Pas de doute, l’extrême-droite est partout !

Cela faisait des mois qu’on s’en doutait, dès les premières manifestations des Gilets Jaunes, mais ce sont les récents débordements sur les Champs-Elysée qui ont éclairé sans le moindre doute la situation française : de façon absolument certaine, la République est maintenant terriblement menacée par l’extrême-droite.

Les choses ont mis un peu de temps à se cristalliser, mais il ne se passe plus guère une journée sans qu’enfin, le vrai coupable soit définitivement désigné lorsque quelque chose tourne mal dans le pays (et même ailleurs).

Le terroriste de Christchurch ? Quand bien même il se revendique lui-même éco-fasciste, quand bien même il prend pour modèle la République Populaire de Chine actuelle, il s’agit sans nul doute d’un militant d’extrême-droite. D’ailleurs, les enquêtes sont formelles : puisque tout est parti de forums et de plateformes non-censurées (et donc de facto d’extrême-droite) alors notre terroriste en est aussi.

Renaud Camus, Zemmour ou Finkielkraut sont régulièrement présentés comme des intellectuels de l’extrême-droite sinon la plus conservatrice, parfois la plus dangereuse. Avec une souplesse surprenante, on apprendra d’ailleurs que si l’on s’en prend à Finkielkraut, on est d’extrême-droite comme l’a clairement expliqué Benjamin Griveaux, l’actuel porte-parlote du gouvernement.

Les « Gilets jaunes » sur les ronds-points ? Infiltrés par l’extrême-droite, pardi. Tout de noir vêtus, qui brûlent un restaurant et saccagent des vitrines sur les Champs-Elysées ? Ce sont là encore, entre deux drapeaux rouges et noirs, devant l’un ou l’autre A encerclé, d’évidents militants de l’extrême droite, tous comme les Black-Blocs.

Dans le même registre, on ne s’étonnera pas de trouver de vraies convergences de tous ces précédents individus avec Donald Trump ou Jair Bolsonaro, ainsi que Marine Le Pen, Vladimir Poutine ou Viktor Orban. Coîncidence ? Je ne crois pas ! Tous ces gens sont forcément d’extrême droite, pardi !

Le gouvernement français, la presse, les médias en général qu’ils soient français ou du reste du monde, tous s’accordent sur un constat, terrifiant si l’on y réfléchit froidement : chaque jour qui passe voit s’étendre la grande nébuleuse internationale de l’extrême-droite, occulte et tentaculaire, qui menace le vivre-ensemble de nos belles démocraties européennes.

Ce n’est pas compliqué. Dès lors qu’une opinion diffère des avis officiels dispensés par les médias et le gouvernement, on ne peut qu’être poussé à l’évidence : c’est un coup de l’extrême-droite, d’une façon ou d’une autre. Dès qu’un désaccord fait jour, dès qu’une opposition s’exprime, c’est une résurgence de l’extrême-droite.

L’opposition au gouvernement n’est plus une simple critique, c’est progressivement devenu une menace pour la démocratie, et une place dangereuse laissée au discours séditieux. D’édito de presse enflammés en chroniques ciselées, l’opposition au gouvernement n’est plus qu’un populisme de plus en plus dangereux et lorsqu’il va trop loin, lorsque le populisme se fait même populaire et rencontre du succès, lorsque le « fact chekcing » et autre « décodage » ne parvient pas à calmer le jeu, alors, c’est très simple : c’est l’extrême-droite !

C’est tellement simple que c’en est devenu simpliste, caricatural même.

Il n’y a plus de nuances, il n’y a plus d’analyse. Les anathèmes « raciste », « antisémite » et bien sûr « facho » sont devenus les ingrédients indispensables de toute Pensée Complexe™ débitée comme de la saucisse industrielle sur tous les médias, à toutes les heures de grande écoute. On appliquera l’étiquette d’extrémiste de droite dès qu’on le pourra et on saura trouver d’amples périphrases et des ellipses habiles pour tous les cas où ça ne pourra pas marcher, depuis le malencontreux déséquilibre jusqu’au militant suractif en passant par le jeune très déçu, le frôlement d’incident, le véhicule subitement doué d’une volonté propre ou le quartier timidement émotif.

D’un autre côté, on placera avec une application presque religieuse nos jeunes générations à l’abri de toute exposition à un savoir qui pourrait les perturber. Par un travail de fond long mais systématique sur les élèves puis les étudiants qui, une fois devenus eux-mêmes enseignants, pourront perpétuer le non-savoir devenu ancestral, on formera les esprits à cette dialectique étrange où tout se vaut, où les oppresseurs sont forcément des Hommes Blancs mais où les Races n’existent pas, où le sexisme est à sens unique, où la différence est glorifiée mais où tout le monde est parfaitement égal.

À la fin, les bases ne sont plus connues ni comprises. À la fin, l’inculture règne et tout se vaut. À la fin, le gloubiboulga est total, chimiquement parfait.

Je vous encourage à écouter les deux premières minutes et trente secondes de la vidéo suivante pour voir où je veux en venir :

En pratique, les mots ont été tellement torturés et vidés de leur sens, les étiquettes tellement distribuées à la volée, les anathèmes mitraillés sur les opposants qu’il ne reste plus qu’un magma gluant de concepts inopérants valables pour tout et n’importe quoi. Dans ce bouillon épais, l’extrême-droite semble partout, couvre tout le spectre des demandes populaires qui ne sont pas portées par le Camp du Bien, dont le squelette idéologique est lui-même de plus en plus mou. Les classes jacassantes ont parfaitement réussi à décérébrer une grande partie de la population qui réclame une répression toujours plus forte des éléments perturbateurs mais les comprend voire soutient, qui veut qu’on lutte contre le terrorisme mais réclame qu’on renforce encore l’interdiction d’accès aux armes, qui veut moins d’impôts mais plus de services publics ou qui veut moins d’Etat mais plus d’assistanat.

Les journalistes et les politiciens pleurnichent régulièrement sur la chute constante de leur crédibilité auprès de l’opinion. Mais à force de n’avoir plus qu’un mot pour désigner toutes les opinions politiques divergentes (l’extrême-droite, évidemment) et de n’avoir plus qu’un seul mot pour désigner toutes les causes de tous les malheurs sur Terre (le libéralisme, affublé au besoin d’un préfixe turbo, néo ou ultra), leur capacité d’expliquer le monde et de proposer des solutions opérationnelles au reste du peuple s’est complètement étiolée.

Criant « ultralibéralisme ! », « fachistes d’extrême-droite ! » dès qu’un problème survient dans leur narration, ils passent à présent pour des bouffons…

>H16 anime le blog Hashtable.

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