Billet initialement paru le 17.09.2013
Cinq années se sont écoulées depuis le billet ci-dessous. De façon logique, le gouvernement a changé, la situation économique mondiale n’est évidemment plus la même. Mais, aussi étonnant cela puisse-t-il paraître, tout n’est pas si différent. La faustérité, avatar d’une austérité décriée mais jamais mise en place, est toujours d’actualité dans le pays. Les partis politiques (les contenants) ont changé, mais les têtes (les contenus) sont toujours les mêmes, toujours aussi peu pleines et mal faites. Les programmes, les idées, les projets et les plans politico-économiques se succèdent sans que rien n’altère la course du pays vers toujours plus de dettes, d’impôts et de bureaucratie…
Comme je le notais dans un article précédent, le récent tsunami d’impôts et de taxes créatives finit par agacer franchement les Français qui, naïfs qu’ils sont, croyaient avoir voté pour un changement…
On se rappelle en effet que le quinquennat de Sarkozy s’était finalement traduit par une consternante accumulation d’impôts et d’actes manqués, et que Hollande avait clairement annoncé la couleur en déclarant vouloir protéger la veuve (encartée PS), l’orphelin (inscrit aux Jeunesses Socialistes) et les classes moyennes (qui votent pour lui). Comme il était prévisible, la crise — qui n’était pas si anodine que ça, au contraire de ce qu’imaginait les fines équipes au pouvoir — eut rapidement raison des modérations fiscale du président qui aura dû trouver rapidement de quoi alimenter l’immense usine-à-gaz administrative qu’est devenue la France bureaucratique, dont les petits moteurs tournent à fond et crament de l’argent public à hauteur d’un peu plus de 1600 millions d’euros à la semaine.
Le brave Moscovici se sera donc retrouvé à redoubler d’inventivité fiscale (sans toutefois parvenir au niveau olympique du premier de ses ministres au Budget, Cahuzac). De bricolages improbables en mensonges éhontés, le ministre de ce qui reste d’économie et de finances dans le pays aura hissé le carpet-bombing fiscal au rang d’art, tout en conservant cette décontraction que seuls les cuistres et les exonérés fiscaux peuvent se permettre.
Il n’est alors pas étonnant que huit Français sur dix commencent à trouver le fond de l’air fiscal carrément glacial, voire mortel, au point de refuser la perspective de payer plus d’impôts pour redresser les comptes publics. Du reste, on peut se demander ce que « redresser » veut dire tant ce petit air de flutiau nous aura été joué sur les 40 dernières années pendant lesquelles non seulement, ces comptes ne furent jamais redressés, mais en plus ils furent copieusement aggravés. On notera au passage l’aspect parfaitement apolitique de ce mécontentement puisque cette écrasante majorité d’opposants à toute nouvelle hausse d’impôts se retrouve aussi bien chez les affreux droitards (94%) que chez les gentils gauchistes (70%) : au moins, Hollande sera parvenu à déclencher une belle unanimité (contre lui).
Et il n’est donc pas étonnant que, devant cette grogne maintenant difficile à oublier, on fasse monter au créneau le premier fusible disponible (un certain Cazeneuve) pour lui faire dire qu’en 2015, on allait marcher sur du velours. En langage politicien, cela se dit :
« Le budget de l’État, hors dette et pensions, va baisser de 1,5 milliard d’euros. »
En décodé, cela veut dire que le budget de l’État va continuer d’augmenter et puisque l’impôt est devenu un sujet extrêmement sensible, on va augmenter (encore) la dette ; ça tombe bien, les taux sont bas, ne montent pas de 50% en six mois, le marché prête en toute confiance, l’avenir est parfaitement rose, promet une fin d’année flamboyante et une année 2014 qui va dépoter. D’ailleurs, Ayrault l’a récemment indiqué, la croissance repart, et c’est exact : elle trouvait l’ambiance morose, elle est donc repartie et nous enverra une carte postale.
La réalité est, bien sûr, que nos socialistes de gouvernement n’ont qu’une corde à leur arc : l’impôt. Ils ne voient les problèmes de déficit qu’avec le prisme du « manque à gagner », considérant qu’un écart entre les recettes et les dépenses en faveur des dernières ne pourra se combler exclusivement qu’avec une augmentation des premières. Diminuer les dépenses, c’est diminuer l’influence de l’État, et par voie de conséquence, diminuer leur pouvoir. En attendant, l’austérité (celle qui consiste donc à diminuer un peu la pression fiscale et beaucoup les dépenses de l’État) n’a toujours pas été mise en place.
J’en veux pour preuve la lecture assez édifiante de ce document de Stefan Homburg, de l’université de Hanovre, qui détaille justement cette fameuse austérité européenne pour arriver à la conclusion qu’elle n’a pas été mise en place et que le fait d’équilibrer un budget gouvernemental n’aggraverait pas la récession, au contraire de ce qu’on lit un peu partout dans la presse si bien informée :
The proposition that Southern European countries suffer from austerity policies contains two flaws. Firstly, there is no austerity policy; and secondly, deficit reductions are unlikely to prolong recessions.
L’étude concerne surtout la Grèce, l’Espagne et le Portugal, mais elle se transpose assez facilement à la France, pour aboutir aux mêmes conclusions. Et du reste, il est facile de constater qu’Austérité Il N’y A Pas Au Royaume De François : comment expliquer que l’Etat diminuerait son périmètre alors qu’au final, il augmente le nombre de fonctionnaires qui travaille pour lui ? Comment gober que l’austérité se traduirait par une diminution des services publics alors que sur les six premiers mois de l’année 2013, l’État a embauché davantage de nouveaux agents que sur l’ensemble de l’année 2012 ? Et puis, comment concilier cette augmentation de sa masse salariale avec une austérité qu’on n’arrive pas à définir alors qu’en même temps, les impôts et les taxes augmentent tant (certaines, de 300 à 500%, joli !) qu’ils déclenchent maintenant une forte grogne ?
Non, l’austérité n’est pas en place. Elle n’est même pas dans un carton, prête à sortir et être utilisée puisqu’elle n’est même pas conceptualisée au niveau des élites : pour les fins pipoconomistes du Parti Socialiste et bien malheureusement, pour une assez bonne proportion de Français qu’on aura soigneusement tenu à l’écart de toutes notions fiables d’économie, la seule voie de sortie d’une crise qui prend malgré tout de l’ampleur, c’est justement en augmentant les impôts, en tapant sur les riches, et en redistribuant toute cette belle richesse qu’on aura créée on ne sait pas trop comment (mais peu importe).
Et il suffit pour se convaincre de cette consternante réalité de regarder les multiples articles qui paraissent actuellement pour encenser le dernier pensum de Thomas Piketty, ce semi-habile de l’économie encarté PS dont on se souvient surtout les exactions et les bidouillages de courbes pour arriver aux conclusions qu’il avait déjà choisies : entre les panégyriques de Marianne (qui est au journalisme ce qu’une tournante est à la romance), du NouvelObs ou de Challenges, difficile de ne pas imaginer qu’un si précieux pavé ne va pas alimenter les prochaines réflexions de nos dirigeants avec les conséquences désastreuses qu’on peut déjà imaginer (pour rappel, l’idée récente de surtaxer les propriétaires pour compenser leur absence de loyer n’est pas étrangère au brave Thomas).
En définitive, la locomotive État Français continue d’avancer, toujours plus vite, sur les mêmes rails qu’il y a un an, deux ans, cinq ans, dix ans : ceux de l’augmentation des dépenses et de l’intervention, ceux du Toujours Plus d’Impôts, ceux de la dette. Et on sait tous comment se termine cette voie-là.
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