“Agatha Christie” / Une lady politiquement incorrecte

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Par Alain Sanders

Des essais, des études, des biographies sur Agatha Christie, il y en a – et il y en aura encore – des dizaines. Mais l’essai – incisif – de Camille Galic, très sobrement intitulé Agatha Christie, est le premier livre, à ma connaissance, qui se penche aussi clairement sur des aspects peu explorés de l’impératrice du crime. A commencer par sa dimension politique.

Camille Galic ne fait pas dans l’understatement. Le politiquement correct, ses pompes et ses œuvres, ce n’est pas sa cup of tea. Sa lecture, sa re-lecture, des livres d’une lady qui n’était pas un long fleuve tranquille, met au jour les idées politico-sociétales (d’aucuns parleraient aujourd’hui de « préjugés ») d’Agatha Christie. Sans jamais forcer le thème, ne s’appuyant que sur des exemples toujours sourcés, Camille Galic lève un coin du voile post-victorien.

Une Britannique de la High Society cultivant sereinement son jardin à l’anglaise ? Un écrivain « conservateur » traversant dans les clous ? Loin de là. Agatha Christie est surprenante, inattendue (et on la trouve parfois là où on ne l’attend pas), voire iconoclaste. Dans sa jeunesse, elle a été un peu midinette, emballée par son Archibald Christie de mari, beau gars, impeccablement sanglé dans son uniforme, héros de guerre (la Grande) de surcroît.

On s’arrêtera avec Camille Galic, qui lui consacre un chapitre (« Le mystère Christie : sa disparition »), à ce 3 décembre 1926 qui serait à ranger entre Nous Deux, une séance chez un psy et une intrigue policière. Ce jour-là, elle disparaît. Elle s’évapore. Jusqu’au 14 décembre, date à laquelle on la retrouve dans un hôtel. A 400 km de chez elle. Elle s’y est inscrite sous le nom de Teresa Nancy Neele. C’est-à-dire le nom de la maîtresse d’Archie… Elle n’expliquera jamais ce « mystère » (et, peut-être, cette « mystification »).

En 1928, le divorce est prononcé. Bye, bye Archie ! Et hello !, deux ans plus tard, en 1930, Max Mallowan. Il est archéologue. Ensemble, comme l’écrit Camille Galic, ils partent « à la recherche du temps retrouvé ».

Réac, voire plus…

Camille Galic a lu, la plume à la main, l’œuvre d’Agatha Christie (et ses autres livres, sous le pseudonyme de Mary Westmacott). Elle en a sélectionné quelques extraits « signifiants » qui pourraient donner l’idée et le goût à quelqu’un de publier un jour unPensées, maximes et autres dits d’Agatha Christie.

Il ressort de tout cela que Dame Agatha Christie n’était pas de gauche (litote…). Le chapitre intitulé « Réac, voire ultra ? » est à cet égard révélateur. Elle est pour la peine de mort. Elle n’est pas féministe (mais refuse avec force que le rôle de la femme soit réduit à celui d’une potiche). Elle veut que les enfants soient bien élevés. Elle est fière de l’œuvre coloniale de sa patrie. Elle est monarchiste, cela va sans dire. Elle est anticommuniste. Anglicane, elle est attachée aux rites religieux tradis (y compris pour l’Eglise catholique). Cela fait beaucoup pour notre époque…

On sera, aussi, reconnaissant à Camille Galic de s’insurger – comme le fit la fille d’Agatha, Rosalind Hicks, jusqu’à sa mort en 2004 – contre les « libertés » (on devrait plutôt parler de trahisons) prises par certains scénaristes pour des adaptations qui relèvent du crime ès reine du crime, de la falsification, de la récupération indigne. Avec, pour faire « tendance », des ajouts d’homosexualité, de drogue, d’inceste, etc. On n’étonnera personne en disant que les champions en la matière sont des Français (et en l’occurrence des Françaises), Anne Giafferi et Murielle Magellan, avec leur série Les Petits Meurtres d’Agatha Christie.

Paraphrasant Agatha Christie (dans la conclusion de ses Mémoires), on a envie de dire à Camille Galic : « Merci pour ce beau livre et tout le bonheur qu’il nous a donné. » A savourer avec une liqueur écossaise, installé dans un fauteuil de cuir roux, les pieds posés sur un pewter victorien, en choisissant du tabac dans une boîte de Sheraton…

• Pardès, collection « Qui suis-je ? »

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