Et maintenant, un droit opposable à la retraite

Français, Françaises, soyez-en sûrs : à tout moment, à tout propos et hors de propos, le gouvernement agit ! Il s’occupe de vous, de la tétine au sapin, vous borde le soir avant de dormir et vous réveille le matin au son du clairon. Il s’occupe de votre éducation, il s’occupe de votre couverture universelle contre les bobos du monde, il s’occupe de votre pension. Et quand il ne s’en occupe pas, il déploie des trésors d’imagination pour vous faire croire qu’il le fait.

C’est ainsi qu’en décembre dernier, on découvrait que l’administration française, précise, rigoureuse et inflexible, merdouillait grave dans l’attribution des retraites de plusieurs départements. Là où la distribution des indispensables émoluments aux nouveaux retraités aurait dû être calée sur le mouvement rapide d’un TGV nouvelle génération, on se rendait compte, surpris, qu’elle prenait plutôt l’omnibus départemental comme référence : des retraités du Languedoc-Roussillon et d’autres de Nord-Picardie se sont retrouvés fort dépourvus quand la bise de la pension fut venue, avec une accumulation invraisemblable de retards dans le calcul et le versement de leurs dus dont la presse, fort discrète, ne se fit guère l’écho que dans un triplet d’articulets particulièrement minces (ici, ou ). Apparemment, plusieurs milliers de dossiers étaient en souffrance.

En début d’année 2015, cela ne se débloquait toujours pas, indiquant que les petits soucis soi-disant passagers devenaient persistants. Manques de fonds ? Afflux de dossiers ? Personnel insuffisant ou incompétent ou les deux ? Leprechaun informatique méchant ? Quoi qu’il en fut, les retraités commencèrent à grogner.

Mais oh, là, du calme ! Nous sommes en République Française et ce genre de péripétie ne saurait durer ! Bien vite, sentant que le problème pourrait devenir sinon électoralement sensible mais au moins socialement dangereux, Marisol Touraine, la ministre en charge du dossier, s’est lancée dans l’une de ces idées lumineuse qui ajoutent immédiatement au problème une grosse farce rigolote : elle vient de créer une espèce de Droit Opposable à la Retraite.

Non, vous ne rêvez pas : par le subtil truchement d’un décret de derrière les fagots du ministère, la ministre vient d’instaurer — je cite — « une garantie de versement d’une pension de retraite au moment du départ en retraite aux assurés qui déposent une demande complète au moins quatre mois avant la date de départ prévue. »

Changement fondamental, bouleversement, que dis-je, révolution ! Les retraités qui vont déposer un dossier d’ouverture de droits à la retraite un peu avant leur départ disposent maintenant d’une garantie de versement. Youpi.

Quelque part, cela fait froid dans le dos, et à plusieurs niveaux.

Le premier, c’est que ce décret laisse apparemment supposer qu’il n’en était rien avant. Autrement dit — et sauf à imaginer que la ministre aurait pondu un décret sans la moindre utilité — sans ce dernier, la pension versée n’avait absolument rien de garanti. Un coup c’était oui, un coup c’était non, au joyeux arbitraire des administrations compétentes (ou pas). Cela laisse quelque peu songeur sur le pacte social gnagnagna qui, en définitive, revient à ponctionner durement les actifs pour payer les retraités (ou pas) : apparemment, les retraites, jusqu’au décret n° 2015-1015, n’étaient pas garanties.

Le second, c’est que tout indique qu’on a ici créé un droit, tout nouveau, tout chaud, tout rigolo (et probablement tout bidon) pour corriger un problème purement technique. C’est exactement comme si — exemple à ne pas suivre, merci — on créait un Droit Opposable Au Courant Électrique dès qu’EDF s’avérait incapable de délivrer du courant pendant deux mois à certains foyers parce que, ah voyez enfin m’dame, enfin bon, c’est compliqué, rapport au turbofluctuateur au niveau de l’injection des vis platinée du fil de rotabidon, ça se répare pas en deux minutes, m’voyez, s’pas, donc faudra attendre encore un peu ma brav’dame, je sais en hiver c’est pas génial mais grâce aux convecteurs gratuits, ça ira mieux, non ? Avec un Droit Opposable Au Courant Électrique, pouf, z’avez immédiatement la garantie d’une tension électrique sur votre ligne. Voilà. Magique.

Mais plus généralement, cette histoire de droit opposable récupéré sous le sabot d’un cheval pour prétendre résoudre un problème de versement de pension montre, encore une fois et de façon aiguë qu’on prend les Français et particulièrement les retraités pour des imbéciles.

Ainsi, s’il suffit d’avoir un droit opposable pour régler le problème de versement des pensions à temps, pourquoi ne l’a-t-on pas fait plus tôt ? Mieux : pourquoi n’invente-t-on pas un droit opposable pour chaque petite avanie que nous font subir des administrations aussi pléthoriques qu’incompétentes, pour lesquelles la perte de dossiers et l’excuse de la pièce manquante — il manque toujours une pièce à votre dossier, toujours — sont l’alpha et l’oméga des bonnes raisons de saboter le service rendu au public ?

Mieux : si le problème provient, comme il nous l’a été expliqué précédemment, d’un afflux imprévu (!) de dossier, en quoi ce droit opposable change-t-il la donne ? En rien, c’est évident et c’est parfaitement grotesque.

Pire : on distribue ici du décret et de la loi, on s’agite et on remue son menton fermement pour que des retraites soient payées, mais la réalité est que ces retraites ne dépendent que de la bonne ponction d’actifs dont le nombre rétrécit et dont la bonne grâce à se faire ponctionner tend à diminuer, nonobstant un consentement à l’impôt en béton armé bien évidemment.

Bref : tout comme le droit opposable au logement qui était et est toujours une parfaite fumisterie inapplicable et intrinsèquement stupide mais cachée derrière une masse si importante de bons sentiments que ce droit est passé comme une lettre à la poste, le droit opposable à la retraite est une blague de très mauvais goût jetée à la face de ceux qui ont travaillé toute une vie pour un montant de pension de plus en plus symbolique.

Les fumisteries de Marisol Touraine mettent en exergue une réalité crue : on se fiche, encore une fois, de nous, toutes générations confondues. On se moque des jeunes avec une éducation de plus en plus pourrie et de plus en plus ridicule, bordée de termes pompeux et de concepts idiots, mousse brillante de vacuité ronflante, pour former des semi-habiles, semi-lettrés, semi-dépendants. On se moque des travailleurs avec des impôts et des cotisations toujours plus lourds pour des droits toujours plus minuscules, un flicage permanent et une sécurité en carton pâte. On se moque à présent des retraités avec un joli décret en guise de pension, qui s’ajoute aux délais et aux montants parfois honteusement bas des versements effectués.

Et face à cette attitude, pas une tête, pas une voix, pas un individu pour dire « assez ! »

C’est normal : ce pays est foutu.

> H16 anime un blog.

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5 Comments

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  • 0 / 10
  • la pive , 1 septembre 2015 @ 7 h 37 min

    Effectivement ma femme devait percevoir au 1 janvier 2015, à ce jour rien sinon qu on lui renvoie 3 ou 4 fois les mêmes documents demandés, ca fait patienter mais bon ca commence à bien faire.

  • pauledesbaux , 1 septembre 2015 @ 9 h 25 min

    cHER mONSIEUR? VOYONS ON NE PEUT PAS NOURRIR DES BOUCHES INUTILES VENANT DE PARTOUT ET DONNER A NOS CHERS RETRAITES CE QU ON LEUR DOIT PARCEQU ILS L ONT GAGNE EUX c’est çà la France socialiste , les fins de marchés, les poubelles, la mendicité voilà la retraite de nos vieux et vous n’êtes pas heureux ? (ils pourrait – ce pouvoir de MERDE) vous empécher de mendier à la sortie des eglises, vous verbaliser même, de vous empécher de faire les reste des marchés, vous êtes dans le pays des droits des autres, vous vous avez des devoirs mais pas les autres ok ? A QUAND LA REVOLUTION ah oui on l’a déjà faite en 1789 je crois que la récidive est punissable non ?

  • le réel , 1 septembre 2015 @ 11 h 18 min

    et que dire des chômeurs de moins de 60 sans indemnités ayant déjà leurs annuités et devant attendre leur 62 ans pour commencer à toucher une retraite partielle?

  • Trahi , 1 septembre 2015 @ 11 h 27 min

    VIVE les socialistes et principalement le gouvernement que leur président à mis en place à leur demande..Si aujourd’hui des Francais ne touchent pas leur du et qu’ils ont voté Hiolandouille, vous ne devez surtout pas vous plaindre!!Chuuuuut, rasez les murs et faites les morts, la cata, c’est VOUS…

  • MCT , 2 septembre 2015 @ 11 h 13 min

    Sarkosy a supprimé l’AER, allocation équivalent retraite, versée par les assedics, qui permettaient d’avoir un revenu en attendant l’âge de la retraite, quand on avait tous ses trimestres. (réactivée chaque année après contrôle des revenus du foyer fiscal)
    Il me semble qu’elle a été rétablie par Hollande, mais avec des conditions un peu différentes. Renseignez-vous, car aux Assedics, ils ne sont même pas au courant, et ne savent pas vous dire vos droits réels. C’est tout bénef pour l’Etat.

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