L’imaginaire collectif lie les Indiens … aux plumes et c’est l’histoire de l’importance symbolique de ces dernières que retrace cette exposition du Musée du quai Branly. Les collections présentées doivent beaucoup au Musée des Jacobins de la ville d’Auch qui renferme la deuxième collection précolombienne de France et c’est d’ailleurs son conservateur, Fabien Ferrer-Joly qui a assuré le commissariat de l’exposition. Mais avant de parcourir les allées de vitrines en vitrines, procurez-vous le catalogue édité par Somogy. Car il faut bien l’avouer : les cultures précolombiennes ne nous sont pas immédiatement accessibles. Si l’on ne veut pas passer à côté du trésor que révèlent les pièces exposées, il faut s’imprégner de la vision du monde des peuples qui les ont façonnées.
À la rencontre des « trois mondes »
Dans la cosmogonie des cultures précolombiennes, trois mondes cohabitent. De leurs échanges dépend l’harmonie de l’univers. Le monde des dieux est aussi appelé le monde d’en haut ou Hanan Pacha et a pour figure l’oiseau. Le monde des vivants ou monde d’ici, Kay Pacha, a pour figure le félin. Enfin le monde des morts ou monde d’en bas, Uki Pacha est représenté par le serpent. Parce que la plume est l’attribut du divin, elle joue un rôle central dans les costumes des plus hautes autorités : dans le domaine du sacré comme dans celui du pouvoir. En témoigne l’ensemble de la création artistique des cultures Paracas, Mochica, Nasca, Huari ou Chancay auquel s’intéresse l’exposition.
L’intelligence des premiers missionnaires
Lorsque Cortés entreprend la découverte du Mexique, il porte en lui une vision originale que certains nommèrent une « conquête éclairée ». Fabien Ferrer-Joly à qui l’on doit un article particulièrement fin sur la récupération des traditions précolombiennes par les premiers missionnaires arrivés dans le sillage du conquistador, n’hésite pas à reprendre le terme. Voyant le formidable travail effectué par les trois premiers missionnaires franciscains sur place, Cortés imposera que les ordres réguliers soient privilégiés au clergé séculier dans l’évangélisation des peuples locaux. Les missionnaires franciscains, et parmi eux le génial Pierre de Gand, développeront en effet des trésors de pédagogie pour rendre accessibles les vérités chrétiennes aux natifs. Ils apprendront les différentes langues locales et réaliseront un vaste inventaire ethnographique pour comprendre les traditions, les mythes et les représentations du divin des peuples précolombiens.
Une assimilation des anciennes traditions
Bien que particulièrement vigilants à chasser les habitudes païennes de leurs fidèles, ces missionnaires travailleront à acculturer le catéchisme catholique pour qu’il soit compréhensible de tous. Ils n’hésiteront pas à assimiler de très nombreux symboles, mythes et représentations précolombiens dans l’énoncé des vérités de la foi et dans les représentations artistiques qui en furent faites. L’effort d’imprégnation de la culture locale par les frères mineurs fût véritablement hors norme. Pierre de Gand put ensuite développer une véritable « pédagogie par l’image » pour reprendre les termes de Fabien Ferrer-Joly. En créant l’école San José de Los Naturales, il instituera un véritable conservatoire des traditions précolombiennes tout en faisant éclore une riche création artistique qui mêle traditions autochtones et culture de la Renaissance européenne. Le plus bel exemple en est La Messe de Saint Grégoire, extraordinaire travail de plumasserie aztèque qui reprend un motif typiquement européen. Cette oeuvre, qui mérite les longues explications données dans le catalogue, tant elle renferme de richesse symbolique, suffit à justifier l’exposition du musée du quai Branly. Une belle occasion de découvrir ces premières chrétientés latino-américaines, tant ignorées de notre côté de l’Atlantique.
« Plumes, visions de l’Amérique précolombienne »
Musée du Quai Branly – Jacques Chirac
37 Quai Branly, 75007 Paris
Jusqu’au dimanche 29 janvier 2017
Plein tarif : 10 € / Tarif réduit : 7 €
+33 (0)1 56 61 70 00