Année charnière : ainsi à chaque rentrée scolaire, ce refrain entendu lors des réunions de parents d’élèves tend plutôt à faire sourire.
Pourtant si nous considérons la masse des événements et des évolutions survenues dans le monde, en Europe et dans la vie sociale française en cette année 2017, il semble difficile de prétendre en évacuer l’ampleur et la portée.
Qu’il s’agisse en France des craquements sans précédent de l’État central jacobin, ou, dans le monde, de la remise en cause, par la voix de Donald Trump lui-même, de l’influence dominante des États-Unis, que de bouleversements se sont affirmés ou annoncés.
Impossible d’en établir une liste à prétention exhaustive dans le cadre d’une chronique telle que celle-ci.
L’année qui vient de s’écouler aurait pu être marquée aussi par une évocation enfin véridique du centenaire du coup d’État bolchevik du 7 novembre 1917. Ce tournant n’a pas été pris lors même que plus personne ou presque n’envisage plus sérieusement son incidence comme inspiratrice d’un modèle.
L’Histoire officielle, celle des bobos conformistes, n’ose pas toucher aux dogmes des adversaires de la Liberté : ceux-ci parlent encore rituellement de la révolution d’Octobre, comme s’il s’agissait d’un beau souvenir romantique. Dès lors s’écarter de cette convention de langage expose le contrevenant à se voir taxer de dérapage, c’est-à-dire de la pire atteinte au conformisme bobo.
Cela n’a pas évolué, en 2017, ou pas dans le bon sens, car cela s’aggrave.
Les circonstances un peu particulières dont votre chroniqueur a lui-même, vécu, survécu, cette année 2017 auront au moins entraîné, pour lui, cependant, un petit avantage : n’avoir pas encaissé de trop près toutes les horreurs, toutes les médiocrités, toutes les saletés accumulées en France et en Europe au cours de ces longs mois.
Et, plutôt que de faire la revue de détail de tous nos sujets de mécontentement, et bien souvent d’indignation légitime, observons les symptômes d’une marche vers l’abîme hélas trop vraisemblable. On peut y voir l’œuvre de poisons qui rongent l’ensemble de nos identités nationales dans tout le continent.
Noël, oui Noël, nous en donne un exemple éclatant. Cette fête de la victoire de la lumière sur les ténèbres, fête qui vient du fond des âges et que l’Occident chrétien, au cours des siècles, avait su placer au centre de sa vue du monde, et devenir la fête des familles. Elle est aujourd’hui pourchassée par l’État républicain au nom de son interprétation actuelle de principes qui se veulent laïcs et obligatoires. Inutile de rappeler les décisions de justice, les déclarations politiques confinant au ridicule, les censures de langage : plus de “bon Noël”, juste “bonne fêtes”, etc.
Comme au début du XXe siècle, comme à l’époque de la persécution anticléricale portée à incandescence sous le gouvernement Émile Combes (1902-1905), le laïcisme se montre sous son vrai jour. Il agit clairement contre la Liberté.
Il a pourtant fallu attendre une révision constitutionnelle du 4 août 1995, sous la présidence Chirac, pour que l’article 1er de la Constitution de 1958 nous apprenne désormais que “la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.”
Cette définition peut sembler anodine et on imagine mal que Dieu l’ait confiée à Chirac sur le mont Sinaï.
Or, elle conduit dans la pratique à retourner complètement l’esprit dans lequel avaient travaillé un Michel Debré ou un René Capitant lors de la rédaction du texte constitutionnel de 1958. Celui-ci ne considérait nullement la loi de séparation de 1905 comme un pilier dogmatique du régime politique naissant.
Depuis le vote de la loi Barangé de 1951, le comité d’action laïque était clairement devenu un prétexte pour le PCF et pour ses cryptos agissants au sein du grand orient, d’appeler à l’union de la gauche, et une machine à détruire la IVe république.
On aurait éprouvé alors les plus grandes difficultés à définir, de façon précise, même l’adjectif laïc. La grande inquiétude des laïcistes du moment se focalisait sur la rumeur d’une aide substantielle qu’on pensait promise à l’enseignement privé catholique au gré du régime des contrats. Celui-ci dure encore. Mais en fait il a surtout permis d’affadir grandement le message des grands collèges libres d’autrefois où les brillantes traditions pédagogiques ignaciennes, mais aussi oratoriennes, mais aussi protestantes, dominicaines, etc. pouvaient rivaliser dans une honorable émulation.
Appelons les choses par leur nom : le projet laïciste n’est pas d’arracher la jeunesse à un cléricalisme qui n’existe pas, mais un prétexte pour effacer toujours plus sauvagement et cyniquement les traces de la France identitaire traditionnelle et du christianisme en Europe.
Qu’un tel projet se développe sous Macron, un homme qui se veut au-dessus de la droite et de la gauche, mais qui se refuse au geste le plus respectueusement banal lors d’un enterrement catholique, voilà qui ne dément aucune de ses inquiétantes et récurrentes prises de position dans les questions que l’on dit aujourd’hui sociétales, celles qui marquent dans le long terme, beaucoup plus que l’économie, le destin des peuples.
> Jean-Gilles Malliarakis anime le blog L’Insolent.