Tribune libre d’Emmanuel d’Estouteville
Souvent plus prompts à privilégier les commentaires partisans, les médias ont le devoir de représenter plus largement les opinions pour satisfaire réellement à leur réputation de quatrième pouvoir.
Le journalisme français n’est pas réputé pour être le plus factuel, contrairement à la presse anglo-saxonne. Il ne s’agit pas là d’une nouveauté.
La distinction entre les faits et les commentaires telle qu’elle se pratique outre-Atlantique paraît difficilement transposable en France où la presse s’est construite très tôt dans le combat politique partisan.
Certes, l’objectivité absolue est impossible dès lors qu’une information brute est influencée par des paramètres aussi divers que le sujet, le type de l’article, la ligne éditoriale de la rédaction ou tout simplement les pressions extérieures.
Il doit pourtant y avoir un modèle à mi-chemin entre ces deux types de journalismes susceptibles d’accorder une distance critique plus importante entre les faits et l’interprétation des faits.
Ce nouveau modèle plus soucieux des faits aurait l’avantage de laisser au lecteur une marge d’analyse plus importante. Pour cela, encore faut-il considérer le lecteur, tout aussi capable d’exprimer des idées pertinentes.
Il suffit de lire attentivement les forums pour les apprécier. Ils ne sont pas tous aussi avisés. Néanmoins ce cinquième pouvoir reflète un état d’esprit qui tranche souvent assez largement avec l’esprit dominant qui règne dans les articles de presse.
Aux détracteurs qui en doutent, les chiffres et les méthodes d’analyse seront forcément remis en cause mais essayons quand même ! Si l’on en croit une consultation réalisée par Harris Interactive via Twitter pour le magazine Médias, 74 % des journalistes ont voté à gauche au second tour de la présidentielle.
Aux plus sceptiques de ces journalistes, une autre consultation corrobore cette réalité : 100 % des étudiants du Centre de formation des journalistes ont manifesté une sensibilité à gauche lors d’une consultation interne.
Très loin d’être hégémoniques, les journalistes de droite ont pourtant été la cible durant la campagne présidentielle, d’un élu, Jérôme Impellizzieri, conseiller général francilien, qui a divulgué une liste noire d’éditorialistes de droite. Avec un objectif : demander au CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel), de prendre en compte le temps de parole de ces journalistes dans le quota de l’UMP.
Une initiative prise pour riposter à celle de l’élu UMP Geoffroy Didier, qui souhaitait comptabiliser les interventions de la journaliste Audrey Pulvar, par ailleurs compagne d’Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, dans le temps de parole du candidat Hollande…
Si l’on considère le modèle journalistique français, il va de soi que l’immense majorité des journalistes produit une information de gauche. C’est aujourd’hui une réalité que certains d’entre eux parviennent encore à nier.
Faiseurs d’opinions pour les uns, quatrième pouvoir pour les autres, les journalistes jouent indéniablement un rôle qu’il convient de rappeler surtout quand ces mêmes journalistes masquent à peine leurs opinions lors d’émissions financées par le service public.
Quand on sait que la presse, tous secteurs confondus profite de subventions, on est en droit de réclamer un minimum de partialité ou du moins un minimum de respect à l’attention de ceux qui ne partagent pas le même positionnement politique.
À l’heure où Aurélie Filippetti, la ministre de la culture et de la communication annonce l’augmentation de la redevance, la suggestion la plus pertinente et légitime serait de distinguer les journalistes du service public par affinités politiques lors de débats télévisés par exemple. À moins que cela aussi soit discriminatoire ?
Les journalistes ont souvent fait part d’un esprit partisan pendant les cinq dernières années. On s’attend désormais à ce que leur posture soit tout aussi insolente durant les cinq prochaines années, pour que les citoyens éloignés de leurs idées politiques se sentent aussi représentés. Parce que non, le microcosme journalistique bien-pensant n’est pas l’expression du pays…
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