Lu ailleurs / Le “Peron” de Jean-Claude Rolinat

Evita Peron, Juan PeronPrésent

Propos recueillis par Catherine Robinson

Notre ami Jean-Claude Rolinat vient de faire paraître un Peron aux éditions Pardès. Dans ce Qui suis-je ? l’auteur nous dresse le portrait du charismatique général qui catalysait sur sa personne les soutiens les plus enthousiastes et les rejets les plus violents. Jean-Claude Rolinat met également en scène l’inoubliable Evita, la « Madone des descamisados », qui s’attacha le cœur des Argentins et facilita la conquête du pouvoir et la mise en œuvre de la politique de son mari. Un régal. – C-R.

— Pourriez-vous nous brosser les caractéristiques du péronisme ?

— Pour paraphraser la publicité d’une célèbre marque de boisson gazeuse, « Le péronisme a la couleur du fascisme, le goût du fascisme, mais ce n’est pas du fascisme. » Si le culte de la personnalité – « le caudillisme », une passion très latino-américaine –, pouvait lui donner quelques similitudes avec le fascisme mussolinien par exemple, comme aussi le contenu doctrinal du programme justicialiste, les ressemblances s’arrêtent là. Il y a toujours eu un habillage démocratique, parlementaire, avec des élections libres et aucun camp d’internement n’a jamais massivement « hébergé » d’opposants. Le corporatisme n’était pas religion d’Etat. C’était du populisme – mot si honni de nos jours ! – à l’état pur : un chef charismatique, un programme social avancé pour l’époque et la région, ainsi qu’un nationalisme chatouilleux.

— Quel était, outre Evita, le point fort de Perón ?

— D’une manière générale, on ne peut pas évoquer l’un sans l’autre. C’était un couple politique bien plus que deux amants, en raison de la maladie qui rongeait Evita. Il est évident que si Perón « a fait Evita », en la découvrant et en la révélant au pays, sans elle et sa fantastique aura populaire, le régime aurait été plus terne et, disons-le, moins social. Ce couple mythique restera toujours comme une sorte de référence transcendant les générations dont se réclament encore, même si c’est du bout des lèvres, les actuels dirigeants de l’Argentine. D’ailleurs, après la mort de sa femme en 1952, Perón a perdu la main. L’armée l’a lâché et la CGT, la grande centrale syndicale, s’est effondrée comme un château de cartes sous les coups de butoir des généraux avant de renaître de ses cendres, comme le Phoenix, quelques années plus tard.

— Renversé en 1955, le général Perón vécut dix-huit ans en exil et revint en triomphateur en 1973 en Argentine, avec sa troisième épouse Isabel, mais le péronisme avait vécu. Pourquoi cela n’a-t-il pas marché ?

— Le monde avait changé et l’Argentine avec. Si les joutes électorales entre péronistes et radicaux de l’UCR, Union Civique Radicale, avaient repris de plus belle, le terrorisme s’était invité sur la scène politique. Le mouvement justicialiste s’était scindé en deux ailes antagonistes : une aile droite, plus moderne, et une gauche révolutionnaire, comme les Montoneros. Isabel, mal conseillée, sous l’emprise malfaisante de José Lopez Rega, ministre du Bien-être social, surnommé El Brujo, « le sorcier », pour sa pratique de l’occultisme, a finalement été renversée par un acteur récurrent de la vie politique argentine : l’armée. Et on sait avec quelle brutalité cette dernière a résolu le problème du terrorisme !

— Que reste-t-il aujourd’hui du péronisme ?

— La présidente Kirchner ne manque jamais d’apparaître en meeting avec, en toile de fond, le portrait d’Evita. Elle a même patronné le lancement d’un billet de 100 pesos à son effigie. Son portrait est toujours accroché sur la façade de l’immeuble de la CGT à Buenos Aires et son buste honore l’une des salles du Congreso. Un musée lui est consacré et, ici ou là, une statue ou une plaque de rue rappellent le souvenir des Perón. Mais, bien qu’il y ait un institut d’études péronistes, c’est plus elle que lui que l’on évoque. Mais ni Carlos Menem, libéral, ni Cristina Kirchner, social-démocrate, pas plus que Hilda Duhalde, « Chiche », n’ont réellement ramené au pouvoir un justicialisme rénové qui apparaîtrait, peut-être à tort, comme une image d’un passé… dépassé !

Qui suis-je ? Peron par Jean-Claude Rolinat. Editions Pardès, 44 rue Wilson, 77 880 Grez-sur-Loing. 12 euros.

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