La présomption et l’arrogance qui ont marqué le début du mandat d’Emmanuel Macron se retournent cruellement contre lui. Vladimir Poutine fut accueilli à Versailles en grande pompe dès Mai 2017. Donald Trump eut l’honneur d’une visite d’Etat couronnée par le Défilé du 14 Juillet, après les Invalides, le tombeau de Napoléon, et le dîner sur la Tour Eiffel. Le nouveau et jeune Président, sûr de lui, rayonnant, se hissant parmi les grands du monde, les recevait à l’ombre du Roi et de l’Empereur, « sommets » de notre histoire. C’était une promesse. On la regarde aujourd’hui comme l’étalage narcissique d’un nouveau riche, qui n’a pas encore fait ses preuves. Bientôt, il en fera trop, se permettra de donner des leçons ou de s’investir en chef de file sur des sujets où il n’est pas sûr que la France ait les moyens que son ambition lui prête. Le 11 Novembre 2018, un président en chute libre dans les sondages n’impressionnait plus ni l’Américain, ni le Russe. Le premier n’avait tenu compte d’aucun de ses avis et n’hésitait pas à lui décocher quelques tweets vengeurs à son arrivée à Paris, pointant sa popularité en baisse et le chômage en hausse. Le second est plus courtois mais son réalisme politique mesure l’estime qu’il nourrit à l’égard de ses partenaires ou adversaires à leur puissance réelle. Celui qui est au pouvoir à Moscou depuis 19 ans avec le soutien d’une grande majorité des Russes ne peut qu’être amusé par l’aérolithe qui traverse le ciel politique français depuis 18 mois et va sans doute s’écraser. Il s’est fendu d’un message de voeux plein d’espoir sur la coopération entre la Russie et la France… comme il l’a fait avec de nombreux autres pays.
Vladimir Poutine a le temps pour lui. Il a la durée qui lui permet d’attendre, et il a le pouvoir d’agir vite. Les démocraties libérales d’aujourd’hui, dépourvues des grands hommes que font surgir les tempêtes, en proie à toutes sortes d’obsessions suicidaires véhiculées par les groupes de pression, et handicapées par la brièveté des mandats et la course folle du spectacle médiatique, sont paralysées. La Russie aura été le seul pays à canaliser le printemps arabe à son profit. La démocratie promise et annoncée avec ravissement par la foule de zozos qui sévissent dans les médias occidentaux, les héritiers de ceux qui se réjouissaient de l’entrée des Khmers rouges à Phom-Penh, n’a pas laissé place aux dictatures islamistes. Au mieux, les pays arabes sont revenus à la case départ, avec une menace terroriste accrue. Au pire, la guerre civile s’est déchaînée, comme en Syrie, en Libye ou au Yémen, en raison du soutien apporté aux factieux par l’étranger. Dans un premier temps, les Occidentaux ont confondu démocrates et islamistes. Les Russes n’ont pas commis cette erreur. Leur soutien constant à Bachar Al-Assad en Syrie est couronné de succès. L’Etat syrien est chaque jour davantage réintégré à la communauté internationale. La Russie est le seul pays qui, au Moyen-Orient, parle avec tout le monde, respecté parce qu’il a montré par sa fidélité et sa force qu’on pouvait compter sur lui. Depuis son arrivée à l’Elysée, l’ancien ministre de l’économie de Hollande, a multiplié les gestes et les discours, en se voulant plus ferme et plus nuancé « en même temps » que son prédécesseur. Il ne faisait plus de la destitution de Bachar Al-Assad un préalable, mais il considérait que celui-ci était l’ennemi du peuple syrien et devait répondre de ses crimes devant la justice internationale. Il voulait enfin « construire la paix en Syrie », mais avait tenu à montrer que, lui, contrairement à Hollande, n’hésitait pas à bombarder l’armée syrienne soupçonnée d’avoir utilisé des armes chimiques. Que reste-t-il de ces rodomontades ? Les Américains vont quitter la Syrie. Assad est toujours le maître de Damas. Il lui reste à reconquérir la poche d’Idlib et les régions tenues par les milices kurdes. C’est un processus qui sera mis en oeuvre sous le double parrainage de la Russie et de la Turquie.
Le Président français avait aussi tenté de se faire entendre, mais cette fois face au Président américain sur d’autres questions comme la lutte contre le changement climatique. Ses interventions nombreuses sur le sujet qu’on peut résumer à la pique lancée contre Trump, en anglais : « Make our planet great again », qui détournait une formule de ce dernier en remplaçant l’Amérique par la planète, avaient pour but de le consacrer en champion mondial de la cause écologique. Mais depuis le sommet parisien de Décembre 2017 jusqu’au titre de « Champion de la Terre » décerné à M. Macron en Septembre 2018, là encore le verbe n’avait pas su cacher l’échec. Le ministre-écran, Nicolas Hulot, est parti. L’action ne suit pas les discours. Une pétition est depuis peu lancée pour soutenir un recours devant la justice contre l’Etat français pour inaction face au réchauffement climatique parce qu’il n’aurait pas respecté ses engagements. Tandis que pour beaucoup, les impératifs écologiques du gouvernement se limitaient à être des arguments pour taxer davantage, on peut constater de manière plus générale que le choix de ce combat, apparemment flatteur et bien perçu par les milieux branchés et médiatiques, était malencontreux. Dans ce domaine, la France est un pays exemplaire grâce au nucléaire, et comme elle produit peu de gaz carbonique et connaît une situation économique fragile, ses marges de manoeuvres sont très limitées. La pétition demandant à la fois la réduction des énergies fossiles et du nucléaire est absurde. Elle a reçu plus de 2 millions de signatures : bel exemple d’arroseur arrosé qui doit bien faire rire à Washington….