Vraiment (somptueusement) payés à rien faire!

 

Cet été une micro-polémique a eu lieu au sujet de l’installation d’un buste d’Olympe de Gouges à l’Assemblée. La perspective de mettre le buste d’une femme républicaine dans la salle des quatre colonnes semble faire frémir certains députés de la droite conservatrice (au hasard : Jean-Frédéric Poisson ou Gilbert Collard). La décision d’installer une statue d’Olympe de Gouges devrait être effective d’ici l’automne. Cette installation vient combler un double manque : quand on se balade dans le Palais Bourbon, on peut être surpris par la faible place laissée dans le décorum à la République et aux représentations de femmes connues. De fait, les seules femmes présentes sont Marianne, des divinités grecques et des nymphes nues de la Buvette). Dans son ouvrage « Un Ethnologue à l’Assemblée « Marc Abélès notait bien ce paradoxe.

Construit au début du XVIIIème, confisqué sous la Révolution, racheté après la Restauration, le Palais Bourbon qui héberge l’Assemblée nationale a trouvé sa forme définitive dans les années 1830. De nombreuses peintures et statues sont donc des œuvres de propagande de la Monarchie de Juillet : ainsi le plafond de la salle des pas perdus de Vernet célèbre le progrès des années Louis-Philippe, celui de la salle des conférences célèbre la charte de 1830 et la monarchie constitutionnelle à la Française, tout comme celui du salon Pujol (le salon « de la droite »).

Le reste célèbre le Droit et la monarchie. Il y a ainsi une magnifique statue d’Henri IV salle des conférences, juste en face d’une cheminée pas totalement républicaine, entourée de tableaux représentant les Bourgeois de Calais, la convocation des états généraux par Philippe Le Bel, ou un tableau sur la tentative d »arrestation d’un Frondeur (sous Louis XIV). Comme le souligne Abélès, la République s’étant discrètement installée dans notre pays, le décorum n’a jamais été bouleversé.

Tout juste a-t-on modifié certains éléments trop connotés (on a supprimé le trône du salon Delacroix et les aigles du perchoir du Président, datant de l’époque napoléonienne, ont été remaquillés en coqs gaulois) mais le palais Bourbon reste marqué par les Bourbons. Depuis près de deux siècles, les changements se sont plus faits par ajouts successifs, pour compléter par des éléments plus républicains. Ainsi pour célébrer le centenaire de la Révolution fut installé un bronze représentant Mirabeau aux Etats généraux. Pour le bicentenaire, fut installée en face, dans la cour d’honneur, la « sphère des Droits de l’Homme » de Walter de Maria. La rotonde Alechinsky date, elle, de 1992. Pour combler un vide dans le salon Delacroix (le salon « de la gauche »), une imposante Marianne « de Tlemcen » a été installée (il semble que ce soit la dernière Marianne qui ait quitté l’Algérie française, pas certains que les députés de gauche soient au courant).

Les statues du salon Casimir Perier (Casimir Perier, le général Foy, Mirabeau et Bailly montant à l’échafaud) sont des incarnations d’une République plutôt modérée. On a longtemps débattu pour savoir qui pouvait les rejoindre dans les deux alcôves restées vides. Finalement en 2005, on s’est arrêté sur Portalis et Tronchet, deux grands juristes assez consensuels. Et cette année a été installée une oeuvre en graph de JonOne représentant Marianne, à l’initiative de Claude Bartolone.

Il y a bien sur quelques ratés (le salon des Mariannes, le tableau d’Olivier Debré, on en parle ?), mais la plupart des ajouts sont bienvenus. Mais le décorum reste au final, trop peu républicain et pas du tout féministe. Le buste d’Olympe de Gouges servira à combler ces deux manques.

Mais cette introduction reste contestée par une partie de la droite conservatrice à cause de la personnalité d’Olympe de Gouges et de la rumeur qui voudrait qu’elle remplace le buste d’Albert de Mun, député de la droite catholique du début de la IIIème République, qui était face au buste de Jaurès (pour les fans d’Albert de Mun qui lisent ce blog, rassurez-vous il devrait être déplacé, dans des endroits moins visibles du Palais). On voit que même au XXIème, il est impossible de retirer des éléments au décor, même si c’est au risque de donner un aspect patchwork à l’ensemble.

Pour en (sa)voir plus, l’Assemblée édite des brochures, s’est mise à Google Earth et organise des visites (notamment pour les journées du patrimoine). Vous pourrez ainsi découvrir la magnifique bibliothèque, l’hémicycle ou l’Hôtel de Lassay, grâce à d’excellents guides aux connaissances bien plus étendues que les miennes ;).

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