Tribune libre de Grégory Morin-Martin*
“Ils sont venus, ils sont tous là”, aurait chanté Aznavour. Anciens membres de l’UJP, de l’UDR, du RPR, proches de Charles Pasqua ou de Philippe Séguin, ils s’étaient donnés rendez-vous au siège de l’UMP, ce 20 septembre pour le lancement de la “motion gaulliste”, le congrès de novembre en ligne de mire. Entre eux, un seul mot d’ordre : les libéraux, “humanistes” et autres chrétiens-démocrates ont su porter haut leurs couleurs ces dernières années. Un mouvement structuré doit à présent incarner pleinement la “fierté d’être gaulliste”.
La croix de Lorraine n’a pas toujours été à la mode au sein du grand parti de la droite républicaine. Trop cocardier, trop rigide, pas assez libéral, le gaullisme devait, à l’aube des années 2000, céder sa place à une alliance de raison avec les héritiers du giscardisme. Comment ne pas oublier l’ultime appel d’Édouard Balladur à “laisser de Gaulle en paix”, peu avant la présidentielle de 2007 (1) ? Certains, de manière plus insidieuse, voyaient avant tout dans le gaullisme un “pragmatisme” vidé de toute substance idéologique, une vague éthique politique à laquelle on ne se référait que pour s’assurer du soutien de quelques vieux grognards anticonformistes.
Pourtant, l’œuvre du Général de Gaulle a toujours, depuis sa disparition en 1970, constitué un repère fondamental pour le peuple français. L’Élysée l’avait d’ailleurs très bien compris. Qu’il faille prendre de la hauteur pour mieux “incarner la fonction” ou retrouver l’essence de la coopération franco-allemande dans les allées ombragées de la Boisserie, une escapade présidentielle à Colombey était toujours de mise durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Cette fois, la motion ne transige pas avec les fondamentaux de la doctrine du Général : critique de “l’Europe fédérale qui ferait disparaître les nations”, attachement aux institutions de la Ve République, interventionnisme économique et opposition au “laisser-faire”, les trublions de l’UMP semblent assumer pleinement l’héritage de ce que l’historien René Rémond appelait la “droite bonapartiste”. Dans une déclaration de principe d’où transparaît clairement l’empreinte d’Henri Guaino, ils font revivre un cocktail idéologique qui s’était fait oublier à droite depuis l’effacement progressif du duo Pasqua-Séguin, à la fin des années 1990. Une bonne partie de la base militante du parti se sentait orpheline de cette mouvance, et se contentait des éclats de génie gaulliens qui émanaient des discours de l’ancienne plume de Nicolas Sarkozy. Le temps de deux campagnes présidentielles, Henri Guaino a fait revivre de meetings en meetings notre roman national, sous les regards conquis de milliers de militants. J’ai été de ceux-là. Fort de son succès électoral dans les Yvelines, alors que la crise semble donner raison aux détracteurs du fédéralisme européen et que les français auraient largement rejeté le traité de Maastricht en 2012 (2), il entend naturellement peser sur l’orientation idéologique de la motion.
Alors, simple folklore politique ou mouvement amené à peser lourdement sur le destin de la droite française ? Si la motion était créditée de seulement 8% des intentions de vote par un sondage OpinionWay du 27 septembre, il paraît inconcevable que la “famille gaulliste” ne dispose pas de son propre mouvement au sein du plus grand parti de l’opposition. Encore faut-il que les valeurs de la déclaration de principe soient défendues avec ardeur par tous les signataires. Gageons que l’avenir nous le dira assez rapidement.
*Grégory Morin-Martin est étudiant à l’Institut d’études politiques de Paris.
1. Laissons de Gaulle en paix !, Fayard, 2006
2. http://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2012/09/17/les-francais-tentes-par-l-euroscepticisme_1761102_3234.html
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