Un général chinois avait eu l’idée de placer des tambours de bronze sous les cascades proches des frontières pour que les peuples voisins s’imaginent toujours menacés par de puissantes armées. Faire beaucoup de bruit autour d’un événement peu important permet en effet de mobiliser l’attention sur lui, et aussi de la distraire d’un fait plus redoutable. Si l’on s’inquiète du vacarme de l’armée fantôme suggérée par les tambours, on peut aussi laisser pénétrer l’invasion très réelle, mais insonore, qui a pris un autre chemin. Cette tactique appuyée sur la complicité d’une grande partie des médias est celle de la macronie. Depuis la réélection facilitée par l’abrutissement covidien suivi d’une libération pleine de promesses, mais sous la menace de la guerre, les Français sont hypnotisés par des sujets sur lesquels ils n’ont guère de pouvoir. C’est d’abord le conflit ukrainien qui permet au président réélu de déployer la talentueuse ambiguïté du “en même temps” : après avoir échoué à faire appliquer les accords de Minsk dont il était l’un des garants, le voilà qui envoie à Zelinski des armes dont on ne sait où elles finiront tandis qu’il téléphone à Poutine pour donner l’illusion d’une implication… dénuée du moindre résultat. La tuerie qui a ensanglanté une école du Texas a permis à notre président de “partager la colère de ceux qui luttent pour mettre fin à ces violences” comme s’il fallait prendre en compte un problème qui est, dieu merci, étranger à notre pays. Un ministre de l’éducation nationale spécialiste de la ségrégation raciale aux Etats-Unis a pourtant signé l’aveu du tropisme américain du locataire de l’Elysée. Déjà, il avait déclaré avec une emphase démagogique que le “93”, la Seine-Saint-Denis”, c’était la Californie sans la mer. La nomination tardive du premier ministre et de son gouvernement avec un zeste de provocation propre à faire s’agiter l’épouvantail de “l’extrême-droite”, pouvait passer pour une habileté destinée à masquer les difficultés de la constitution d’un ministère qui devra affronter la tempête soulevée par l’incurie du précédent mandat dans bien des domaines. Rejeter la droite authentique, faire craindre Mélenchon et l’islamo-gauchisme unissant toute la gauche, c’est en résumé la stratégie pour rassembler derrière soi la masse des imbéciles, peureux et soumis, qu’on a habitués à voir leur sauveur dans la personne de celui qui précipite le pays dans la catastrophe.
Mais les manoeuvres les mieux conçues dans les arcanes du pouvoir peuvent se trouver confrontées à la réalité, celle dont l’importance ne peut être voilée longtemps aux yeux de l’opinion. Le ralliement d’un centriste opportuniste, si on veut bien excuser cette redondance peu éloignée du pléonasme, pouvait paraître une bonne prise. Les galipettes sexuelles du handicapé, un tantinet obsédé par la “chose” semble-t-il, révélées par Mediapart, ont terni le trophée et au contraire souligné une fois encore la légèreté du choix qui a privilégié la “comm” plutôt que la compétence et la rigueur du lauréat. Au moins, cette affaire a eu le mérite de distraire les électeurs des sujets prioritaires, que Mme Borne a cités : emploi, santé, climat. Rien d’étonnant chez cette femme de gauche qui ne situe pas le régalien de la sécurité, de la justice et de la défense dans les priorités, et ose faire du climat un enjeu essentiel, alors que celui-ci ne dépend que peu de la politique, et pas du tout dans un pays qui ne compte que pour 1% du gaz à effet de serre dans le monde grâce au nucléaire. Mais il faut cibler les électorats, les séduire pour les législatives.
Malheureusement, il y a des sons plus puissants que ceux des tambours trompeurs : celui qui s’est fait entendre à Saint-Denis samedi, lors de la finale des champions entre Le Réal et Liverpool, est de ceux-là. Il vient rappeler la question primordiale à laquelle notre pays est confronté et que le pouvoir veut occulter : le déclin et la décadence de la France qu’il devient impossible de cacher aux yeux du monde. Au Stade de France, pour un match du plus haut niveau international, retiré à Saint-Petersbourg et donné à Paris, nous avons offert le triste spectacle d’une organisation défectueuse, aggravée par une grève du métro selon nos habitudes, qui a permis aux voyous des environs de pénétrer dans l’enceinte sportive, d’y occuper indument des places tandis que d’autres agressaient et rançonnaient les supporters qui en étaient privés. La police, prise de court, présente en nombre, a réagi avec une brutalité compréhensive mais mal dirigée. Croit-on qu’il sera facile de faire venir en France les touristes qui ont vu dans la capitale française des hordes de loubards agir sans retenue ? On savait M.Macron peu doué en géographie. Il a dû confondre la Californie et le Bronx, en parlant du “93”. Mais il n’est pas plus fort en histoire, car le problème français n’est pas celui de l’esclavage et d’une ségrégation longtemps entretenue. C’est celui d’une immigration sans assimilation, d’une discrimination positive en faveur des jeunes immigrés, notamment devant les tribunaux, du laxisme judiciaire et de l’absence de peines en raison de l’insuffisance des prisons. On sait que ces dernières ne manquent pas aux Etats-Unis.
Le ministre de l’intérieur s’est précipité pour se disculper en dénonçant la fraude des billets et pour jeter l’anathème sur les supporters anglais. Le courage du “c’est pas moi, ce sont les Anglais” ! C’était confondre le détonateur et la bombe : dans un pays sérieux où les dirigeants sont vigilants et responsables, où la population est encore capable de civisme en raison de la force morale de l’éducation qu’on lui offre, les fraudeurs auraient été rapidement filtrés, et les abords du stade interdits aux “sauvageons”. La France a révélé l’ensauvagement qui la contamine, et le lendemain, sur un autre stade, celui de Saint-Etienne, la province a réédité le phénomène à sa dimension.
Mais pendant ce temps une tragédie au symbolisme fort a été dissimulée aux yeux du grand public par une étonnante ( ? ) connivence des journaux et des pouvoirs publics : à Marseille, le 10 Mai, Alban Gervaise subissait une tentative d’égorgement alors qu’il était venu chercher ses enfants âgés de 3 et 7 ans à l’école catholique Sévigné et les raccompagnait à sa voiture. Il est mort le 27, dans un silence aussi glaçant que général. La victime était un médecin militaire de 41 ans qui officiait à l’hôpital Laveran du nom de ce prix Nobel de médecine qui découvrit à Constantine le parasite à l’origine du paludisme et contribua à sauver tant d’habitants d’Algérie et des colonies françaises de cette maladie endémique. Peut-être avait-il encore été formé à l’Ecole du Pharo, à Marseille, là d’où sont partis les médecins coloniaux qui ont été partout dans le monde sauver les vies des colonisés au risque de la leur ? L’assassin, lui, se prénomme Mohamed. Il a porté une dizaine de coups de couteau à la gorge en criant “Allah Akbar” selon des témoins. Connu défavorablement des services de police pour toxicomanie, souffrant de problèmes psychiatriques, il n’a été ni placé dans un service de psychiatrie, ni mis en examen pour terrorisme et radicalisation. Dans ce cas tragique comme dans la farce tragi-comique qui ridiculise notre pays au Stade de France, le pouvoir a botté en touche !