Par Benoît Toussaint, membre de l’Institut Coppet, rédacteur au Bulletin d’Amérique et responsable de la Réunion des blogueurs
Alors que le parti républicain se cherche toujours un champion pour affronter Barack Obama en 2012 lors de l’élection présidentielle, de plus en plus de militants du GOP semblent séduits par le profil de Donald Trump, célèbre et richissime promoteur immobilier. A défaut d’être brillant, celui-ci peut compter sur son charisme et la notoriété de son nom.
Donald Trump n’est pas homme à douter et surtout pas aujourd’hui. Selon un récent sondage, Washington Post/ABC News, l’homme d’affaires à la fameuse mèche blonde arriverait en tête des candidats potentiels à l’investiture républicaine pour 2012, devant des noms aussi célèbres que Palin, Huckabee, Paul, Bachman, ou encore Pence. Mieux, il s’est acquis le soutien du Pasteur influent Franklin Graham, connu pour avoir conseillé une longue liste de candidats conservateurs. A-t-il une chance de faire son entrée, un jour, dans le bureau ovale ?
A 65 ans, Donald Trump semble incarner le succès. Diplômé de l’Université de Pennsylvanie, il a débuté sa carrière sous la tutelle de son père dans l’immobilier et il s’est bâti un empire financier colossal. Sa fortune était estimée à près de 3 milliards de dollars en 2009 par le magazine Forbes. Outre les nombreux immeubles qui portent son nom, symboles de sa réussite, Trump est connu pour ses émissions télévisées ou encore les frasques très médiatiques de ses nombreux mariages. Décidé à transmettre au monde les clés de son succès, il a créé rien de moins qu’une Université à son nom au sein de laquelle il n’hésite pas à prêcher lui même pour vanter tous ses mérites.
“Je vote pour Trump”
Hollywood commence aussi à évoquer sa candidature. « C’est un homme bien », déclarait l’acteur Gary Busey dans une récente interview télévisée, ne tarissant pas d’éloge au sujet d’une possible candidature présidentielle de Donald Trump. « Je pense qu’il ferait un absolument bon président car il connaît ce pays, et il connaît la situation que nous traversons ». « Je vote pour Trump », déclarait l’acteur. Force est de constater que son nom revient de plus en plus souvent parmi les partisans du GOP. « Il a rendu les gens enthousiastes », affirme Glen McCall, président du Parti républicain dans le comté de York, en Caroline du Sud. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la perspective de voir Trump revêtir le dossard du candidat républicain pour 2012 a de quoi agacer.
Une certaine confusion règne au sein du parti conservateur quant au choix du champion qui devra affronter Barack Obama en novembre 2012. L’étoile de Sarah Palin est devenue bien pâle depuis quelques mois, Michele Bachmann (notre article) peine encore à convaincre et des candidats sérieux tels que Mitt Romney et Tim Pawlenty ne font pas rêver les électeurs républicains. De là à dire que Donald Trump incarne leurs attentes, il y a encore un pas. Loin s’en faut. Mais le manque de potentiel des autres candidats pourrait faire le jeu de l’homme d’affaire qui bénéficie déjà de la notoriété de son nom, et ces dernières semaines, la nouvelle de sa possible candidature a dominé les titres de presse. Vingt-six pour cent des Américains interrogés par Pew citent Trump comme le candidat qu’ils ont entendu le plus ces derniers temps.
Feu à volonté sur Obama
Candidat malheureux aux primaires républicaines en 1996, Donald Trump quitte le GOP en 1999. Après un soutien au camp démocrate, il revient finalement sous la bannière républicaine. Toutefois, en 2009, il publiait un livre dans lequel il vantait les réalisations « étonnantes » et « phénoménales » d’Obama. « Barack Obama a montré que la détermination combinée à l’occasion et l’intelligence peuvent faire bouger les choses – et de manière exceptionnelle », s’emportait l’homme d’affaire avec emphase. Désormais, il tire à boulets rouges sur l’administration présidentielle et considère Barack Obama comme le pire président de l’histoire américaine. Récemment, il recyclait la thèse selon laquelle le président américain ne serait pas né sur le sol américain, condition sine qua non pour pouvoir se présenter, ou encore que le président aurait été un mauvais étudiant qui n’aurait pas du pouvoir entrer dans les grandes universités.
Sur le plan des idées, Donald Trump semble s’inscrire dans une ligne globalement conservatrice, bien que ses deux divorces pourraient ne pas jouer en sa faveur. Il est hostile à l’avortement, au contrôle des armes, et à l’intervention en Irak. Favorable à une forme de privatisation des retraites, il s’est engagé en faveur d’un recul de l’intervention publique dans la société et a combattu les prélèvement fiscaux sur les successions. Toutefois, il a parfois pris à contre-pied les observateurs en déclarant ne pas voter depuis des années ou en défendant, par exemple, le système de santé Health care.
Dans son ouvrage America we deserve, paru en 2000, il déclarait : « Je suis conservateur sur la plupart des questions, mais libéral sur la santé. Le fait que le nombre d’Américains non assurés a augmenté à 42 millions de personnes est un fait inacceptable, mais réel. […] L’objectif doit être clair: nos concitoyens sont notre plus grand atout. Nous devons prendre soin des nôtres. Nous devons avoir des soins de santé universels. »
Un clown en politique ?
En conséquence, les critiques au sein même du mouvement conservateur ne sont pas tendres avec celui qu’ils nomment avec morgue “Le Donald”. Revenant sur la carrière financière du promoteur immobilier, le commentateur et analyste de l’American Enterprise Institute Jonah Goldberg affirmait que « Trump est un protectionniste qui a gagné des milliards en jouant sur le marché immobilier le plus corrompu et le plus politisé du monde. » Trump fait désormais volte-face, comme il l’a fait dans le passé lors de son soutien pour les démocrates, pour les augmentations d’impôts, etc. Les changements d’opinion, très bien. « Mais pardonnez-moi si je n’assimile pas le mot Trump à celui de sincère ».
Pour la plupart des commentateurs, l’homme d’affaire n’a aucune chance d’être élu. Beaucoup le voient d’abord comme une sorte de clown politique, qui amusera un temps l’opinion, et qui retombera dans l’oubli une fois les “vrais” candidats désignés. Selon Bob Moser, du Texas Observer, les Américains peuvent parfois se laisser séduire par des réponses faciles. Mais ils reconnaissent également ceux qui, dans des périodes de crises, peuvent apporter des solutions sérieuses à des problèmes complexes et ceux qui n’ont à proposer que des « jokes ». « Et si la candidature de Trump est encore une vue de l’esprit, les Américains ne riront pas longtemps, si elle devient une réalité ».
Comme le remarquait David Brooks du New York Times, très peu de personnes peuvent s’offrir le luxe d’être véritablement odieux. Ces personnes « sont tellement impressionnées par leurs propres réalisations, si souvent rappelées à leur justesse évidente, que toute leur pensée, jusqu’au mouvement de leur bouche, est fortifiée par cette certitude inexpugnable. […] Aujourd’hui Donald Trump est ce genre d’homme ».
Cette page est produite par l’Institut Coppet et le Bulletin d’Amérique.