Monsieur Wauquiez a fait un choix habile pour la tête de liste des Républicains aux élections européennes. François-Xavier Bellamy est un homme intelligent, assez ferme dans ses convictions et sa jeunesse en politique ne l’a pas empêché de faire une bonne campagne. A l’évidence, le président des Républicains comptait sur ce jeune candidat pour rallier un électorat conservateur qui aurait pu être tenté par le vote Rassemblement national ou Debout la France. C’était bien joué.
Toutefois il ne s’agit pas d’une élection uninominale mais d’un scrutin de liste. Or la liste que mène François-Xavier Bellamy est composée d’hommes et de femmes qui sont loin de partager ses convictions. Il faut certes être rassembleur mais les sortants qui siégeaient au groupe du Parti populaire ont largement démontré pour certains leur complaisance à l’égard d’une machinerie européenne devenue folle, voire leur lâcheté lors du vote du rapport l’élue « verte de gauche » néerlandaise Judith Sargentini.
Mais là n’est pas le plus préoccupant. Monsieur Bellamy siégera au groupe PPE dont le président Manfred Weber a déclaré que ses alliés naturels étaient le Parti socialiste européen et les Libéraux. Il serait intéressant de savoir si les électeurs de la droite conservatrice considèrent d’un cœur léger une alliance avec les socialistes européens et les libéraux qui sont porteurs d’une idéologie libérale-libertaire à tendance totalitaire.
Autre question sérieuse: le préambule des statuts du PPE indique que cette formation travaille à construire une Union européenne fédérale. La droite conservatrice est-elle favorable à un Etat fédéral européen ? De surcroît, dans la réalité, il s’agit d’un Etat centralisé habité par une furie réglementaire et qui ne laisse aucune marge de manœuvre aux Etats membres dans les compétences qui lui ont été cédées. Le débat Europe fédérale ou Europe confédérale est depuis longtemps dépassé.
Qu’est donc devenue l’Union européenne telle qu’elle est a été voulue par le PPE qui, depuis des décennies, a soutenu les divers présidents de la Commission européenne et les politiques qu’ils menaient ? De quelle idéologie est-elle porteuse ?
L’idéologie néolibérale mondialiste est le fil directeur de la politique actuelle de l’Union européenne. Son projet essentiel est la réalisation d’un grand marché unique de 500 millions de consommateurs, largement et naïvement ouvert à la concurrence mondiale, supposé apporter la prospérité et l’emploi. Ce mantra, répété à longueur des préambules des projets de directives et autres stratégies de la Commission, a toujours été démenti par les faits dans la plupart des Etats membres. La politique de libre échangisme systématique a surtout entraîné une large désindustrialisation de l’Europe au profit de concurrents qui ne supportent ni nos charges fiscales et sociales, ni les règles environnementales et sociales qui sont imposées, notamment par l’UE.
A but essentiellement économique, l’Union européenne ne s’est jamais voulue une Europe puissance, contrairement aux discours répétitifs sur ce sujet. Mais, pire encore, elle nie ce qui est la seule réalité profonde et humaine de l’Europe : sa civilisation dont les racines sont principalement grecques, romaines et chrétiennes. Non seulement elle nie cette réalité mais encore elle souhaite l’éradiquer, l’effacer des esprits.
Sur le plan sociétal, elle communie avec ferveur à toutes les lubies politiquement correctes venues des Etats-Unis, de la théorie du genre à la dictature des minorités, de l’hystérie climatique au féminisme le plus excessif, de l’encouragement systématique de l’immigration à la déconstruction sociétale. Elle en vient à prétendre contrôler les opinions et à réduire la liberté d’expression sous le prétexte de lutter contre les fausses nouvelles et de prétendues discriminations.
Sur le plan politique, elle n’admet l’alternance qu’entre formations qui partagent les mêmes orientations et poursuit de sa hargne les Gouvernements qui ne partagent pas l’idéologie libérale-libertaire et les menace de sanctions financières, voire de la perte de leur droit de vote au Conseil européen. C’est, en fait, le règne de la connivence entre libéraux-libertaires du PPE, du PSE, des Libéraux et des Verts. Un peu plus à gauche ou un peu plus au centre, les oligarques se partagent les responsabilités pour parvenir à créer un Etat européen qui intervienne en tous domaines, organise la police de la pensée, et bâtisse une « fabrique du consentement » afin d’amener les peuples à accepter des politiques qui leur sont contraires.
Or les élus de la liste LR siègeront au groupe PPE et rien n’indique qu’ils auront la volonté ou la possibilité d’opérer un renversement des choix politiques constamment poursuivis par cette formation. De surcroît, le passé des Républicains, autrefois UMP, n’incite pas à une confiance excessive. Est-il besoin de rappeler que c’est Nicolas Sarkozy qui a commis la forfaiture, avec la complicité de sa majorité et de l’opposition socialiste, de faire adopter par voie parlementaire la copie à peine affadie du projet de constitution européenne rejetée par le peuple français?
Aujourd’hui, la vraie alternative dans l’Union européenne n’est pas entre le PPE et le PSE qui ont la même conception uniformisatrice et technocratique de la construction européenne et qui partagent au fond la même idéologie néolibérale mondialiste. Mais elle est entre ceux qui refusent cette vision déracinée d’une Union européenne dont le vrai but est de ployer l’Europe aux exigences de la mondialisation mais qui veulent bâtir une Europe enracinée dans sa diversité culturelle et historique qui soit une Europe de projets communs et non d’uniformisation étatique, et ceux qui veulent poursuivre les politiques actuelles, en dépit de leur échec et du fossé qu’elles ont creusé entre les peuples et le projet européen.
L’enjeu est donc d’envoyer au Parlement européen le plus grand nombre de députés euro-critiques et réformateurs afin d’être capables de réorienter les politiques européennes et de bloquer les initiatives de la Commission ou de l’alliance PPE/PSE/Libéraux/Verts contre les Etats membres qui entendent préserver leur liberté, c’est-à-dire leur souveraineté. Les vrais amis de l’Europe ne sont pas ceux qui le proclament haut et fort et qui, dans les faits, n’ont cessé de décevoir les peuples et de les amener à se détourner de l’ambition européenne. Il est donc impossible, lorsque l’on a conscience de la réalité des enjeux européens de voter pour la liste des Républicains. C’est l’assurance d’être trahi comme la droite conservatrice l’a si souvent été. Mais, au fond, peut-être aime-t-elle ça ?
Stéphane Buffetaut
Ancien député européen
Membre du CES européen
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