Américains et Pakistanais divergent : les mystères demeurent sur la fin de ben Laden

Dans son allocution télévisée mélodramatique urbi et orbi (« au peuple américain et au monde ») du dimanche 1er mai à 23 h 30 (heure de Washington), Obama semble bien avoir émis quelques contre-vérités. L’opération éclair des Navy SEALS était-elle vraiment destinée « à capturer Oussama ben Laden et à le présenter devant la justice », capture qui aurait été rendue impossible par la résistance rencontrée par les commandos, rendant dès lors inévitable « après un échange de coups de feu » la liquidation physique du supposé patron d’Al Qaeda ?

Sitôt la mission accomplie, les commandos ont quitté le Pakistan. Ce sont désormais les autorités de ce pays qui sont maître du terrain et mènent leur enquête. Une enquête qui, pour autant qu’on puisse admettre la véracité des rares informations distillées, s’oppose presque point par point à la version américaine, ou, plutôt, aux versions américaines successives de l’événement…

Selon les informations données à la presse par un agent du renseignement pakistanais, parlant jeudi dernier sous les conditions de l’anonymat à des journalistes pakistanais, ce n’est pas une épouse mais trois qui vivaient avec ben Laden dans la propriété fortifiée qui hébergeait aussi treize enfants dont huit de ben Laden. Les témoins survivants du raid ont été interrogés par les services pakistanais, mais la CIA n’a pas été autorisée à les rencontrer. Ces commentaires, destinés selon tout évidence à être diffusés par la presse, ont été confirmés par un autre haut responsable militaire pakistanais, s’exprimant sous les mêmes conditions, à l’Associated Press.

Selon ces commentaires, la situation politique et financière de ben Laden était des plus précaire : depuis cinq ou six ans, le contrôle de ben Laden sur Al Qaeda s’était considérablement érodé. Des disputes d’ordre financier entre ben Laden et l’ancien n° 2 d’Al Qaeda, Ayman al Zawahri, auraient provoqué une scission dans l’organisation au profit d’al Zawahri qui aurait depuis lors la réalité du contrôle de l’organisation et de ses finances – pour tout “trésor de guerre”, il semble qu’on n’ait trouvé qu’un billet de 500 € dans la résidence. C’est une thèse qui peut trouver quelque crédit du fait que la résidence de ben Laden à Abbottabad était “muette” en ce sens qu’elle ne disposait ni de liaisons téléphoniques ni de connexion internet. Difficile, dans ces conditions, pour ben Laden de se tenir exactement au courant de la vie de son organisation et de la diriger. D’où aussi, sans doute, la très rare fréquence des messages audio ou vidéo de ben Laden au cours de ces dernières années. Trop recherché par les Américains, ben Laden, au fond, était devenu un danger pour Al Qaeda. Cette thèse pakistanaise se soutient, d’autant plus qu’il n’est pas interdit de comprendre la confirmation rapide par Al Qaeda – donc par al Zawahri – de la mort de ben Laden, annonce qu’on aurait pu s’abstenir de faire pour entretenir le doute, comme une confirmation de la prise de pouvoir de l’ancien n° 2 sur l’organisation.

Le matériel informatique saisi par les Américains à Abbottabad – ordinateur, clés USB –, a donné lieu au FBI et au ministère de la Sécurité intérieure de communiquer sur des projets d’attentats sur le territoire américain. L’opération visant à faire dérailler un train pour marquer le dixième anniversaire du 11 Septembre, a fait la une des médias américains, mais le dossier trouvé sur la mémoire informatique ne semble pas avoir été mis à jour depuis février 2010…

Les autorités pakistanaises affirment n’avoir trouvé sur place pour tout arsenal qu’un fusil AK-47 et un révolver. Selon eux, une seule cartouche aurait été tirée par les occupants de la résidence. L’argument de « l’échange de coups de feu » entre occupants et assaillants semble, si je puis dire, prendre du plomb dans l’aile… Les occupants ont été “stupéfaits” par l’usage de bombes ou de grenades incapacitantes – soufflantes, éblouissantes… – par les commandos, selon les dépositions des épouses de ben Laden et des enfants aux services pakistanais. Il n’y a donc pratiquement pas eu de résistance des assaillis. Une seule des cinq personnes qui ont perdu la vie dans l’assaut – trois hommes, dont un fils de ben Laden, une femme et ben Laden lui-même – était armée et semble n’avoir tiré aucun coup de feu.

Le gouvernement américain a diffusé une vidéo, et quelques photos qui en ont été extraite, de la chambre de ben Laden après l’opération : elles montrent en effet quelques taches de sang. Ce qu’on croit savoir, c’est que la cinquième épouse de ben Laden – et sa préférée – la Yéménite Amal Ahmed Abdullfattah, qui résidait depuis 2006 dans la villa-bunker, devait partager sa couche cette nuit-là. Elle se serait interposée entre les assaillants et son mari, a été blessée à une jambe, mais a affirmé aux services pakistanais n’avoir pas assisté à la mort de ben Laden. Par contre, une des filles de ben Laden, qui n’était pas dans la chambre a vu la mort de son père. Ce qui laisse imaginer que le “chef” d’Al Qaeda aurait bien pu ne pas être liquidé dans sa chambre mais ailleurs dans la villa au cours d’une poursuite. Les Américains ayant affirmé que ben Laden avait été touché par deux projectiles, un dans le thorax, un autre qui lui aurait explosé la tête, il est possible que, blessé au thorax et grâce à l’interposition de son épouse, ben Laden ait pu fuir cette chambre et ait été achevé ailleurs – ce qui confirme la thèse que le but de la mission n’était pas de l’arrêter mais de le tuer : les morts sont d’un naturel moins causant que les vivants…

Il faut être prudent sachant que les services de renseignement sont des experts en désinformation. Ce n’est pas être “complotiste” que de douter des informations distillées par les officiels américains ou pakistanais. Les Américains ont tout intérêt à faire passer ben Laden comme le grand chef d’Al Qaeda, et sa liquidation comme une grande victoire sur l’organisation terroriste : une plus grande victoire, au plan du renseignement, eut été de l’arrêter et de le faire parler puisqu’il était supposé être au courant de tout sur Al Qaeda… Du point de vue pakistanais, minorer l’influence de ben Laden dans Al Qaeda, en faire un pantin sans pouvoir, permet de justifier le fait que les services de renseignement de ce pays, qui ne pouvaient pas ne pas être au courant de sa présence à Abbottabad depuis tant d’années, ne l’aient pas inquiété et ait laissé les Américains mener leur opération.

Entre bribes d’informations et mensonges où se situe la vérité ? Et la saura-t-on un jour ? La aussi, le doute s’installe…

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2 Comments

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  • olivier robin , 8 mai 2011 @ 14 h 36 min

    Le commentaire de daniel Hamiche n’apporte rien . Son propos est aussi flou que toutes les informations recueillies ici et là. Paris Match ne ferait pas mieux. Il me semble plus important de réfléchir au devenir de l’insécurité terroriste et ne pas donner suites aux propos médiatisés. Nous savons que la désinformation fait loi.
    La politique est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde..PAUL VALERY

  • diego , 8 mai 2011 @ 16 h 10 min

    Excellent article qui ne va pas dans le sens moutonnier de la bien bienpensance des médias français.Chez ces sois disant journaliste aucune volonté de se poser des questions… Circulez il n’y a rien à voir… Il faut suivre la version officielle comme pour le 11 septembre.

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