Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Surtout, pourquoi organiser une élection, jusqu’alors partisane, ouverte à tous, avant l’élection officielle et légalement prévue à une date bien précise, qui ne devrait concerner que les militants de chaque parti ? Quoi qu’il en soit – effet de mode ou emphase démocratique – pour ses adeptes, les primaires sont devenues incontournables. Pourtant, celles-ci n’ajoutent que de la confusion à la confusion : pas moins de quatorze candidats chez les ex-UMP, qui se disent maintenant Républicains (il fallait qu’ils précisent, au cas où…) et une bonne dizaine à gauche, plus quatre chez les Verts. Un vrai désordre officialisé ! Qui, à coup sûr, nous prépare un spectacle dans le genre “Grand-Guignol” où beaucoup mourront par overdose d’ego. À part amuser la galerie, ces primaires n’intéresseront pas grand monde : en général, dans le meilleur des cas, elles ne mobilisent que 10 à 12% de l’électorat…
À première vue, demander aux sympathisants – et aux autres – quel candidat ils souhaitent à la magistrature suprême pour représenter chaque parti, paraît très démocratique et chaque camp certifie cela comme une avancée appréciable. Pourquoi pas ! Mais, à y regarder de plus près, il y a une objection : la démocratie n’est pas au rendez-vous au bon moment. Et une élection républicaine ne se grandit pas à être tronçonnée ou démultipliée en consultations intermédiaires publiques pour valoriser l’ego de chaque prétendant. En interne, ce n’est déjà pas facile, alors pour une masse indifférenciée et très éloignée du fonctionnement d’un parti, cela doit être, probablement, malaisé. Bien entendu, une primaire pourrait être un moyen, pour chacun des protagonistes, d’expliquer sa vision et ses modalités d’application du programme de son parti, mais quand chacun présente un programme personnel, que devient la synthèse élaborée pendant de longs mois, par les militants et leurs responsables ? N’est-ce pas eux qui sont les mieux placés pour choisir le meilleur candidat ? N’est-ce pas, dans un parti démocratique, le chef, déjà désigné par eux, qui conduit l’élection ?
Anticiper une élection, en la fragmentant par des consultations populaires préalables, n’apporte rien au débat. Si ce n’est qu’une énorme dispersion idéologique et un formidable désordre politique. Des élections pour désigner le meilleur compétiteur présidentiel sont efficaces en interne, pas hors de la sphère d’appartenance à une organisation. Sinon ce n’est que du cinéma, de l’esbroufe, une perte de temps et d’argent. Et une formidable arnaque à la démocratie. Les partis qui se prêtent à ce jeu se disqualifient d’eux-mêmes et prouvent leur manque de cohérence, de convictions, à un projet commun. Et méprisent l’avis de leurs militants. Ces derniers, ces laissés-pour-compte, devraient bien réfléchir à leurs situations dans un parti qui les dédaigne et qui les manipule.
Les Français ont besoin d’un solide projet politique, pas d’un défilé d’ego qui accouchera d’un prétendant insipide ne représentant que lui-même et qui n’aura qu’une idée en tête : se faire élire pour s’endormir chaque soir à l’Élysée, en rêvant que les problèmes politiques, économiques et sociétaux vont se résoudre d’eux-mêmes ou… par l’intervention du Saint-Esprit ! Dans la Cinquième République, l’élection présidentielle est le moment le plus important, car c’est le Président de la République qui est garant de la politique choisie par le peuple. Encore faut-il que ce peuple ait un vrai programme à se mettre sous la dent et non pas une multitude de catalogues commerciaux.
Encore une fois, des primaires malvenues vont nous offrir des candidats tout juste bons à parader sur les plateaux de médias complaisants, pour nous énoncer des mesures prises, à la va-vite, sous la pression des événements. Et, comme toujours, le peuple restera sur sa faim.
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