FN, contre Le Pen, « des sanctions seront prises dans la journée », ce qui est totalement faux. Qui lui a donc fait parvenir ce tuyau crevé qui met un peu plus la pression sur Jean-Marie Le Pen et pourrait même pousser le président d’honneur du FN à commettre, de rage, une faute de plus? La rumeur se tromperait-elle, qui attribue la manipulation à Philippot ?
Un peu plus tard, Philippot est chez Bourdin et annonce qu’un bureau exécutif, celui promis par Marine Le Pen pour prendre des sanctions contre Le Pen, se tiendra l’après-midi même.
« Nous serons une dizaine, sans Jean-Marie Le Pen », ajoute-t-il de façon tout à fait invraisemblable. Car quiconque s’inté-
resse au FN – a fortiori qui est membre de sa direction – sait que le BE comporte neuf membres, par un de plus ni un de moins, en comptant Le Pen. Fait inédit dans les annales de la vie politique française, le service de presse du FN va aussitôt publier un démenti pour dénoncer la « rumeur » lancée par le vice-président du parti ! En voici le texte en intégralité, savoureux dans sa sécheresse : « La rumeur d’un bureau exécutif qui se déroulerait cet après-midi est totalement infondée. »Philippot avait essayé de transformer la réunion informelle, le jour même, d’une partie des membres du bureau exécutif, pour discuter librement des suites à donner à cette affaire, en une réunion disciplinaire ! Avec bien sûr à la clef l’exclusion de Jean-Marie Le Pen du Front national, ou à tout le moins sa suspension en vertu des pouvoirs discrétionnaires de la présidente du FN. Lors de cette réunion, Philippot exigera d’ailleurs de Marine Le Pen qu’elle annonce le soir même sur TF1, où elle était invitée au journal de 20 heures, qu’elle avait exclu (ou suspendu) Le Pen !
Au grand dam de Philippot, elle ne le fera pas mais tiendra cependant des propos très durs contre Le Pen, l’appelant à démissionner de ses « responsabilités politiques »
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