On a beau tenter de persuader tous les Français que le sort de la planète est entre leurs mains et qu’il leur faut consentir aux sacrifices nécessaires pour que les ressources naturelles ne s’épuisent pas, ils ne « marchent » pas. Chacun est prêt à faire des efforts mais l’objectif est hors d’atteinte d’un pays dont la taille et la relative modération ne permettent guère d’influer de manière perceptible sur les résultats du monde. Les écologistes ont la manie et le talent d’agiter ces peurs culpabilisantes appuyées sur des calculs aussi aléatoires que brandis avec la puissance du dogme « scientifique ». Ainsi, le 29 Juillet a-t-il été décrété « Jour du Dépassement », celui à partir duquel la planète a consommé ce que la terre est capable de produire en un an. Brillant effet de communication sur le mode du « Dies Irae ». L’ennui, c’est que l’importance donnée à ces sujets sur lesquels la politique n’a guère de prise, gène la perception des problèmes les plus urgents que les Etats ont le devoir et les moyens de maîtriser. Mais bien sûr, celui qui aurait le front de dire que la véritable menace qui pèse sur la planète se situe davantage dans l’explosion démographique des pays pauvres et dans l’accroissement des flux migratoires que dans la consommation des pays riches serait immédiatement considéré comme un monstre d’inhumanité.
C’est pourquoi, plus modestement, il faut en revenir à la sagesse stoïcienne en distinguant ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas. Un gouvernement responsable doit faire des sujets qui dépendent de lui ses priorités. La sécurité des citoyens est ainsi sa première mission, et la violence, la transgression des lois, les atteintes aux personnes et aux biens doivent être ses cibles primordiales. Or, la violence sous de multiples formes gangrène la société française. Par plusieurs de ses aspects, elle révèle une profonde crise de la légitimité.
Il n’y a pas de société sans délinquance. C’est l’évolution de celle-ci qui est préoccupante, caractérisée par trois phénomènes. D’abord, la multiplication des zones de non-droit dans lesquelles l’anomie est maîtresse. Une économie illégale appuyée sur les trafics y règne. Les règlements de comptes entre bandes rivales s’étendent aux alentours. Ollioules vient de le rappeler. La police et la justice semblent impuissantes pour rétablir la loi. D’ailleurs, c’est de moins en moins celle de la République qui définit la norme des comportements dans des quartiers majoritairement peuplés d’immigrés issus de cultures étrangères à l’identité nationale. En second lieu, des violences contradictoires et concurrentes se développent qui troublent profondément le sentiment de ce qui est légitime et de ce qui ne l’est pas. Dans un pays où le pouvoir tend à s’octroyer le monopole de la parole avec une Assemblée Nationale hors-sol, qui ne représente pas la nation, un président qui a confisqué le prétendu grand débat et des médias pour beaucoup de connivence avec lui, la violence est devenue un moyen d’expression qui s’estime légitime. Et c’est la légitimité de la répression qui est mise en cause. Les débordements lors des manifestations des gilets jaunes, provoqués ou non, ont plutôt servi le pouvoir auprès des partisans de l’ordre, mais aujourd’hui ce sont les agriculteurs qui s’attaquent aux permanences des députés de la « majorité », faute d’avoir été écoutés par eux. De plus en plus, le monopole de la violence légitime exercée par les « forces de l’ordre » est contesté, réduit à la « violence policière ». Autant la brutalité d’un maintien de l’ordre est acceptable lorsque les fauteurs de trouble sont clairement des ennemis de l’ordre établi et suscitent la réprobation de l’immense majorité de la population, autant elle révulse quand elle frappe des Français « moyens », voire les Français très symboliques que sont les agriculteurs. Le discrédit qui a frappé les politiques et singulièrement les parlementaires, l’antiparlementarisme qui a facilité la victoire de Macron et de LREM, ont laissé des traces profondes. Que des députés aussi nombreux que mal élus, avec le projet de diminuer la représentation nationale, deviennent des arroseurs arrosés n’éveille guère la compassion.
Enfin, l’inégalité paradoxale de traitement de la violence au sein de la nation qui a fait de l’égalité sa valeur privilégiée n’arrange rien. Comment accepter que les exactions commises à l’occasion d’un match de football entre deux pays africains, drapeaux étrangers déployés aux abords immédiats de nos monuments les plus prestigieux le jour de notre Fête Nationale, aient été traitées avec moins de sévérité, si on comptabilise les interpellations et les suites judiciaires, que les manifestations provoquées par le mécontentement populaire soulevé par la politique du pouvoir ? Cette inversion participe à un renversement plus général des valeurs de la République qui consiste à donner plus de droits au membre d’une minorité qu’au citoyen lambda. Où est l’égalité lorsque la violence est plus ou moins grave selon l’appartenance de la victime à telle ou telle communauté ? Où est la liberté quand la censure frappe davantage les défenseurs de l’identité culturelle et du conservatisme sociétal que les multiples groupes qui émiettent la cohésion nationale. Comment peut-on vaincre la violence alors qu’on suscite les fractures et le affrontements ?