Réaction d’Henri Dalbos, chroniqueur au Quotidien de la Réunion, à une tribune d’André Pouchet intitulée “On ne joue pas impunément avec la nature” :
Et le naturel revient au galop malgré le culturel. Il semblerait que le courriériste qui nous affirmait « on ne joue pas impunément avec la nature » ait oublié totalement et malhonnêtement les arcanes de la nature, de sa génétique que l’on découvre péniblement, et de son héritage qui reste bien confus.
Alors pour s’en sortir la tête haute, on coupe court et l’on « s’emmoralise » dans le confort du « naturel » qui a toujours été comme ça, concept fort spécieux mais qui a ses farouches adeptes. Et pour contrer l’homosexualité « naturelle » on va chercher du côté des enfants et de leur fabrication.
Brave courriériste caché dans son slip, terré dans ses certitudes, vissé dans sa morale et qui agite comme des chiffons rouges la procréation (PMA) et la gestation (GPA) pour faire de la peur qu’il veut insuffler un argument incontournable, une vérité grand V. Et puis cette manie maniaque de vouloir à tous prix que l’autre soit comme l’on est, que l’autre pense comme l’on pense, que l’autre soit dans le droit fil de sa propre pensée. N’est-ce pas là aussi une forme sournoise de xénophobie, comme si les homosexuels étaient une race maudite et que leurs revendications n’étaient que des subterfuges, une volonté perverse de saper l’hétérosexualité ?
On croit rêver mais hélas on ne rêve pas et « le vivre ensemble » devient un gargarisme pour réactionnaire : vivre ensemble à condition de se ressembler ontologiquement ! Pas question d’être ou de faire autrement que d’inoculer la peur de l’autre différent en imaginant les conséquences les plus néfastes pour essayer d’emporter la raison vers soi et de la voler. Tristes sires que ces gens là qui adossent leurs réflexions à la frayeur.
Voici la réponse d’André Pouchet :
Le 20/12, c’est à moi et à ma modeste prose que M. Dalbos a consacré le petit billet spirituel dont il gratifie quasi-quotidiennement les fortunés lecteurs du Quotidien. Quel grand honneur il m’a fait là !
Si j’ai bien compris son propos (car la pensée du maître aime à s’envelopper dans tant de circonlocutions méandreuses que le lecteur le plus attentif en ressort souvent quelque peu déconcerté) il me reproche d’avoir, en rappelant que « l’on ne joue pas impunément avec la nature », cherché « malhonnêtement » à terroriser les pauvres citoyens-lecteurs avec mes apocalyptiques prédictions sur ce qui, à terme, pourra découler du « mariage pour tous » (si celui-ci, bien sûr, était finalement adopté), à savoir la mise en place d’usines destinées à produire des bébés en conformité avec les désidératas de la clientèle intéressée.
Pourtant j’aurais pu, si j’avais voulu dramatiser un peu les choses et frapper un plus grand coup, soit évoquer les anticipations prophétiques d’Aldous Huxley (Le meilleur des mondes, 1932), lequel nous décrit un monde où les bébés ne sont plus fabriqués qu’artificiellement afin de satisfaire aux seuls besoins économiques souverainement déterminés par les maîtres occultes du système, soit rappeler les lebensborn, ces haras humains qui ont, eux, effectivement été mis en service par les nazis (mais à assez petite échelle, il est vrai), afin de faire fabriquer, à partir de reproducteurs soigneusement sélectionnés, les enfants appelés à perpétuer dignement la race aryenne. Mais on m’aurait alors probablement fait un procès en outrance et en amalgames douteux…
Le danger en tout cas contre lequel j’entendais mettre en garde les lecteurs et tous les citoyens, c’était celui d’engager la société dans un chemin au bout duquel la procréation se trouverait plus ou moins totalement autonomisée, physiquement séparée de la filiation naturelle. Ce que j’entendais dénoncer, c’était la substitution qui est subrepticement en train de s’opérer du « droit à l’enfant » au « droit de l’enfant », notamment du droit de l’enfant à bénéficier pour sa croissance et son éducation d’un vrai père et d’une vraie mère, comme en ont eu jusqu’ici, sauf regrettable accident de la vie, tous les enfants du monde. Cela n’était pas, je pense, trop difficile à comprendre et je m’étonne que M. Dalbos n’y soit pas parvenu. Moi qui pourtant, mon cher Dalbos, vous croyais un grand « humaniste », fermement attaché au respect de la personne humaine et ennemi résolu de tout ce qui la dégrade… Là je dois dire que vous me décevez un peu !
« Brave courriériste caché dans son slip, terré dans ses certitudes, vissé dans sa morale », dites-vous de moi dans une de ces belles envolées lyriques dont vous êtes coutumier. Et vous, cher ami, dans quoi vous cachez-vous, si ce n’est dans votre verbiage bien alambiqué et vos jeux de mots plutôt laborieux, dans quoi vous terrez-vous, si ce n’est dans vos propres certitudes bétonnées et votre façon un peu « pionnesque » et toujours goguenarde de faire la leçon aux autres, dans quoi vous vissez-vous, si ce n’est dans votre superbe et impayable arrogance et le sentiment infrangible de votre sacrosainte supériorité ? Ah !, c’est plus facile de délayer du sarcasme et de l’invective à chaque coin de ligne que de proposer une réfutation sérieuse à une argumentation qui, elle, s’était donné la peine d’expliquer précisément en quoi la PMA et de GPA constituaient une menace grave pour l’écologie de l’Homme.
Avant de conclure mon petit plaidoyer pro domo, je tiens à remercier mon courtois mais impitoyable censeur pour toutes les amabilités à mon égard dont il a émaillé son petit sermon, lesquelles – je dois dire – me sont allées droit au cœur. Il me taxe ainsi successivement (je relève au fil de son texte) de malhonnêteté (“oublié […] malhonnêtement les arcanes de la nature”), de xénophobie sournoise (“une forme sournoise de xénophobie”), de démence démente (“cette manie maniaque”), de réaction (“un gargarisme pour réactionnaire”), de tentative d’empoisonnement (“inoculer la peur de l’autre”) et même de vol, il est vrai au sens figuré (“pour essayer d’emporter la raison vers soi et de la voler”). Vous ne trouvez pas que tout cela fait beaucoup pour un seul homme ?
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