Les jours de la civilisation occidentale sont comptés, affirme le philosophe Michel Onfray dans Décadence, un livre au titre volontairement provocateur à paraître le 11 janvier chez Flammarion. “La civilisation judéo-chrétienne européenne se trouve en phase terminale”, soutient le philosophe athée, qui assure avoir constaté ce phénomène “comme un médecin le ferait d’une desquamation ou d’une fracture, d’un infarctus ou d’un cancer”.
Pavé de 650 pages, Décadence, sous-titré de Jésus au 11-Septembre, vie et mort de l’Occident, entend raconter l’histoire de la civilisation judéo-chrétienne des origines à nos jours au risque, parfois, de raccourcis hasardeux. Ainsi, Michel Onfray n’hésite pas à dénoncer sans nuance “presque deux mille ans d’antisémitisme chrétien, et son terrible couronnement par la Shoah”. Mais le livre, deuxième volet d’une trilogie intitulée Brève encyclopédie du monde (après Cosmos paru en 2015 et Sagesse attendu en 2018), impressionne également par ses innombrables et savantes références théologiques et philosophiques.
L’auteur ne cache pas son admiration pour le travail de Samuel Huntington et son Choc des civilisations (1996), un livre, écrit Onfray, “validé par le réel” bien qu’il fut “déconsidéré lors de sa parution en France par l’intelligentsia parisienne”. Si le début de la fin de la civilisation judéo-chrétienne a commencé avec Nietzshe proclamant la mort de Dieu, l’auteur du Traité d’athéologie, fait coïncider la fin de la civilisation occidentale avec la fatwa lancée par l’Iran contre l’écrivain britannique Salman Rushdie.
“Le 23 février 2016, la prime pour qui tuerait Salman Rushdie a été augmentée par l’Iran de 600.000 dollars. Que fait l’Occident? Rien. Que peut-il faire? Rien”, déplore Onfray qui affirme par ailleurs que “le Dieu du Vatican est mort sous les coups du Dieu de La Mecque”. Dans le même temps, Michel Onfray condamne “les attaques” menées par des pays comme la France et les États-Unis contre des pays musulmans qui “ne nous menaçaient pas” comme l’Irak, la Libye ou le Mali. Revenant sur la mort de Ben Laden, qu’il qualifie de “meurtre”, Onfray écrit que “le terrorisme d’État se nomme guerre et terrorisme la +petite guerre+ de ceux qui résistent à la guerre d’État”.
L’Occident, estime le philosophe, ne vit désormais que dans le consumérisme. Or, fait-il remarquer “qui, à ce jour, donnerait sa vie pour les gadgets du consumérisme devenus objets du culte de la religion du capital? Personne”. “On ne donne pas sa vie pour un iPhone. L’islam est fort, lui, d’une armée planétaire faite d’innombrables croyants prêts à mourir pour leur religion, pour Dieu et son Prophète”.
Le philosophe libertaire pourfend aussi le libéralisme qui, selon lui, “est un facteur d’enrichissement des riches et, la plupart du temps, d’appauvrissement des pauvres”. “L’Europe est à prendre, sinon à vendre”, écrit-il. “L’effondrement du judéo-christianisme en Europe, la baisse du taux de fécondité de sa population couplée à la +Résurgence de l’Islam+ et à l’augmentation de son taux de fécondité, témoigne en faveur de l’islam porteur d’une nouvelle spiritualité européenne capable de disposer de la puissance avec laquelle se constituent les civilisations nouvelles”, prévoit l’auteur du Manifeste hédoniste, qui dénonce tout à la fois le concile Vatican II qui “a fait de Dieu un copain à tutoyer” et la libéralisation des mœurs.
“Les législations postchrétiennes qui libèrent la sexualité et la découplent de la procréation, de l’amour et de la famille contribuent à l’effondrement démographique”, écrit-il. “Le judéo-christianisme a régné pendant presque deux millénaires. Une durée honorable pour une civilisation. La civilisation qui la remplacera sera elle aussi remplacée. Question de temps. Le bateau coule: il nous reste à sombrer avec élégance”.