Jupiter est en vacances. Avec Junon, on est sur l’Olympe, mais façon people, dans la station de sports d’hiver de l’enfant élu, plus tard chouchou d’un de ses professeurs, qui aime beaucoup la montagne aussi. Et pendant qu’on affiche sans complexe sa façon de vivre « classe moyenne supérieure », sensible à la réussite, moralement libérée, mais exigeante quant au style de vie, on continue à cligner de l’oeil vers la droite, enfin vers le centre-droit, ceux que René Raymond appelait « les orléanistes », afin qu’ils rejoignent, si ce n’est déjà fait « les opportunistes », c’est-à-dire « La République en Marche ». Notre époque a trouvé son général Boulanger, mais il a été élu, contrairement à son malheureux prédécesseur. « Ni gauche, ni droite, l’intérêt national avant tout » sont des slogans affichés « en même temps » que des promesses sont lancées sans qu’on se préoccupe trop de savoir si elles sont tenues. Rarement un homme politique aura bénéficié d’un contexte plus favorable. Sur le plan international, il jouit de trois contrastes qui le mettent en lumière. C’est d’abord l’anti-Trump. Alors que celui-ci a réalisé la victoire populiste la plus marquante et continue un parcours stigmatisé par les progressistes et l’immense majorité des médias, qui lui reprochent tout, ses twitts, son golf, son style, sa prétendue connivence avec Moscou, son incorrection écologique, et sa relance économique à leurs yeux dangereuse, Macron est l’enfant sage de l’oligarchie internationale, attachée aux « progrès » sociétaux, installée chez elle dans les instances mondiales et européennes, et favorable à une économie ouverte, dégagée de tout patriotisme désuet. Inutile aussi d’évoquer les autres grands du monde qui ne figurent pas dans les rangs vraiment fréquentables des démocraties dites libérales, quand la Russie ou la Chine sont accusées de maintenir les mauvaises habitudes d’un autre camp et d’un autre temps. En Europe, enfin, les situations difficiles sur le plan politique des autres pays les plus importants jouent également en sa faveur : Angela Merkel cherche une majorité perdue. Le Brexit enveloppe le Royaume-Uni d’une brume plus tenace qu’à l’ordinaire, et Thérésa May semble accablée par la malchance au point d’en perdre la voix sans avoir trouvé celles qu’elle espérait. Rajoy reste encombré par l’insoluble question catalane. Les Italiens retournent aux urnes. Bref, si n’était l’agacement provoqué par les réticences souverainistes de l’Europe centrale, le bon élève de l’Union, le défenseur inespéré du fédéralisme, élu dans un pays qui ne s’y prêtait guère, jouit d’une situation stratégique enviable.
En digne disciple de Machiavel, il a conquis le pouvoir par la ruse, l’assume avec une force de caractère jupitérienne, qui, une fois encore, est soulignée par la médiocrité de son prédécesseur, et cerise sur le gâteau, la fortune est son complice, la chance au sens que donnait le penseur florentin à ce mot, et sans doute l’autre aussi. Cela aide quand on fait de la politique à ce niveau. Malgré les résistances syndicales, l’automne n’a pas connu les manifestations et les grèves attendues. Le droit du travail est fluidifié, la fiscalité modifiée. La droite « d’avant » a du mal à réagir puisque mobilisée par l’urgente question de son élection interne, elle est restée dans la sémantique de « la droite et des valeurs », tout en voyant avec dépit certaines mesures dont elle n’avait pas eu le courage votées sans vergogne par une majorité de centre-gauche, composée en partie de députés socialistes acharnés dans le passé à bloquer toute réforme similaire proposée par la droite au pouvoir. En cadeaux de fin d’année, une baisse du chômage et un budget 2018 sans censure du Conseil Constitutionnel, sont venus décorer la table du réveillon pour le passage à l’an nouveau.
Cette féerie politique jouit d’une mise en scène et d’un éclairage exceptionnels de la part des médias qui ont trouvé leur homme, celui des patrons qui voient dans ce banquier un véritable collègue de travail, qui comprend les choses, et celui des journalistes, superficiels et d’esprit libertaire, qui se sentent proches de ce jeune homme brillant qui fait le travail à leur place. C’est évidemment là que le bât blesse. On ne parle jamais tant d’une information qui décrypte ou décode, que quand elle se limite le plus souvent au cirage de pompes personnel et idéologique. Il est bien, puisqu’il pense comme eux. Alors on évacue les détails. Tandis que Jupiter fait du ski sur l’Olympe avec Junon, on a tort d’oublier sa promesse de ne laisser personne dans la rue à la fin de l’année, on devrait scruter davantage les chiffres du chômage qui s’améliorent, comme dans tous les pays européens, à part l’Italie qui sortira prochainement du socialisme. Le chômage de longue durée augmente, et celui des seniors aussi sur une durée de trois mois. Or c’est à ce moment que l’on apprend l’accroissement du contrôle et de la pénalisation des chômeurs ainsi que l’annonce d’une rupture conventionnelle collective chez PSA. Le Conseil Constitutionnel a laissé passé le budget dans l’ambiance des Fêtes, alors que les mesures fiscales, la suppression partielle de l’ISF pour les valeurs mobilières, ou l’exonération de la Taxe d’Habitation jusqu’à un certain revenu, posent à l’évidence le problème de l’égalité devant l’impôt. Pour séduire l’électorat de droite, toujours sensible à l’ordre, on charge M. Collomb de renforcer le contrôle de l’immigration et l’accélération des expulsions. On ne doute pas de son empressement à mettre en oeuvre cette politique contre l’immigration illégale qui rencontre sur les bancs de la majorité moins d’enthousiasme que la chasse aux chômeurs abusifs… Ces derniers risquent de voir leurs allocations disparaître. Les immigrés reçoivent 2500 Euros pour « rentrer » chez eux, grâce à l’effort du bon M. Collomb, accompli en toute discrétion dans la torpeur du mois d’Août. Tire-fesses pour les uns, remonte-pente pour les autres, qui n’auront plus qu’à effectuer la descente vers notre accueillant pays. On attend l’éclatement de la bulle médiatique. Elle ne risque pas de se produire si l’opposition se réduit aux insoumis. On espère que la vraie droite sortira en 2018 de la léthargie où l’a plongée l’élection présidentielle.