En ces temps de confusion extrême, reprendre le titre du premier essai de Bernanos dont le contenu était encore chargé d’une pensée d’Action française non dénuée d’antisémitisme présente un risque. Mais, selon une expression devenue “tendance”, c’est une manière de souligner l’urgence de “renverser la table”. Or, de quel bois est faite cette table, ce support de l’opinion commune ? Son matériau est la peur ! Depuis les débordements observés lors des manifestations des Gilets Jaunes, le bénéficiaire du coup d’Etat médiatico-judiciaire de 2017 veut récupérer la France paisible qui vote au centre parce qu’elle veut sauvegarder sa tranquillité et plutôt au centre-droit parce qu’elle pense y protéger davantage ses intérêts. Cela a justifié aux yeux de beaucoup une répression disproportionnée en termes de blessés et de condamnés, d’autant plus choquante qu’elle s’inscrivait dans une stratégie de provocation et d’incitation à la violence. Les médias accusaient la présence d’extrémistes de droite parce qu’une bannière picarde fleur-de-lysée avait été perçue mais ne s’étonnaient pas de l’irruption au coeur des cortèges de “black-blocs” et autres “antifas” dont les saccages et les agressions de policiers faisaient frémir les “bien-pensants”. La peur de la mort, savamment entretenue par un pouvoir de bout en bout dépassé durant la crise du Covid, a fini de doucher les esprits. Lorsqu’un prêtre ou un professeur se fait égorger par un islamiste, on en est encore aux fleurs et aux bougies, quand la révolte devrait gronder contre un Etat impuissant qui laisse entrer dans le pays les assassins de demain et laisse prospérer en France des zones extra-territoriales où sa loi n’est pas respectée, ni sa police tolérée.
Des différentes peurs qui nous assaillent et cherchent à nous tétaniser, le grand remplacement, la submersion du peuple français par un autre peuple dont témoignent les statistiques des naissances, la subversion de notre civilisation par une forme de culture régressive, constituent le péril le plus imminent et le plus profond puisqu’il revient à faire craindre la disparition de notre “cher et vieux” pays. Pourtant, cette crainte est voilée au profit des autres, celle de la mort individuelle, même lorsqu’elle demeure rare sauf à un âge avancé, celle du désastre écologique qui mobilise la planète sans que les Français y puissent grand chose, si tant est qu’il soit vraisemblable, alors qu’ils sont pour une fois parmi les meilleurs élèves de la classe mondiale, en dépit de ceux qui veulent abandonner le nucléaire au profit de l’illusion du “renouvelable” intermittent. Eric Zemmour est celui qui cible le plus ce danger essentiel, celui qui veut que la France n’ait pas dit son dernier mot. Alors, la manipulation s’est mise à nouveau “en marche”. C’est lui qui désormais doit faire peur. Comme à la manoeuvre une grande partie des médias s’est mise en branle. L’opération est quasi militaire : on bombarde d’abord le terrain, on mine les esprits. On arrête et on condamne à des peines lourdes des “terroristes” d’extrême-droite qui caressaient des projets d’attentats sans en avoir commis un seul, ni même l’avoir sérieusement préparé. On dissout des groupes identitaires mi-folkloriques, mi-politiques, davantage victimes de la violence d’extrême-gauche qu’auteurs d’agressions. Les Antifas qui s’attaquent aux policiers et à leurs véhicules faute de pouvoir empêcher une réunion autour de Zemmour à Nantes ne suscitent pas le même intérêt : Mélenchon n’est pas une menace pour le pouvoir.
L’offensive peut être lancée. Le discours de parade peut alors jaillir des hérauts de la bien-pensance. Qui nous annonce la guerre civile ? Qui est un extrémiste de droite ? Qui remplace Jean-Marie Le Pen comme menace fatale pour la République ? Qui divise le pays au point de provoquer des désordres sur son passage ? Qui est un “polémiste”, radicalisé, et non plus un journaliste talentueux du respectable Figaro et un écrivain à succès passionné d’histoire ? C’est l’abominable Zemmour dont il faut protéger le pays. Le piège peut paraître à l’intéressé comme un atout pour le premier tour de la présidentielle. Mais il risque d’être mortel, car ce n’est pas en quinze jours qu’on efface une caricature gravée en profondeur. Avec l’honnêteté intellectuelle qui le caractérise, l’auteur du “Suicide français” se fait pédagogue : un “radical” n’est pas un extrémiste, mais celui qui va à la racine des choses ou des idées. Zemmour est radicalement français, et en cela il retrouve le gaullisme, l’idée que l’intérêt supérieur de la Nation prime tout en politique et notamment la foi religieuse. C’est ce qui justifie ses réticences envers les double-nationaux qui sont partagés entre deux allégeances. C’est ce qui explique sa volonté de contre-repentance, son désir de refaire du roman national une source de fierté, y compris en réduisant les taches à leur dimension la plus étroite quand d’autres ne cessent de les grossir exagérément. Qu’on se saisisse de quelques analyses en ce sens pour faire de Zemmour un Juif “antisémite” montre qu’il s’agit bien d’achever une caricature manipulatrice. Zemmour n’est dans le fond que ce qu’il dit être : l’incarnation actuelle de l’esprit qui avait animé le RPR à sa naissance, un patriotisme destiné à protéger le pays contre les menaces extérieures et intérieures, le déclin économique et la décadence civilisationnelle.