Beaucoup craignent que le mouvement des Gilets jaunes ne porte atteinte à l’image de la France dans le monde dont on suppose que le président Macron l’a relevée avec brio.
Ce serait oublier que cette image n’était déjà pas très brillante. Avant même cette révolte, la politique étrangère de Macron s’était avérée déplorable.
Pour commencer, il s’est mis à dos trois grands partenaires : les États-Unis, la Russie, la Grande-Bretagne et un nombre important d’autres pays en Europe et dans le monde.
Le président Trump ne peut pas ne pas considérer avec méfiance un président notoirement proche des réseaux Obama–Clinton qui lui fait une guerre de tous les instants. Macron en partage les principaux présupposés : mondialisme, bienfaits de l’immigration, attitude entièrement positive pour l’UE et l’OTAN, orientations libertaires (auxquelles Trump, qui n’est certes pas un moraliste patenté, a cependant mis fin par ses nominations la Cour suprême). La visite du jeune président à Washington au printemps 2018, ignorée de la presse américaine comme un événement insignifiant, avait été célébrée comme un succès par une presse francise complaisante. La désinvolture de Trump l‘égard du président français était pourtant visible. Ayant déclaré avoir convaincu Trump de maintenir ses forces en Syrie, il s’est attitré un démenti cinglant.
Malgré quelques ronds de jambes, Macron n’est pas très pris au sérieux non plus par Poutine dont il ne partage aucune de convictions. Alors que Fillon avait laissé espérer la levée des sanctions frappant la Russie, Macron n’a même pas esquissé un geste dans ce sens. En Syrie, la volonté de Macron de maintenir une présence l’OTAN et donc de prolonger l’état de guerre exaspérerait sans doute Poutine si le président français qui veut y prendre la relève des États-Unis avait le moyens de le faire de manière significative. Mais l’hostilité est là : encore plus que leurs prédécesseurs, Macron et Le Drian s’en tiennent à une rhétorique anti-Assad et donc antirusse. C’est en vain que notre pays tente d’être admis au processus de paix d’Astana : malgré d’assez bonnes relations avec Israël, la France de Macron, en raison des fautes de ses prédécesseurs et des siennes propres, pèse désormais peu au Proche-Orient. Qui ne voit au demeurant que les options du président russe, fondées sur l’affirmation nationale, les valeurs morales et religieuses sont exactement inverses de celles de Macron ?
La France, au travers du commissaire Barnier, en pleine communauté de vue avec le président français n’a cessé de mettre des bâtons dans les roues à la négociation du Brexit. On doute que les Britanniques nous en soient reconnaissants.
Faire l’Europe contre les Européens
Macron a de grandes ambitions pour l’unité de l’Europe, mais il a commencé par se mettre à dos tous ceux qui ne les partagent pas, le groupe de Visegrad, l’Autriche, l’Italie, moins par ces divergences elles-mêmes que par son arrogance et ses propos offensants. Était-il nécessaire de les invectiver du haut d’un moralisme d’autant plus hypocrite que la France n’a pas plus qu’eux, voulu accueillir l’Aquarius ? Les initiatives de Macron en Libye, justifiées dans leur principe, ne pouvaient qu’échouer dès lors qu’il a voulu court-circuiter l’Italie l’ancienne puissance coloniale. Un Européen cultivé connait la susceptibilité ancestrale de nos voisins transalpins à l’égard de la France ; Macron est un Européen mais pas cultivé.
Sur le continent africain, le nouveau président dont des proches ont affirmé que le mot francophonie lui fait horreur, cache mal son indifférence. Son discours de Ouagadougou était presque aussi maladroit que celui de Sarkozy à Dakar. Les deux avaient en commun une ignorance abyssale des réalités de ce continent, et une fascination qu’on ne peut que juger malsaine pour Paul Kagame, président du Rwanda qui est non seulement responsable de plusieurs millions de morts (dix fois plus environ que le premier génocide auquel il se targue d’avoir mis fin), mais de plus insulte la France et l’armée française à jet continu depuis 25 ans. Qu’ont pensé les Africains en voyant Macron faire une campagne active pour que la candidate de ce dictateur sanguinaire antifrançais soit portée à la tête de la francophonie ? « Poignez vilain , il vous oindra » : suffit-il de donner des coups de pied au derrière de la France pour qu’elle s’aplatisse ? Autre leçon : les grands discours des Occidentaux sur les droits de l’homme en Afrique sont totalement hypocrites. La communauté congolaise de Paris, elle, a été furieuse. La France a abandonné la Centrafrique. La Russie s’y installe à sa place : on s’en étonne à l’Élysée et on multiplie les contorsions pour revenir, non sans quelques maladresses de Mme Parly.
Le cas Kagame n’est pas un cas isolé. Tout se passe comme si Macron se trouvait des affinités avec les ennemis de la France et au contraire détestait les amis traditionnels de notre pays : Pologne, Russie, Chrétiens d’Orient (qui ne demandent que le retour de la paix en Syrie).
Comme la haine de soi (ou du pays que l’on incarne) est un sentiment ignoré hors de l’Europe occidentale, Macron qui ne manque aucune occasion de dénigrer les Français dans les pays étrangers y apparaît comme un extraterrestre. Dans la jungle internationale, ceux qui ne défendent pas bec et ongles leurs intérêts nationaux sont méprisés. Qu’en est-il de l’opinion des Chinois qu’il est allé voir ? On craint de le savoir.
Idéologie et haine de soi
Une des formes de la haine de soi est l’idéologie. Celle de Macron est assez claire : la priorité n’est pas pour lui de défendre les intérêts de son pays, comme il en a reçu le mandat, mais de promouvoir la religion européenne, selon une conception supranationale qui, à l’heure du Brexit et du retour des nations, apparait singulièrement déphasée. C’est de là que découle sa complaisance pour la proposition extravagante que la France cède à l’Europe son droit de véto au Conseil de sécurité. Il enrage contre les pays et contre les peuples qui, de plus en plus nombreux, ne veulent plus de cette Europe-là. Les idéologues ayant l’injure facile, ce refus est tenu par lui pour une « lèpre ».
Il tente de mettre l’Allemagne dans son jeu. Elle est le le seul pays avec lequel il n’ait pas de sérieuses difficultés, ce qui est assez facile dès lors que, comme avant lui Hollande, il s’aligne sur la chancelière sur presque tous les sujets. Parti supplier les Allemands de se rallier à son projet d’Europe supranationale, il a reçu une standing ovation au Bundestag. Mais ignorant tout de l’histoire et du caractère allemand, il ne mesure sûrement pas l’art de « finasser » (finassieren) de nos amis d’outre-Rhin toujours prompts à appuyer les idées généreuses (la paix au temps de Stresemann, l’Europe aujourd’hui) mais n’oubliant jamais de soustraire discrètement les marrons du feu. Les Allemands, à qui tout idée de solidarité financière fait horreur, profiteront sans doute de la bonne volonté du président français pour, sous couvert d’Europe de la défense, reconstituer à notre détriment, avec l’accord désolant de Macron, leur potentiel dans l’industrie d’armement : déjà le futur char européen, bientôt les constructions navales, en attendant les avions de chasse et l’arme nucléaire.
Il reste que la vision que Macron a exposée au Bundestag : un bloc continental ouest européen dominé par l’Allemagne (il ne ne l’a pas dit mais cela va de soi) avec une armée européenne, antagoniste de la Russie (cela, il l’a dit) mais aussi des États-Unis et de la Grande Bretagne, poussant même jusqu’à l’Ukraine, ne peut que rappeler de mauvais souvenirs, même si elle a peu de chances de se réaliser !
En politique internationale comme dans les rapport entre les personnes, il faut « aimer son prochain comme soi-même ». Si Macron voulait que la France soit aimée et respectée dans le monde, il aurait fallu qu’il commence par l’aimer et la respecter lui-même.
Roland Hureaux
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