Hier, j’étais à Paris, et je me suis rendu sur les lieux où ont été commis les assassinats terroristes. Les trottoirs couverts de fleurs, de bougies , de messages, avec parfois un drapeau, planté çà et là, témoignent de la compassion qui étreint le coeur de beaucoup de Français et d’étrangers présents dans notre pays. Les esprits sont surtout tournés vers les victimes, auxquelles chacun peut s’identifier dans la mesure où la mort les a frappées alors qu’elles vivaient un moment récréatif et sans doute de bonheur, en assistant à un spectacle, en partageant un repas, en buvant un verre, à l’occasion d’une rencontre entre amis ou d’une petite fête familiale. Il y a comme une salissure de l’âme à penser aux assassins. Le sentiment qui vient alors spontanément est un absolu mépris. Quelle lâcheté il faut avoir pour mitrailler des terrasses situées à des carrefours quelconques où sont implantés des établissements que rien ne prédisposait à cette tragique célébrité. Ils se sont attaqués à des gens que rien ne protégeait, parce qu’ils étaient « comme tout le monde », hommes et femmes surtout entre trente et quarante ans, et se donnant un peu de bon temps le vendredi soir. Quelle doit être le vide mental de ces sanglants minables pour avoir cru atteindre les « jardins des délices » promis par Allah, en tuant des innocents, et en jouant les « bombes vivantes ». Le mot « kamikaze » a trop de noblesse pour les désigner. La tuerie du Bataclan paraît à certains revêtir plus de signification. Certains salafistes vont jusqu’à diaboliser la musique, et lorsqu’il s’agit de celle d’un groupe de rock américain, on peut y voir une punition du satanisme de notre culture. Ce serait pourtant faire un honneur injustifié à des crétins animés par des idées stupides que de voir dans leur acte une guerre de civilisation.
La réalité est bien différente. Elle a deux versants. L’un se trouve au Moyen-Orient avec la rencontre explosive d’une richesse financière fabuleuse avec les tenants d’un islamisme radical fossilisé dans des structures politiques et sociales archaïques. L’alliance de l’Amérique avec l’Arabie saoudite s’inscrivait dans la « realpolitik » face au communisme. Elle n’a pas seulement garanti les ressources pétrolières américaines. Elle a contrecarré avec succès la montée des dictatures nationalistes arabes proches des soviétiques. Elle a contribué à l’échec mortel des Russes en Afghanistan. Depuis, le génie sorti de sa bouteille, ou Frankenstein, comme on voudra, continue ses ravages, en ayant provoqué un réveil de l’expansion d’un islam qu’on croyait assoupi. Remise en cause des régimes en place, guerre entre sunnites et chiites, bandes armées et guérillas du Nigeria à la Libye et jusqu’en Asie du Sud-Est, terrorisme enfin dans le reste du monde forment une chaîne infernale. Les alliances douteuses, les intérêts économiques dévoyés, et un aveuglement de plus en plus sévère des dirigeants de nos démocraties les ont amenés à favoriser le chaos dans l’illusion du « Printemps démocratique arabe ». Le temps des ingérences suicidaires est dépassé. Il faut rétablir l’ordre et la paix. L’utopie qui a conduit à menacer les libertés qui existent dans nos sociétés pour tenter d’exporter notre modèle démocratique doit être remisée au grenier des causes perdues et des grandes erreurs de l’Histoire. Même le gouvernement français en arrive à penser que l’armée d’Assad a sa place dans le combat contre l’Etat islamique.
L’autre versant se situe au coeur de nos sociétés, de la France, en particulier, dont la richesse apparente a pu un temps masquer le déclin et la décadence grâce au talent de politiciens dont l’absence de compétence à exercer le pouvoir était compensée par un art de communiquer en grande complicité avec nos médias. Les nôtres se sont trompés sur tout et tout le temps. Le chômage continue son ascension, le terrorisme passe pour la quatrième fois cette année les mailles d’un filet inopérant à tous les niveaux. Le gouvernement actuel en est réduit à abandonner une à une les idées qui animaient la gauche quand elle était dans l’opposition et qui paralysaient une droite indigente quant au courage et à l’intelligence. Macron tente de remettre l’entreprise au centre de l’économie. Valls avoue que les djihadistes produits par nos banlieues ne sont pas les effets de notre incapacité à intégrer socialement et économiquement les immigrés. La valorisation irresponsable de l’immigration, la repentance nationale, la politique judiciaire laxiste, la dénonciation unilatérale du racisme n’ont pas établi le « vivre-ensemble ». Elles l’ont ruiné, tandis que le refus d’adopter une attitude « sécuritaire » permettait une circulation mortifère des idées, des hommes et des armes. Il faut donc de toute urgence contrôler les frontières, surveiller les mosquées, expulser les imams salafistes, déchoir de leur nationalité les bi-nationaux dangereux. Les mesures que les Français approuvent sont celles auxquelles la gauche s’est toujours opposée, et qui arrivent bien tard.
C’est pourquoi il serait absurde que le pouvoir socialiste bénéficie le moins du monde de ses fautes sous prétexte qu’il tente tardivement de les corriger. Les Français ont communié dans la souffrance. Ils l’ont fait avec dignité. La mise en scène des Invalides était à la hauteur de la France et du malheur qui avait frappé beaucoup de Français. Elle a fait sa part aux sensibilités blessées et au sursaut national. Ce n’est toutefois pas « Paris qui chante et danse » qu’on a frappé, la façon de vivre des Français, mais la France dont les avions interviennent contre les djihadistes. Pour autant, il y avait peu de drapeaux aux fenêtres, comme si la communion nationale se refusait à obéir à un pouvoir défaillant, à manifester sa solidarité avec lui. Il ne suffit pas, pour que la Nation française retrouve son énergie, son enthousiasme et sa foi, de modifier le discours, il faut changer les hommes afin d’en mettre à la tête du pays qui soient capables d’inverser radicalement ce discours et d’agir en conséquence.
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