L’Amérique envahie par des enfants !

Jean Raspail ne l’avait pas prévu. Dans son livre-culte publié en 1973, il imagina des familles entières venues d’Afrique, du Levant, d’Asie, débarquant de rafiots sur les plages d’Europe pour y trouver refuge, avec la complicité enthousiaste des spadassins locaux du Nouvel Ordre Mondial. Raspail eut trente ans d’avance sur les événements. Raspail autopsia les personnages d’un drame qui s’étale devant nous depuis au moins dix ans, mais que l’on ne voyait pas encore. Parmi ces personnages, il manquait les plus jeunes, les enfants de huit à quinze ans, invisibles, noyés dans la masse des adultes. Il manquait la génération montante partie seule à l’assaut des citadelles de l’Occident.

Ce chapitre manquant du livre de Raspail, l’actualité s’est chargée de l’écrire. Des dizaines de milliers d’enfants frappent désormais à la porte de l’Amérique. Une marée humaine qui touche surtout, le long de la frontière sud, les Etats du Texas et de l’Arizona. Des enfants sans parents, sans tuteurs, sans rien d’autre que leurs vêtements. On en a accueilli 50 000 depuis janvier. Leur nombre total pourrait atteindre 90 000 d’ici à décembre. On en prévoit 150 000 en 2015 et le double en 2016. Ils représentent le visage le plus récent de la subversion, l’atout-maître du globalisme et du métissage.
D’où viennent-elles, ces hordes juvéniles poussées vers le Nord ? Du Mexique, du Honduras, du Guatemala et du Salvador. Des enfants négligés, abandonnés, mais très vite récupérés, encadrés et stimulés par les manœuvriers d’une invasion programmée qui leur ont désigné l’Eldorado américain comme l’ultime étape de leurs épreuves, le terme enchanteur de leur fuite en avant. Ils ont marché, ces gosses, souvent à demi-nus, pendant des centaines de kilomètres, en tâchant d’oublier les violences domestiques, la pauvreté chronique, les trafiquants de chair fraîche, les cartels de la drogue. Ils ont traversé des pays entiers, comme les peuples que l’histoire condamne à l’exode, sans qu’aucune des autorités locales ne s’émeuve de leur solitude, de leur quête haletante d’un pays lointain, presque mythique.
Hollywood fera un film, plus tard, de cette épopée aux allures de scandale. Tout y sera : le souffle des grands espaces, la tragédie d’une jeunesse perdue, les responsabilités d’un capitalisme dévoyé, les larmes des bonnes consciences, la culpabilité des Blancs américains. On oubliera, bien sûr, l’essentiel de toute cette histoire : la cynique instrumentalisation d’intouchables par définition. Et la complicité de tous les éléments de la filière, des pays « fournisseurs » jusqu’à Washington. Pour les Etats-Unis, la ruse se transforme en piège. Ne faudrait-il pas avoir un cœur de pierre pour renvoyer vers leurs précaires horizons des gamins, des adolescents, les côtes saillantes, les yeux hagards, qui arrivent presque exsangues sous vos fenêtres mendier l’hospitalité, un peu d’espoir pour survivre ?
Générosité et compassion : de l’autre côté de la frontière, Uncle Sam plus compréhensif que jamais ouvrit ses bras devant des foules compactes aux regards de détresse, devant des reclus aux gestes de somnambules. On construisit à la hâte, au Texas et en Arizona, des villages de toile pour abriter ces fantômes suppliants de l’immigration. En Californie, le Pentagone mit à leur disposition des camps militaires désaffectés, mais rendus opérationnels pour la circonstance. Les pouvoirs publics s’agitent, rassurent, promettent que tout sera entrepris afin que pas un seul de ces enfants n’ajoute d’autres souffrances à celles déjà endurées. Uncle Sam devient à la fois consolateur, médecin, hôtelier, sans cesser, comme à son habitude, d’être juriste.
Car, aussi épineuse soit-elle, cette situation sans précédent entre dans une législation déjà en place. Celle-ci prévoit d’abord un regroupement, sous l’autorité du ministère de la Sécurité intérieure, de tous ces jeunes pendant trois jours après leur arrivée. Ensuite, elle prévoit leur prise en charge par le ministère de la Santé et des Services humains jusqu’au moment où les parents biologiques (ou une famille adoptive), se font connaître. A ces deux cas, la loi en ajoute deux autres, beaucoup plus probables : l’asile ou un visa spécial. Est prévue aussi une dernière option beaucoup plus hypothétique : la déportation pure et simple, décidée par un juge. Mais cela est une autre histoire, qui pourrait prendre des années de procédure.
Sur de vibrants podiums, le président Barack Obama clame à tous vents que ces « étrangers jeunes et solitaires » ont généré une « urgente crise humanitaire » qu’il convient de résoudre « dans l’union et l’apolitisme ». Consternants propos. Le chef de l’exécutif parle de ces soutiers de l’invasion comme d’une catastrophe naturelle. C’est ignorer deux éléments. D’abord, si les tireurs de ficelle du globalisme et du métissage ont propulsé ces dizaines de milliers de jeunes sous les murs de l’Amérique, c’est qu’ils savaient que leur victimisation aurait raison des indécisions gouvernementales et des incohérences administratives. Bien vu, en effet : ils ne seront finalement qu’une poignée, les condamnés à la déportation. Une poignée pour donner le change.
Ensuite, cette crise a éclaté – a été rendue possible – pour une seule et bonne raison : l’incapacité de l’establishment d’imaginer, d’élaborer, de voter un appareil législatif efficace pour endiguer la marée des immigrés illégaux. Aucun des deux objectifs indispensables qui auraient dû compter parmi les obsessions du Congrès – à savoir le verrouillage minutieux des frontières et le démantèlement de l’Etat providence –, n’a été atteint. Tant que 2 000 à 3 000 clandestins pourront s’infiltrer chaque jour dans ce pays ; tant que les sans-papiers bénéficieront de ses écoles, de ses hôpitaux et de ses allocations, pompe aspirant le tiers-monde, aucune politique d’immigration ne sera possible.
Les 150 000 enfants que l’on attend l’an prochain et les 300 000 planifiés pour 2016 ne sont que la conséquence visible, palpable, dramatique de cette incapacité à étanchéifier les sas d’entrée aux Etats-Unis. Une incapacité qui révolte les naïfs de la droite plus ou moins molle et qui conforte les militants de la droite plus ou moins dure. Ceux-ci sont sans illusions. Ils savent que l’Amérique est soumise aux diktats de l’invasion et du métissage. Obama, comme les autres autour de lui, sont invités à s’y plier. L’arrivée d’enfants à jet continu sur la frontière sud n’a été, pour cette clique aux ordres, qu’une occasion supplémentaire de montrer sa docilité. La générosité et la compassion affichées jusqu’aux sphères dirigeantes les plus hautes ne furent destinées, dès le début de cette crise, qu’à chloroformer l’opinion sous des sentiments flatteurs. Tandis que le Congrès fait semblant de regarder ailleurs (trois projets de loi mort-nés avant d’être votés : grotesque !), que les secouristes en chef s’avouent dépassés par les événements et que le ministre de la Sécurité intérieure parcourt les rives du Rio Grande avec un air accablé, la grosse presse s’applique à emboucher les trompettes de la gravité politique. « C’est un test pour Obama », titrent dans un bel ensemble le Washington Post, le New York Times et le Chicago Tribune.
Quel test ? Dans cette affaire, tous les dés sont pipés. La résignation se répand, gluante, tenace. Chaque Américain sincère se doute bien que tous ces enfants obtiendront finalement le droit de rester aux Etats-Unis. Et que tous ceux qui, dans l’avenir, se présenteront à leurs portes bénéficieront du même droit. D’ailleurs, lorsque l’on évoque les agents dissolvants de la nation américaine, on ne devrait plus parler de droits, mais de privilèges.

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