Tout citoyen dispose de la parcelle de pouvoir et d’intelligence suffisante pour s’interroger, car, à ce niveau d’enjeux, la tentation existe de mettre en avant certains éléments, ou d’en dissimuler d’autres.
A Dammarie le GIGN se met en place pour monter à l’assaut, les frères Kouachi tentent une sortie, quelques coups de feu claquent, ils sont abattus immédiatement par les tireurs de précision postés. Rien à dire, si ce n’est que le GIGN maîtrise parfaitement ses appuis (tireurs de précision, grenades) et prévoyait un groupe d’assaut par les hauts, ce qui est un des standards de l’intervention des forces spéciales en zone urbaine depuis 10 ans, après un fort retour d’expérience de Marignane et des FS US en Irak. Accessoirement un assaut par le haut permet un tir fichant et donc un risque de tirs fratricides réduit.
A Vincennes, les unités de police se mettent en place en 3 groupes dans un dispositif très resserré, un à l’arrière, deux à l’avant. A l’avant, un groupe se place à droite de la porte, l’autre à gauche. Le groupe arrière est face à une entrée barricadée et les otages se trouvent dans son secteur de tir. A l’avant, un premier policier se baisse et pénètre seul dans la superette, sans attendre l’ouverture complète du rideau. Il franchit le secteur de tir de la totalité des groupes, se mettant en danger et privant de possibilités d’observation et de tirs ses équipiers. S’ensuit un temps d’hésitation, de cris, de jets de grenades et de tirs et on voit apparaitre l’ennemi qui tente de sortir. Les policiers du groupe de droite ouvrent le feu sur lui, avec dans leur axe de tir les policiers du groupe de gauche. Il s’écroule entre les deux groupes. Une fois immobile au sol, les tirs se poursuivent sur l’objectif plusieurs secondes avant de voir un équipier lever son arme, d’entendre les « neutralisé, neutralisé » et que le feu ne cesse. On apprend ensuite la mort de 4 otages, et la présence de 4 blessés graves.
Plusieurs points techniques sont notables :
Chacun des groupes est en position de tirs fratricides directs (notamment le groupe arrière sur les otages). Par ailleurs ce dispositif ramassé rend les groupes vulnérables au « suicide bomber ». Coulibaly disposait d’explosifs et ce mode d’action est possible.
L’élément d’assaut doit entrer au complet « au paquet » pour capter le feu ennemi en offrant plus de cibles alternatives à celles représentées par les otages, et rechercher l’interposition entre les otages et les terroristes. Ici, un seul policier a pénétré.
Les munitions standard (5,56 OTAN des G36 du RAID) d’armes légères modernes ont un faible pouvoir d’arrêt et sont conçues pour « polycribler » : saturer la cibles de tirs directs et de ricochets multiples. Coulibaly, bien protégé des éclats par un gilet réglementaire de la Bundeswehr encaisse de nombreux tirs avant de s’écrouler. En revanche, les otages…
En présence d’otages des consignes très strictes d’ouverture du feu devraient être respectées absolument. Ce qui n’est possible qu’avec un armement spécifique et adapté.
Au-delà de cette situation tactique, la survenance de ces attaques est un fiasco politico-policier. Par construction, si un attentat se produit, c’est qu’il y a eu des erreurs à plusieurs niveaux dans la chaîne de commandement. Il faut pointer les erreurs sans concessions. Il ne s’agit pas de désigner un tel ou un tel, mais de faire progresser l’outil.
– Renseignement : le suivi des cibles Kouachi et autres par la DGSI a été notoirement défaillant.
– Protection de personnalités : La menace sur Charlie Hebdo avait été revue à la baisse en 2014, et la protection allégée.
– Action à Vincennes: La mise en place du RAID n’est pas conforme aux standards (risques de tirs fratricides et exposition au suicide bomber), un manque de cohésion (équipier qui part seul), des hésitations au moment de l’assaut et une discipline de feu approximative (tirs redondants).
Il est urgent de retrouver les fondamentaux de l’instruction militaire (le « drill »), qui étaient encore inculqués il y a 20 ans à tous les français, y compris les policiers. Et plus largement, il est étonnant de voir des foules dans Paris comme un 8 mai 1945 ou des députés entonner la marseillaise comme un 11 novembre 1918 alors que la montée en puissance ne fait que commencer. On connaît la fable de la peau de l’ours et la malédiction des victoires fêtées la veille…
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