Reconnaissons à Macron et à toute sa fine équipe un certain talent pour la dramaturgie : en transformant un problème essentiellement logistique (éviter un potentiel débordement des urgences hospitalières) en crise sanitaire puis en crise économique d’ampleur biblique, l’actuel locataire de l’Élysée a, vraiment sans le vouloir, posé sur la table des questions que peu, dans ce pays, veulent voir abordées.
La première de ces questions est évidente. Elle est maintenant sur beaucoup de lèvres et sera d’autant plus difficile à escamoter que la situation économique se dégrade maintenant de jour en jour :
Où part le pognon ?
Eh oui : si l’on peut admettre que, de nos jours, pour plus de 1000 milliards d’euros de prélèvements par an, on a un système de santé poussif, des soignants mal payés et des technologies dépassées, il n’en reste pas moins que du côté du payeur, la question revient, lancinante. Or, la pandémie a permis d’illustrer de façon assez criante les choix effectués.
Ainsi, les systèmes de santé d’un côté et de l’autre du Rhin donnent un bon aperçu des stratégies choisies par les deux États européens. L’un comme l’autre y consacrent à peu près la même proportion de leurs revenus (autour de 11.5% du PIB) mais les résultats sont quelque peu différents : du côté germanique, l’organisation fait la part belle à la subsidiarité et au secteur privé (plus de 90% des chefs d’établissements hospitaliers sont des entrepreneurs), pendant que le côté français a choisi l’organisation centralisée, jacobinisme oblige, dans lequel l’hôpital est dirigé par un fonctionnaire. Le personnel administratif représente moins d’un quart (24%) des effectifs en Allemagne, là où plus d’un tiers (35%) se bouscule en France pour tamponner des petits papiers indispensables à la survie des malades.
Au bilan, le contraste des efficacités constatées entre les deux systèmes n’est pas flatteur pour la France : même sans regarder le nombre de morts Covid19 rapportés à la population, qui met clairement la France dans les pays les plus touchés, force est de constater que l’Allemagne dépense finalement moins que nous pour plus de lits de soins intensifs 6,02 (pour mille habitants) contre 3,09 en France. Un autre indicateur comme celui des appareils IRM par million d’habitants confirme ce dont on se doutait franchement : on prélève beaucoup mais on n’a pas du tout ce pour quoi on paye.
Au passage, il sera difficile d’ignorer que le coût de gestion du système de santé allemand est très inférieur à celui du système français. Différentes études pointent vers des dizaines de milliards d’euro d’économies possibles.
Il est assez manifeste que les indéboulonnables pleurnicheuses syndicalisées et politisées qui nous entretiennent partout des abominables coupes budgétaires dans la santé publique nous enfument très largement, probablement pour cacher l’évidente gabegie de la bureaucratisation galopante de tout le système.
Un système social vraiment enviable ?
Une seconde question vient alors bousculer immédiatement la première. Malgré l’évidence de ces dépenses somptuaires qui n’aboutissent absolument pas à un service de qualité en face, le système en place n’en vaut-il pas la peine ? Est-ce qu’en réformant par-ci, par-là, en nettoyant un peu les tubulures chromées qui vont de tous ces petits portefeuilles de contribuables à toutes ces strates administratives aux odeurs naphtalines, ne pourrait-on pas améliorer la situation et sauver tout ce qui peut l’être d’un système qui, on nous le répète encore maintenant, fait des envieux partout dans le monde, si, si ?
Là encore, l’examen des chiffres bruts ramène à la réalité comme un coup de pelle derrière la nuque ramène à plus de pragmatisme.
En effet, comme l’a fait ce fort intéressant article si l’on examine par exemple le pouvoir d’achat du français moyen depuis les années 60, on observe un phénomène troublant : les Trente glorieuses faisaient la part belle à l’initiative personnelle dans un environnement légal relativement simple, une administration frugale et un système social léger. Il s’en est suivi que le revenu moyen annuel d’un Français est passé de 9.900 euros en 1960 à 19.300€ en 1980, et ce malgré la crise de 1973, ce qui revient quasiment à un doublement.
De 1980 à 1990, période bénie des socialistes où les codes de lois se dilateront, les interventions de l’État furent épiques, et le système social enflera en importance et en ponctions de tous les côtés, ce même revenu n’a progressé que de 8% (pour passer à 20.900€) ce qui est tout sauf phénoménal. Les 14 années suivantes, qui virent notamment l’introduction des 35 heures et d’un monceau d’autres âneries du même acabit, permirent d’atteindre 22.900€ ; la progression est tout sauf fulgurante.
À la fin de l’année 2019, le revenu moyen annuel français tourne autour de 23.440€. Le vigoureux confinement imposé par notre actuel gouvernement va heureusement changer la donne puisqu’on s’attend à un petit trou d’air de plus de 8% en France ce qui devrait donc se traduire par un revenu moyen annuel redescendant autour de 20.000€ à la fin de l’année, soit, peu ou prou, le niveau des Français un peu avant les génialissimes années Mitterrand, mais avec des radios libres et Canal+, plus de minitel, des vélos électriques dans la capitale et 2200 milliards d’euros de dette.
Mazette, 40 ans de système social et de stagnation pour tout ça, franchement, cela aurait été dommage de se priver !
Soyons clairs : non, personne n’envie vraiment le système social français qui a tout d’un village Potemkine. Il fait rêver ceux qui ne le connaissent pas, ceux qui ne le financent pas, ceux qui en profitent, mais fait cauchemarder ceux qui le payent, ceux qui le subissent et ceux qui en sont victimes.
La seule vraie question est maintenant de savoir si l’on doit ou non conserver ce système, celui qui consiste à collectiviser tout ce qui peut l’être, qui consiste à monopoliser par le public ce que le privé sait faire en concurrence, qui consiste à retirer progressivement mais inexorablement la responsabilité de chacun pour la remettre à d’obscures administrations qui décideront de tout par des processus bureaucratiques de plus en plus complexes.
Comme, manifestement, il ne sera jamais question de revenir en arrière, le choix de conserver ce système sera donc fait. Soit. Dans ce cas, tout le monde devra assumer : comme à chaque fois lorsque la bureaucratie gagne, les choses iront de pire en pire. Mordez votre chique et n’en parlons plus.
Si, en revanche, ce choix n’est pas assumé mais subi, si, tous, nous nous faisons endormir par les subventions, les aides et les promesses, bref, les carottes faciles, la peur des PV et des sanctions, les coups de LBD dans la figure, bref, les bâtons habituels, alors la question suivante est : comment voulez-vous que tout ceci se termine bien ?
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